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30/04/2016

Petites précisions sur mon approche du poète Henri Michaux, pour les lecteurs de ce blog

Ces lignes que je vous donne à lire ne sont bien évidemment pas des reprises de ce qui a été imprimé dans La Pléiade !, mais en sont juste un complément. Elles ne prétendent pas à l'exhaustivité, simplement, elles jettent sur la vie et l'oeuvre de ce grand poète un regard nouveau, lignes qui à mon sens aident à mieux comprendre le pourquoi de la création, de ses livres. Beaucoup s'y sont essayé, je ne suis pas certain qu'ils aient eu les bons éléments en main... même un Jean-Michel Maulpoix, dont l'oeuvre me parle, par ailleurs. Encore moins un Michel Butor : "Improvisations sur Henri Michaux" ; ou un J.-M.G. Le Clézio : "Vers les icebergs", dont l’écriture est aux antipodes de l’auteur qu’il tente d’approcher, si maladroitement que c'en est touchant.

En juin 1987 par exemple, la revue "Europe" lui consacre, à Henri Michaux, un numéro spécial (n°698/699, pp. 1 à 138). Qu'y apprend-on ?, pas grand chose. Suffirait-il de laisser parler les universitaires (entre eux) pour avoir la note juste ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

A sa mort, Henri laisse au pied de son bureau, des tomes de l’encyclopédie La Furetière. Au mur, derrière lui, un grand dessin mescalinien. Sur chevalet, une grande toile, restée inachevée, lui qui n’aimait pas l’huile, pour ses odeurs, a dû vivre avec, jusqu’au terme de son existence. Tout est là : son trésor, sa merveille. Une vie. Et bien plus qu’une vie.

Qu’on me pardonne : cessons de jargonner ! Sans donner dans le misérabilisme - une démarche déplacée à mon sens -, Henri a connu entre autres la misère, mais qui en parle aujourd’hui ?, sauf si on lit ses lettres à Franz Hellens... Certes, ce n'est pas le seul parmi la foule des poètes que l'époque maltraite, loin s'en faut. Il a refusé tous les honneurs, une fois que ses livres se vendaient avec succès : irrécupérable donc, car trop fidèle à ses principes. Seul demeure : ce qu’il a écrit, envers et contre tout. Pouffant de rire, car c'était là son tempérament (cqfd) contre les faiseurs, les assis. Le reste n’est que littérature. DM

23/04/2016

Henri Michaux : "Donc c'est non", éd. de Jean-Luc Outers, Gallimard, 208 pages, 2016

Comme je vous le laissais entendre dans la dernière note du blog, Michaux fut d'abord l'homme du "non" ; l'heureux paradoxe est qu'il ait pu paraître sans encombre dans La Pléiade, sous l'oeil averti de celle qui fut sa compagne, Micheline Phankim. Car l'époque que nous vivons privilégie l'assertivité, fût-elle servile...

Ce livre dont je ne vous touche que quelques mots aujourd'hui : "Donc c'est non" réunit en son sein un certain nombre de lettres où Henri Michaux, sur la défensive, en position du hérisson, envoie gentiment promener - jamais chez lui d'emportement vulgaire - ceux qui essaient de l'entraîner sur des chemins qu'il n'aurait pas librement choisis. C'est Jean-Luc Outers qui s'est chargé de compiler lesdites lettres. Ce qu'Henri Michaux écrit à propos des prix littéraires : "J'excuserais une assemblée anonyme qui, siégeant secrètement dans une cave obscure, m'adresserait (...) une somme importante en signe d'enthousiasme."

Attitude constante donc, il demeurera jusqu'au bout fidèle à ses principes, refusant la collection Poésie/Gallimard comme sa panthéonisation dans La Pléiade ! La première car il estimait qu'"un livre, cela se mérite" (et que le tenir en poche ne serait pas acceptable), la seconde car le rendu de ses nombreux livres illustrés en aurait pâti : "Laissez-moi mourir d'abord", répliquait-il. Toujours dans cette optique, il est resté jusqu'à sa mort, le 19 octobre 1984, fidèle à Fata Morgana, quitte à ce que les lithos de l'un de ses dernier livres, "Saisir", n'aient pas eu la qualité que l'on était légitimement en droit d'attendre pour pareille édition.

Je vous communiquerai plus tard l'une de ses lettres de refus (inédite), non reproduite dans cet excellent livre, "Donc c'est non", fidèle à la personnalité de ce poète hors normes que fut Henri Michaux. Daniel Martinez

13:38 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

21/04/2016

Henri Michaux opus 2

Malgré le volume des trois tomes de La Pléiade consacrés à Henri Michaux, parus à La Pléiade, sous la direction de Raymond Bellour, Ysé Tran et Mireille Cardot & le travail des plus sérieux qui a présidé à cette impressionnante recollection des textes du poète dispersés aux quatre vents : en plaquettes, en revues, en programmes de théâtre, en catalogue d'expositions, en dactylogrammes, en livres - deux articles, n'ont pas été repris dans la prestigieuse collection, articles dont je vais vous donner lecture ici-même.

Voici  donc les deux articles parus dans la revue Les Nouvelles littéraires n°2882, 14-20 avril 1983, en page 45 - deux livres de jeunesse commentés par leur auteur :

"Pour Ecuador, 1929

ECUADOR : un départ pour la république de l'Equateur, un séjour de huit mois, un retour en pirogue sur le Napo, et en bateau par l'Amazone.

La plupart des voyageurs béent d'admiration quand ils croient qu'il convient de béer. Et les plus froids se fouettent pour écrire quelques mots sur les spectacles "importants".

L'auteur de ce livre n'a pas fait cela.

Il ne dit pas un mot du canal de Panama, et il lui arrive de parler d'une mouche. Il ne s'est jamais préoccupé d'être juste et impartial envers les choses, il s'est seulement préoccupé de l'être envers ses impressions.

Et s'il y a des poèmes dans ce livre, ils veulent être aussi sincères. Ils ne se croient pas supérieurs."

                                                                          Henri Michaux

* * *

Pour Un barbare en Asie, 1933

L'auteur de ce livre, étant enfant, allait dans le jardin observer les fourmis. Il les mettait sur une table, ou lui-même s'allongeait par terre, se mettant à leur niveau.

Ce voyage dura des années pendant lesquelles il ne fut guère intéressé par autre chose.

Cette fois l'auteur a été en Chine et aux Indes, et aussi, quoique moins longtemps à Ceylan, au Japon, en Corée, à Java, à Bali, etc.

Il n'a pas observé les fourmis, qui cependant abondent, mais les races humaines.

Comme il est naturel, il s'est tenu à l'écart des Européens, et a tenté de disparaître dans la foule étrangère. Il a attrapé des poux dans tous les théâtres d'Asie. Il connaît, pour y avoir été quantité de fois, le théâtre chinois, japonais, hindoustani, bengali, coréen, malais, javanais, etc... il a vu les films japonais, chinois, bengalis, hindoustanis. Il a entendu la musique, les danses indigènes.

Il a assisté aux prières, il s'est approché des temples, des lieux saints, des prêtres de toutes les religions.

Il a lu ou bien relu les ouvrages des philosophes, des saints et des poètes, il a étudié ou parcouru la grammaire de chaque langue et son écriture.

Enfin et surtout il a regardé "l'homme dans la rue", comment on rie, comment on se fâche, comment on marche, comment on fait signe, comment on commande, et comment on obéit, les intonations, la voix, les attitudes, les réflexes (tout ce qui ne ment pas).

Il s'est ainsi enfoncé dans la peau des autres. Toutefois, dans la peau d'un Chinois, il reste lui-même et souffre et regimbe, il souffre dans la peau de l'hindou, il souffre dans la peau d'être homme et de ne pas trouver la Voie. Et tout en souffrant il montre de l'humour, comme on fait, comme tant d'autres ont fait..."

                                                                          Henri Michaux