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23/12/2017

Kenneth White opus 5 (suite et fin)

La blancheur est inséparable de la présence : les arbres pris dans le gel sont incomparablement présents : à travers eux filtre la lumière. Le regard est aimanté par la blancheur virginale de la glace qui étend son règne à toute la nature. Elle la plonge dans une léthargie, une catalepsie réparatrice qui prépare la reverdie, qui annonce une nouvelle efflorescence.
Le poète a une nette prédilection pour un "Pays de neige et de glace", comme il l’exprime dans le poème éponyme du recueil Terre de diamant :

       Parvenu en ce lieu
       où la blancheur est évidente
       ici dans les montagnes
       où le froid mon élément
       me ceint d’éternité

L’évidence de la blancheur, c’est ce qui se passe de mots. Le poète n’a besoin que de peu de mots pour saisir la beauté glacée du paysage. La "blancheur est évidente" parce qu’elle se donne à voir elle-même. Elle n’en a que plus de valeur, comme le poème qui se détache sur la blancheur virginale de la page. Le poète écrit avec du froid, il compose avec de la lumière.
Un dernier poème du recueil Atlantica, du reste déjà cité ("Hautes Etudes"), suffit à mettre en lumière la poétique de la blancheur qui organise le poème de Kenneth White :

       Pourquoi tant étudier
       pour atteindre le blanc –
       ayant secoué les lettres
       devenir illettré
       et vivre
       dans la lumière immaculée

La poésie est l’art d’atteindre à la blancheur en tant qu’elle est pureté, sinon perfection, du moins justesse.
L’écriture poétique se définit avant tout par une quête de l’écrire vrai, de la juste formulation. Le vrai poète doit devenir illettré pour réapprendre à voir et à dire le monde tel qu’il est, au lieu d’avoir les yeux bouchés par tout les discours qu’on tient sur lui.
Le vrai poète parle donc parce qu’il manque de mots et non pas parce qu’il est dans un trop dire.


En conclusion, je voudrais dire combien la poésie whitienne et la géopoétique qui en est le corollaire obligé font souffler un vent nouveau sur le monde de la poésie contemporaine de langue française. Le poète voyage sa langue et habite le monde par son œuvre poétique. Il est en "chemin de lumière" parce qu’il ne cesse de tendre vers un regard plus pur, vers un regard dépouillé de tout savoir et de toute glose. Il se tient quelque part entre la recherche de la blancheur et la conscience de l’obscurité, entre la transparence de la beauté et l’évidence de la vie.


Alexandre Eyries

13:34 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

21/12/2017

Kenneth White opus 4

II°) Une poétique de la lumière et de la blancheur

1°) Le poème au révélateur de la lumière

   Le poème whitien accède à son expression la plus aboutie en portant le langage à son point d’incandescence. Par le poème, le langage se dénude, jusqu’à atteindre une blancheur miroitante, une lumière intense et pénétrante.

  Dans le poème "L’hiver du monde" du recueil En toute candeur, la lumière est présente mais elle pénètre lentement et difficilement au cœur des choses, comme si elle passait à travers la forêt, à travers la végétation :

            Les arbres d’hiver pleurent dans le froid
            Les oiseaux sont braves mais chantent sans joie
            Le soleil lui-même : un fil de clarté
            Ruse ne vaut pas sagesse et bonté 8

   Dans ce décor hivernal, une lumière diffuse baigne un paysage sinon hostile, du moins inhospitalier. Le soleil, réduit à "un fil de clarté" égaye la tristesse d’une lande comme endormie sous l’action conjuguée du froid et de la neige. La lumière de ce poème est froide, c’est une lumière hyperboréenne qui s’accorde aux paysages désolés des hautes terres d’Écosse.

   Dans "Soir d’hiver", la lumière filtre à travers le givre, elle traverse fugacement la pellicule de glace avant de s’éteindre, telle une épiphanie appelée à disparaître : « Les lampadaires saisis par le premier gel / Ont des moustaches de lumière mais elles se perdent 9 ».

   Les "moustaches de lumière" des lampadaires soulignent le caractère incandescent et éphémère du traitement de la lumière dans cette poésie. Elle est un épiphénomène, une apparition au même titre que le poème inscrit la mémoire dans la précarité d’une invention langagière.

   Le poème "Beinn Airidh Charr" du recueil Terre de diamant illustre le statut d’une poésie qui s’est donnée pour tâche de capter les beautés du monde et les moments de grâce :

            Il est une substance plus froide et plus claire
            au-delà de cette ignorance
            ce sont ces collines, foyer
            fécond inaccessible à la pensée
            cette lumière qui irradie
            aux limites de l’austérité
            et aveugle les mots
            seulement dans le crâne, par éclairs
            une extase glacée.

   La lumière qui innerve ce poème rend la luminosité blafarde des journées d’hiver, la presque obscurité à peine déchirée par une lueur hésitante. Une lumière qui "irradie / aux limites de l’austérité", c’est une lumière pauvre, nue qui restitue le sentiment d’appartenance du poète à un monde dépouillé. La lumière est nue, comme le langage du poète qui suggère simplement un sentiment d’émerveillement face à la beauté d’un spectacle aussi beau que celui de la nature. L’idée juste, le mot juste apparaissent quand on ne s’y attend pas : par fulgurance.

   La lumière, qui explore toutes les possibilités du spectre dans la poésie whitienne, est consubstantielle à un rapport quasi-viscéral à la pureté virginale de la neige.

2°) Le poème, entre candeur et blancheur

   Dès son premier recueil, le poète Kenneth White a manifesté un grand intérêt pour la blancheur des paysages, des lieux, des territoires et des pages.

   Dans la section "Poèmes du monde blanc" du recueil En toute candeur (publié en 1964 au Mercure de France), un poème joue le rôle de texte programmatique, incarne particulièrement bien cette poétique de la blancheur précédemment évoquée. C’est le poème "Monde blanc" :

            Ce monde d’arbres blancs
            Il est là devant moi
            Bouleaux devant le gel, nus
            Présents, vivants, patents 10

 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Alexandre Eyries

_________________

8 Kenneth  White,  Terre de  diamant, Paris, Grasset : collection "Les cahiers rouges", 1983, p 27.
9 Kenneth White, "Hautes Etudes" (Atlantica) dans Un monde ouvert (anthologie personnelle), Paris, Gallimard : collection Poésie / NRF, 2007, pp 167-168.
10  Kenneth White, "Etude dans la montagne en hiver" dans Terre de diamant, Paris, Grasset : collection "Les cahiers rouges", 1983, p 213.

19:28 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

20/12/2017

"Bonnes Feuilles" du numéro 72 de Diérèse

Vous l'attendiez, mais je suis obligé de jongler avec mon emploi du temps..., voici :


Ed. L'Herbe qui tremble :
     Voltige !, d'Isabelle Lévesque, avec des dessins de Colette Deblé
     Continuo, de Véronique Wautier, avec des peintures d'Anne Slacik

Ed. Alcyone :
     Le Rébus et le heurtoir, de Jacques Brossard
     Petits moments de légère gravité, de Eve Lerner

Ed. de la Crypte :
     Le garçon renoncé, de Matthieu Feyheit
     Kaïa, de Chan Dargery

Ed. Rafael de Surtis :
     Gengis Job, de Jean-Marc Proust
     La douce histoire du triste éléphant, de Diana Adamek

Revue "A l'Index" n°34 :
     Les mots du silence, consacré à Patricia Castex Menier, ill. Marie Alloy...

Ed. du Petit Véhicule :
     Le Voyage immobile, d'Alain Fabre-Catalan et Eva-Maria Berg, dessins de Jean-Marie Cartereau

Ed Voix d'encre :
     Paysages de genèse, de Pierre Dhainaut, avec des aquarelles de Caroline François-Rubino

Jacques Renou éd. :
     Trois saisons et demie, de Jacques Morin, ill. Pascal Juhel

Ed. La Dogana (Suisse) :
     Les angles étincelants, de Laurent Cennamo

Les éd. du Petit Pois :
     Appels en absence, de Luce Guilbaud

Ed Le pré carré :
     Fatum, d'Edith Masson

Ed. Le Castor astral :
     Le Versant noir, de Kevin Gilbert, trad. Marie-Ch. Masset

Ed. Galerie Koma :
     Mes pères sous les draps verts, de Dominique Chaboche

Ed. L'Harmattan :
     Flore et bestiaire imaginaires, de Daniel Habrekorn

Ed. La Feuille de thé :
     J'aurais préféré que nous fassions obscurité ensemble, de Claire Audhuy

Ed. Le Contentieux :
    A la seule, de Jean-François Rousseau

Ed. Les Presses littéraires :
     Les mythes de la mémoire, de Louis Savary

Ed. L'Aire, (Suisse) :
     Un toucher de neige, de Monique Saint-Julia, ill. de l'auteure

Auto-édition :
    La Geste de Dracula en Cotentin, de Guy Girard