241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/11/2017

"La proie s'ombre", de Gherasim Luca, éd. José Coti, 1991

André Velter, qui pour notre plus grand plaisir a participé à Diérèse, commente aujourd'hui un livre de ce poète étonnant, en mémoire :

"Être hors la loi / Voilà la question / Et l'unique voie de la quête." A cette question et à ce cheminement en forme de scrupuleuse mise à l'écart, Gherasim Luca ne s'est jamais dérobé. Né roumain en 1913, résidant à Paris plus de quarante ans avant sa tragique fin, il ne peut pourtant être présenté que comme un apatride d'expression française. Un homme de nulle part, qui parle ici une langue tout à fait sienne mais qui excède la nôtre au point de lui faire rendre gorge, de la provoquer, de la révéler. Car son pays, c'est son corps. Son identité, c'est sa voix.

Et s'il est un poète imprimé, avec onze titres au catalogue des éditions José Corti (rééditions comprises), Luca s'affirme d'abord présence, phrasé intense, silhouette noire livrée à la houle des syllabes et des sons. Mais cette houle, à l'instar de la pensée qu'il traque "vers le non-mental", ne s'apparente "ni à la tempête / dans un verre d'eau / ni au verre d'eau dans la tempête". C'est une subversion intime, un arrachement passionné, une profération amoureuse, ironique, essentielle, existentielle.

Il fallait donc voir et entendre Gherasim Luca vivre ses poèmes, comme en avril 1991 au Centre Pompidou, pour mesurer les enjeux d'une création funambule qui joue du mystère des mots en se tenant toujours instable, vertigineuse, démunie, sur le fil de la parole et du souffle. Avec La Proie s'ombre, le poète poursuit son parcours d'éveilleur de sens et de non-sens, d'aviveur de nerfs. Ce qui est à saisir échappe. La proie a mangé l'ombre, l'ombre se joue de la proie.

Gherasim Luca s'avance ainsi au bord extrême des signes et du vide, du désir et des songes, des légendes et du silence... "C'est autour de l'équateur mental / dans l'espace délimité par les tropiques / d'une tête / à l'angle de l’œil et de ce qui l'entoure / que le mythe d'une espèce de / jungle utopique surgit dans le monde". Ailleurs, il évoque, dans cet éclairage de magie sèche qui n'appartient qu'à lui, les dieux "sortis comme de l'accouplement de l'oiseau / et du rameau / et que les exilés du centre / adoreront un jour / entre les murs de leurs cités sombres...".

Unique, solitaire, farouche, voici un destructeur qui enchante, un écorcheur qui change le sang en ciel et le premier adverbe venu en promesse imprévue. Voici un grand poète, guetteur implacable des illusions, des faux-semblants, des mirages bien-pensants, et qui savait qu'aucun cahier d'écolier jamais ne retiendrait la liberté : "On ne s'inquiète et on ne lutte / que pour sauver ce qui est / et l'idée même de liberté / ne s'énonce qu'en termes d'esclave".

 

André Velter

20:17 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

24/11/2017

"Plain-chant de minuit" de Pascal Ruga

 Voici un livre/auteur dont ne parleront pas les médias, ita est. J'ai lu cet étonnant recueil d'une traite, tant ses vertus j'allais dire "thérapeutiques" m'ont paru évidentes ! La course après le temps qui caractérise notre époque (qui concomitamment court à sa perte) conçue comme une fuite en avant hors de contrôle a tout de même le mérite de renvoyer ceux qui acceptent de prendre un peu de distance face à ce phénomène (ces épiphénomènes) à leurs fondamentaux, aussi bien qu'à un devoir de résistance... Écoutez plutôt :


"Je ne me suspends à aucun temps, et si je puis dire, avec un certain étonnement, je vis encore, il m’importe peu de savoir jusqu’où et jusqu’à quand. Tout est présence, le moindre motif s’illumine de sa propre lumière. Vivre sous le joug d’un temps horaire ne me concerne plus et je respire le bon sens de ne donner aucune appellation à cet état de chose. Il s’agit bien d’une chose, celle que je me représente sans me soucier de son origine, de sa fin ou du sens que l’on peut lui donner. N’avoir plus à rechercher ce qui est ou n’est pas me repose dans la plus secrète des béatitudes et je passe… je continue de passer, semblable à ces doux nuages au-dessus de moi ; comme eux je ne me soucie pas de ce que je suis ou deviendrai en cet infini dont nous nous accommodons en participant à son mystère et à son esprit sans en tirer quoi que ce soit."

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

Pascal Ruga

 

extrait de : PLAIN-CHANT DE MINUIT - Collection "La porte étroite"
aux éditions de l'abîme, 1989, 55 pages

09:56 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

22/11/2017

Dans la rubrique "Tombeau des poètes", in Diérèse 72

Last but not least, c'est par ce fameux "Tombeau des poètes" que je terminerai les présentations (pardon à ceux que j'aurais par mégarde pu oublier), rubrique qu'Etienne Ruhaud mène à bien depuis déjà plusieurs numéros de Diérèse :

 

 TOMBEAU DES POÈTES VII

... Mauvaise blague, Max Ernst décède à Paris, au 19 rue de Lille, le 1er avril 1976 dans le domicile qu’il occupe depuis 1962 rue de Lille, dans le luxueux VIIème arrondissement. Il aurait eu quatre-vingt-cinq ans le lendemain. La case où reposent ses cendres comporte simplement ses dates de naissance et de mort. Abondante, diverse, sa production est exposée partout dans le monde, et plus particulièrement au Centre Pompidou, mais aussi à Seillans, dans le Var, où il vécut, et où trône Le Génie de la Bastlle, un autre totem en bronze, dominant la montagne En outre, un musée, contenant près de trois cents œuvres, a été ouvert dans sa ville natale de Brülh, en Allemagne, en 2005.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Etienne Ruhaud