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09/02/2018

Georges de La Tour (1593-1652)

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Saint Jérôme lisant une lettre, Georges de La Tour

Le Saint Jérôme se trouvait depuis les années 1920 dans le Palais de la Trinidad, actuellement siège de l'Institut Cervantès, dans la capitale espagnole. La précieuse toile était identifiée au patrimoine national comme le simple Portrait d'un cardinal. Jusqu'à ce que le directeur de l'Institut, persuadé qu'il était en présence d'une œuvre de Georges de La Tour (au regard des jeux de lumière sur une main, de la chevelure, de l'angle d'inclinaison de la tête...) confie la toile anonyme au Musée du Prado, comme une œuvre authentique du peintre français ; elle y est à présent exposée.

Pour Gabriele Finaldi, "La Tour est un saint Graal du monde de l'art". Le peintre lorrain, fils d'un boulanger, grandit près des rougeoiements du fournil paternel, d'où viennent peut-être sa fascination et sa connaissance des jeux de la lumière sur les carnations et des contre-jours. Il fut très célèbre de son vivant, pour rapidement tomber dans l'oubli après sa mort. Ses œuvres vont être pour la plupart attribuées à d'autres. Il faudra attendre le début du vingtième siècle pour assister à sa "résurrection" et reconnaître peu à peu sa patte dans les ombres et lumières de ses toiles.

Reconstituée grâce à des toiles signées, l’œuvre du maître compte environ soixante-quinze pièces, dont trente-cinq reconnues avec certitude. Elles représentent des sujets religieux et des scènes de genre, à l'exclusion des tableaux mythologiques, des portraits et des dessins.

Autre découverte récente pour le moins intéressante, une œuvre tardive de l'artiste : Saint-Jean Baptiste dans le désert (1651) vendue par Sotheby's à Monaco en 1993, tableau découvert à la suite d'un héritage, mis en vente à l'époque pour la coquette somme de 25 millions de francs. Il s'agit d'une scène "nocturne", plus appréciée que les "diurnes" (en raison de leur poésie mystérieuse). Cette toile de La Tour a été acquise par le musée de Vic-sur-Seille (ville natale du peintre). A voir.

10:00 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

07/02/2018

Regards IV

Lent régulier paisible le gémissement
des branches des bouleaux
sous la neige rosâtre par endroits
et le cri mélancolique du colvert
il nous souvient d'un jour
d'hiver où l'eau vivante
sortie des taillis
qui moutonnaient en désordre
se figeait laissant perler
quelques gouttes d'ambre
sur la roche gélive
le sol résonnait
un peu comme un ponton
l'air glacé nous traversait la peau
comme nous avancions
à petits pas mesurés
un quadrige immobile
avait fait halte au pied
de la châsse d'argent


Des soies mauves ici
des fragments de branches là
transformant leur marbre en miroir
l'espace entier frissonnait
ses particules continûment
nous touchaient l'épaule les cheveux
depuis le sanctuaire nous parvenaient
les sanglots étouffés d'un corps

strié d'incisions d'un violet pourpre
un monstre ailé embaumé
aux yeux liseronnés de pleurs
s'abouchait à des essaims d'étoiles chues
quand parut à la croisée des chemins
un grand cerf aux yeux dorés
cernés de longs cils
il s'arrêta d'abord plus surpris qu'apeuré
pour s'enfuir enfin
dans un jet d'haleine fumante
confondu à ce que pourrait être
mon tout dernier souffle



Daniel Martinez

7/2/2018

06/02/2018

"Sept figures palustres pour Jean-Luc Brisson", de Laurent Debut

De ce livre, qu'a écrit et édité Laurent Debut, poète et fondateur des défuntes éditions Brandes, enté d'un estampage électrolytique de Jean-Luc Brisson :

"Sept figures palustres pour Jean-Luc Brisson", (tiré à 120 exemplaires le 2 mars 1985)

on retiendra ses vers brefs, taillés à la serpe, aux accents chariens, dans la lignée de ceux d'un Jacques Dupin in "Une apparence de soupirail" (éd. Gallimard, 1982) :

"Mécanique des faces, entame au cœur foudroyé / la grenouille adopte le mouvement / et le mouvement est une couleur de la peinture.",

ou :

"Lente ligne en écart qui t'alimentes d'acidités, / ta palme ira noyant son ombre. L'éclat des matériaux / qu'on rive au futur se venge du dissecteur.

 Variation autour de la grenouille donc, la grenouille de laboratoire, livrée à la cruauté humaine (c'est le sujet de la gravure même), pour en arriver à cette phrase conclusive :

"En profusion d'herbe, dit la grenouille, je goûte le souffle d'une terre qui caresse la lèvre parce que nous ne savions pas que le jour commence aux premières eaux, ces passions, comme le sang ne connaît que le voyage du sang."

Chaque aujourd'hui de la vie du monde, chaque instant de l'expérience personnelle est comme tissé dans ce livre à la mystérieuse totalité d'une création dont le plus grand des "dépréciateurs" serait l'homme, qui pour se dédouaner en appelle à la culture, en dépit de ce que nous offre la nature donc. Ici s'inscrit le verbe du poète, lui qui souvent invoque une présence qui se fait attendre, qui avive le désir - ou le contredit. Puisque le statut du signe est aussi bien tourné vers l'avenir que vers le passé, il en résulte que la parole poétique en elle-même renvoie à cette double tension entre le sentiment, voire l'affectif qui touche à notre condition humaine et son expression : une condensation de la temporalité, nourrie de l'observation du monde, distraite des racines de la création.

Alors : "Tout est fortune pour l'image / du lieu où se partagent les effets du courant."

Et : "Le fil de l'eau conduit la source pour être raconté..."

Balance où la vie va, la vie vient, ou quitte la partie, mangée de nuit. Quand le poète, lui, rêverait que le fleuve du cœur toujours et sans fin fraye sa route à grandes foulées, à grandes eaux farouches... "La bête en moi qui bouge / en elle un ange rêve...["Contrechant", Jacques Dupin, in Cahiers GLM, mai 1949 ; repris dans "Cendrier du voyage", éd. GLM, juin 1950].

Rappelons s'il en est besoin que les éditions Brandes était une maison associative née en 1976, qui cessa ses activités à la mort de son fondateur Laurent Debut, en 2014. Que Jean-Luc Brisson est un artiste plasticien, créateur de jardins, professeur à l’École Nationale Supérieure du paysage, dont je vous invite à écouter l'intéressant entretien qu'il a eu avec Xavier Thomas sur Radio Grenouille :

http://www.radiogrenouille.com/audiothèque/
au-paradis-entretien-avec-jean-luc-brisson 

(résidence autour de la cité du Plan d'Aou, pour l'édition de son livre "Le Paradis", tout un programme !). Un moment de plaisir, vraiment.

 

 Daniel Martinez

17:01 Publié dans Auteurs, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)