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15/05/2018

Hommage de Christine Van Acker

Le texte de Christine Van Acker, écrit en hommage à Jean-Claude :

 

Ces derniers temps, il m'arrive de croire que mes productions radiophoniques construisent, comme les sept nains, des cercueils de verre. Les miens seraient de verre fumé. A l'intérieur, on pourrait y entendre des auteurs, des amis disparus. Leur voix continuerait à s'exprimer par elle-même. Elle les rendrait, pour un temps d'écoute, à la vraie vie. Mais, Pierre Autin-Grenier est mort, Jean-Claude Pirotte est mort, notre ami Michel est mort, leur voix est enterrée avec eux malgré l'illusion que peuvent donner ces quelques vibrations sonores diffusées sur les ondes. Chacun, l'un après l'autre, creuse autour de nous de larges trous. Un jour, il y en aura tant, des trous, que nous y sauterons dedans à notre tour.

De Pirotte, je garde l'image d'une cigarette roulée, d'un chat tigré installé sur ses genoux, de la maison namuroise où il était hébergé par l'un de ses amis quand il était de passage. Le corps est mince et un peu voûté, la gueule est barbue. Autour de lui volettent des anges nommés André Dhôtel, Jean Follain, Jacques Chardonne,... Plus tard, après avoir pris le temps de vagabonder dans ses livres, Pirotte se posera, lui aussi, sur mon épaule, aux côtés de Pierre Autin-Grenier, de Dhôtel, et de quelques autres dont je me sens proche. Loin du vacarme des villes, ils sont ceux qui aiment le travail de la langue, ils sont sincères même quand ils en font trop, ils ne se mêlent pas aux valets germanopratins, ils ont des frères nomades qui logent sous les ponts, et un goût certain pour le bon vin. De Pirotte, je garde surtout la petite musique de ses livres, un peu triste, pluvieuse. Pirotte faisait partie des écrivains pour qui le sujet, au fond, n'a pas trop d'importance, pour qui écrire c'est creuser, creuser pour trouver, tout au fond, ce qui finit par donner envie de se taire.

Christine Van Acker

www.lesgrandslunaires.org

 

 

Pirotte.jpg

photo prise en 1994/95, la suivante un peu plus tard, à Namur

© Christine Van Acker

13/05/2018

"Traverses", Jean-Claude Pirotte, éd. du Cherche midi, 2017

Le 28 août 2010

     ... Je n'avais pas la vocation d'un déménageur. Et ma vie, on peut le dire, s'est passée à déménager*. Or, on ne recommence jamais à "zéro". Ce que l'on transporte, c'est soi-même, avec les vieilles tares, les illusions de plus en plus délavées, les sourdes maladies de l'âme et les violentes affections du corps. On doit cependant laisser des morceaux de soi un peu partout, des bouts de mémoire à jamais disparus.
     "Épouse et n'épouse pas ta maison." conseillait René Char.


Jean-Claude Pirotte

 

* Dans le numéro 44 de Diérèse qui lui a été consacré, Jean-Claude Pirotte nous informait de ses déménagements de ville en ville, pays en pays, d'abord une réaction de fuite, "une cavale clandestine et voyageuse (Val d'Aoste, Catalogne, Bourgogne, Périgord, Suisse, Rethel, Paris, la Haute-Marne, et tous les vignobles aimés)"... Il a confié des extraits de ses Carnets, plus tard publiés en livre, à la revue. Cet appétit d'écrire qui ne l'a jamais quitté, ancré dans une "vie précaire et lumineuse", ses déboires assumés, bon an, mal an, sans jamais renier ses convictions, ses auteurs de référence, comme Henri Thomas et son fameux "Migrateur". Son mérite et sa force d'âme. La maladie, qui le rongeait de l'intérieur, avant que le dernier souffle n'emporte cet "enfant qui rame avec les mains vers le néant" ("Goût de cendre", page 83, éditions Thone, 1963) et qu'un soleil majestueux ne le capte au passage de l'autre côté du miroir. DM

08/05/2018

Clairvoyance II

Portés par l'écran trouble d'une larme
un ibis une pie lovés
dans la paix vivante du papier peint
se détachent du mur
et du siècle pèlerin
qui nous vit naître inconscients

l'ombre de l'ombre
d'un premier amour
me revenait en gorge


plus loin dans le passé
les restes d'un feu

et le besoin retrouvé
de s'y chauffer les mains
ne s'articule-t-il pas
à la splendeur totale
des émotions qui nous animent
dans leur pureté retrouvée

bornées par la matière dense
d'un monde dont les effluves
entrent dans ton for


comme l'odeur de la mer
les mythes vaporeux des nuages
tu souris quand se perçoit la séparation
et l'écriture dans ses voltes

à l'extrémité des doigts suspendue
d'un sol mouvant et nouveau
ici doux là brusque dans ses accidents


emportent mes mots qui ne disent rien
que cette immensité étayée
par le tremblement des braises
sous l'eau des pluies percées à jour
au lieu où tout le sens meurt
dans sa propre essence
deux grenadiers là
gardent en légende

leur terrible immortalité



Daniel Martinez

17:18 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)