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22/02/2021

Les premiers textes d'Henri Michaux sur la drogue, in "Ecuador"

Contrairement à ce qu'il est écrit dans La Pléiade : tome III, page 1495, note 1, les premiers textes d'Henry Michaux (avant 1930, il convient de mettre un "y" à son prénom) sur la drogue ne se trouvent pas dans La nuit remue mais bien dans Ecuador, dans l'édition originale bien sûr, un ouvrage qui assurera sa notoriété. Ce livre est d'ailleurs à lire entre les lignes, car on y trouve des renseignements personnels, repris nulle part ailleurs...
Je vous donne lecture du premier de ces textes, en page 85-86 ; on remarque toujours cette aspiration à la grandeur - lisible dans son poème précédent écrit en pirogue, plus tardif, en date du 3 novembre. Voici :


30 mars 28.

La nuit passée, j'ai pris de l'éther. Quelle projection ! Et quelle grandeur !
L'éther arrive à toute vitesse. En même temps qu'il approche, il agrandit et démesure son homme, son homme qui est moi, et dans l'Espace le prolonge et le prolonge sans avarice, sans comparaison aucune. L'éther arrive à une vitesse de train, par sa route de bonds, d'enjambements : Escalier à marches de falaises.
Ainsi gravit les paliers de l'atmosphère un oiseau grand voilier dans la Cordillères des Andes.
Cependant mes pieds et mes jambes, comme s'il y venait goutte à goutte le dépôt de ma pesanteur matérielle, s'éloignent, se caoutchoutent au fin bout de moi-même.
Et sur ma bouche une bouche de glace.


Henry Michaux

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Ler Napo, qu'a parcouru Henry Michaux

20/02/2021

"Ecuador - Journal de voyage", d'Henry Michaux, éd. Gallimard, 2 juillet 1929, 756 exemplaires, 200 pages

Le 27 décembre 1927, Michaux embarque sur le Boskoop, dans le port d'Amsterdam, à destination de Guayaquil (Équateur). Au regard de "l'anticalendrier de la mer", il va noter presque jour après jour les étapes de ce voyage pas comme les autres. Fourbu, il revient au port d'attache le 6 janvier 1929 et confie quelque temps après son tapuscrit à Gaston Gallimard.
Il a déjà écrit "Les rêves et la jambe" (plaquette), "Fables des origines" (éd. du Disque vert), a publié "Qui je fus" à la N.R.F. Voici l'un de ses poèmes de voyage, puisé dans la version originale d'Ecuador, pages 154-155 :

* * *

Samedi 3 novembre en pirogue souffrant et sans doute avec fièvre.


Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi tout,
Et prêtez-vous à moi,
Et prêtez encore
Et tout de même ça ne suffira pas.


Le désespoir est doux,
Doux jusqu'au vomissement.
Et j'ai peur, peur.
Quand la moelle elle-même se met à trembler,
Oh ! j'ai peur, j'ai peur
Je n'y suis plus, je n'y suis presque plus.


Oh, mon ami,
Je m'accroche à ton souvenir.
A ta haute stature,
Je m'accroche mais je tombe,
Je me lâche.
Je n'étais donc pas tellement moi-même qu'on me l'avait dit.
Je vis à la renverse.
Encore un jour ? encore deux ?
Et Iquitos d'ici est encore à 12 jours.


Henry Michaux

Henri Michaux, ses constantes résurgences

Dans le journal Combat, du 21 juin 1951, Justin Saget publie une lettre ouverte de Henri Michaux. Il y expose les raisons de sa non-acceptation des prix littéraires. Les curieux se reporteront au deuxième tome de La Pléiade* pour y lire ce texte magistral.

Pendant l'été (22 août 1951), il écrit au critique Maurice Saillet :

"Non, les vacances des autres ne me donnent pas de blé. Et si l'on s'informe de farine, les moulins savent ce que ça veut dire, et ne répondront pas plus qu'ils ne tournent, c'est-à-dire peu. Mais les premiers sacs n'ont pas été brûlés, ils ont résisté à l'examen aussi pourrait-on sans risque parier sur l'ensemble. Je suis peiné pour Sylvia**, dont la sœur, même si elle n'avait eu que la moitié de son charme, doit être bien pleurée. Amitiés à Sylvia, à Adrienne (Monnier, ndlr) et à vous, admirable Savoyard. Quelle veine de respirer dans les chaumes l'air de Boëge. H.M"           Cette lettre est inédite.

En automne, Michaux publie à Paris, chez un éditeur de ses amis qui restera anonyme, "Quelque part, quelqu'un", un opuscule de 26 pages, imprimé à 15 exemplaires. C'est en fait la reprise (avec quelques corrections) de 7 pages publiées par la NRF en octobre 1938 (n°301).

Il dessine à l'encre par des gestes aléatoires, de nombreuses pages de "signes", il en verra publiées soixante-quatre dans son fameux livre "Mouvements" (32 x 24 cm), pour les exemplaires de tête sous enveloppe et boîte titrées par l’éditeur, René Bertelé, Le Point du Jour, 1951. Esthétique de la vitesse...

La galerie Rive Gauche l'expose à Paris ("Mieux connaître Henri Michaux"). Il s'intéresse à Pierre Boulez.

                                              

DEDI MICHAUX.jpg

Page de garde de l'exemplaire d'Exorcismes (1943) dédicacé à René Bertelé : "Que les sorciers et quelques autres de leurs EXORCISMES vous aident... ou au moins de leur stimulation Avec l'amitié de Henri Michaux"  

*Bibliothèque de La Pléiade, NRF, Gallimard :

   Tome I   (œuvres de 1927 à 1947), 1998
   Tome II  (œuvres de 1948 à 1959), 2001
   Tome III (œuvres de 1960 à 1984), 2004

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    **Sylvia Beach, qui vient de perdre sa sœur