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02/01/2020

"Le Colporteur", de Christian Bobin, éditions Brandes, 21/3/1986, 560 exemplaires (dont 60 avec 2 gravures de Jean-Claude Le Floch).

L'histoire que tu vis, celle de chaque jour, est simple, donc incompréhensible. Aucun livre n'en fait mention, aucune lanterne de papier ne l'éclaire. Regarde. L'essentiel est dans ce que tu oublies et qui se tient devant toi. C'est par l'infime que tu trouveras l'infini, par ce calme regard sur l'ombre bleue, peinte sur une tasse de porcelaine blanche.

L'âme, sans doute, est imprégnée de cette couleur, ainsi que de lambeaux de vieux français et de chants anonymes, éternels comme l'aurore, celle qui chaque jour se lève.

*

Lecture : fiévreuse amitié avec le premier venu. Grillons dans l'encrier, cigales sous la page, bruissements, murmures, plain-chant du silence. Offrande du solitaire au solitaire. Deux passants sous les grands chênes, l'un écoutant l'autre, à livre ouvert. Que disent-ils ? Rien assurément qui fonde un nouvel ordre du monde, renouvelle le manège des autres. Plutôt cette seule évidence, marmonnée par Montaigne, l'indolent somnambule, considérant dans sa main une poignée d'argile mêlée à un peu de ciel :

C'est chose tendre que la vie et aysée à troubler.


Christian Bobin

28/08/2018

"Carnet du soleil" de Christian Bobin

Christian Bobin fit paraître aux Lettres vives en février 2011 son fameux Carnet, dédié post-mortem à Ghislaine, disparue prématurément. Son recueil est contemporain de la sortie du numéro 52 de Diérèse consacré à Thierry Metz...

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Il y écrit :
"Ce qui s'enfuit du monde c'est la poésie. La poésie n'est pas un genre littéraire, elle est l'expérience spirituelle de la vie, la plus haute densité de précision, l'intuition aveuglante que la vie la plus frêle est une vie sans fin." Christian Bobin

27/03/2018

"Le Plâtrier siffleur" de Christian Bobin, éditions Poesis, 5 euros

En février 2018, a paru aux éditions Poesis une plaquette de quinze pages de Christian Bobin intitulée "Le Plâtrier siffleur". Ce sont des propos du poète et romancier, recueillis par Françoise Lemarchand, réflexions datant de février 2012. Elles me semblent en parfaite coïncidence avec ce que fut la vie même de Thierry Metz, voilà pourquoi je vous en parle ce soir. Écoutez plutôt :
"Le plâtrier, la femme à son ménage ou le poète à son poème, chacun construisant quelque chose de très réel, de très éphémère, ne sont pas les maîtres de ce qu'ils voient. Dans cette lutte incessante que constitue le monde dit moderne, les contemplatifs sont les guerriers les plus résistants. Ce sont peut-être eux qui pourront nous tirer d'affaire. Il faut juste que chacun se remette à faire ce qu'il a à faire, de la façon la plus simple. Les poèmes du boulanger, ce sont ses pains."

Si l'auteur constate par ailleurs que notre monde "est carnassier", c'est pour se demander comment s'en défendre utilement sans perdre pour autant ses repères. Le dilemme est là : peut-on s'en sortir en étant soi-même, hors du tourbillon infernal ? Car rien de plus fragile, au demeurant, que le poème, conçu d'abord comme une démarche : "Habiter poétiquement le monde ou habiter humainement le monde, au fond, c'est la même chose."*

Je me souviens d'une lecture de Christian à la librairie José Corti, il y a bien longtemps maintenant, nous étions pour certains assis à même le plancher de la mezzanine et l'écoutions, sans mot dire. Après coup, un critique lui reprocha son angélisme, son côté rêveur en quelque sorte. Comme si le rêve (qui a tant nourri les surréalistes et pas seulement) n'apportait rien au réel. Ce qui est faux, assurément. Bobin ne s'en défendit pas.

De fait, notre monde nous désorganise, jusque dans le plus concret. Et je pense que de cette privation naît l'écriture, celle qui transperce tout, depuis les codes sociétaux jusques aux censures implicites "modernes". Au fond, ce siècle du tout numérique n'arrivera pas à gommer les derniers résistants, comme le dit Christian, il est heureux qu'ils soient poètes avant tout, dans leur âme même.

Pour autant, cette désorganisation n'est pas fatale, elle le devient quand elle est acceptée comme un mal "nécessaire", un mal d'époque. Être soi est aussi difficile que de bien voir j'allais dire, c'est toute une éducation. Une vie entière ne suffit pas pour y arriver tout à fait (à condition déjà de le vouloir). Je ne parle pas ici du monde politique et de son piteux spectacle, ni de tout le vulgaire où se débat notre condition d'homme, passée trop souvent à perdre son temps en croyant le gagner, misère... Je parle de la vraie vie, désirante, de la vie créative qui nous est propre, dans sa quête infinie de la Beauté, toujours fuyante, souvent maltraitée mais tout à fait essentielle : autant que l'acte de respirer. La vraie poésie est bien dans le respir, dans cet air que les poumons recueillent à loisir. Merci Christian pour tes lumières, de nous réapprendre à respirer à notre rythme. DM

 

* ce sera l'exergue de Diérèse 73.