24/03/2016
Les "Lettres du Cabardès"
Jean-Claude Pirotte et les Lettres du Cabardès
Chercheur d’absolu, toujours à baguenauder à travers la province française pour déchiffrer la musique secrète des paysages, Jean-Claude Pirotte était en quête du “vin qui n’existe pas”. Dans l’Aude, au pied de la montagne Noire, il découvrit un vignoble qui n’existait presque plus. Le phylloxéra, la surproduction, la morosité avaient entraîné l’arrachage d’une grande part de ces arpents de vignes plantés de cépages atlantiques et méditerranéens. En 1999, Pirotte a posé ses valises à Montolieu, village du livre. Enchanté par ces assemblages qui produisaient encore, malgré tout et tous, un vin de grande qualité, il décida de livrer combat. Comment ? En créant un prix : le prix Cabardès, financé par les viticulteurs qui venaient de remporter la même année une bataille contre l’uniformisation des pratiques vinicoles et du goût : la création de l’A.O.C. Cabardès. « Vous buviez, vous allez lire », lança l’auteur des Contes bleus du vin aux planteurs de merlot et de syrah.
Le prix fut attribué un certain nombre d’années : le lauréat se voyait remettre un foudre empli du vin en question. Jean Rolin fut le premier, pour ses Traverses. De fil en aiguille, Pirotte créa une collection de livres intitulée “Lettres du Cabardès”, qui accueillit, à La Table Ronde, Pendant que tu étais à Florence de Jean-Paul Chabrier et La sainte famille de William Cliff. Les éditions Le temps qu’il fait prirent le relais et publièrent, avec le concours de Jean-Claude Pirotte, des textes ayant peu ou prou rapport avec la géographie régionale : Michel Bernard raconta l’enfance de Charles Trenet à Narbonne : Comme un enfant, Lionel Bourg ses souvenirs dans Montagne noire, Gilles Ortlieb livra ses Carnets de ronde ou Serge Bonnery Le temps d’un jardin. Un esprit – comme on le dit pour le vin – s’était diffusé, qu’accompagnaient les “Après-midi des Cabardièses”, auxquels étaient conviés les adhérents de l’association et les autres, au prieuré d’Aragon, entre Ventenac-Cabardès et Fraisse-Cabardès.
Votre serviteur fut ainsi invité le 29 août 2003 à écouter Ya-Ou Xie interpréter Cimmarosa, Brahms et Albeniz, tandis que Pirotte lisait Reverdy. « Il y aura bien sûr du cabardès », formule magique, figurait, comme chaque fois, sur le carton d’invitation...
Frédéric Chef
Gravure sur bois de Claude Huart, 1986 © Diérèse
Tout prochainement, Christine Van Acker, des Grands Lunaires, en Belgique, viendra vous parler ici de Jean-Claude Pirotte. C'est elle qui ouvrait déjà la rubrique "Entretiens" du numéro 44 de Diérèse consacré au poète, plasticien, romancier, chroniqueur. DM
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31/05/2014
Hommage à Jean-Claude Pirotte
Tandis que l'on a pu guetter, en vain, une mention dans "Le Monde des livres" du 30 mai, n° 21574, de la mort du poète... Frédéric Chef, auteur, poète qui a été l'ami de Jean-Claude Pirotte, lui rend ici hommage. Jean-claude lui avait donné des poèmes pour sa Géographie sentimentale (éditions Le Pythagore, 2006).
pour Jean-Claude Pirotte, i. m.
te voilà sur les bords de la Sambre
parti la Meuse le Léthé ou le Styx
peut-être commences-tu à descendre
dans un poème toujours aussi prolixe
pourtant locataire sous le vocable
de la Vierge* qui te faisait rempart
tu tirais par les cornes ce Diable
ignorant qu’un jour le temps sépare
ce qu’il a réuni comme un bouquet
de membres de chair et de pensées
au-dessus l’âme ou quelque chose
approchant ? les poètes ne meurent
c’est connu jamais souffre-douleur
ils se piquent pour nous à toutes les roses
Frédéric Chef, 27 mai 2014
* Jean-Claude Pirotte habitait rempart de la Vierge, à Namur (ndlr)
Combat avec l'ange, encre de Chine sur Arches (15,3 x 16,1 cm)
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