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26/11/2018

Le Journal de Johnny Friedlaender

A présent, un extrait du Journal de Johnny F., inédit - vous le verrez, il est étonnant à plus d'un titre !... Il précise les éléments biographiques de la précédente note blog. Comme indiqué sur l'enveloppe, ces pages ont été rédigées en 1974 ; le texte étant entrecoupé d'allemand, j'ai choisi la feuille pour moi la plus lisible, avec laquelle débute ce Journal :

 

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1912 : Je suis né à Pless, à l'extrême limite de la Haute-Silésie, qu'on appelait "Le Coin des 3 Empereurs". C'est un pays de grandes forêts et de longs hivers.
A Pless j'ai vu mes premiers guerriers moustachus. Guillaume II et Hindenburg qui sortaient de l'église - Dieu avec nous. - La guerre était fixée et les valeureux combattants sur la place (qui) a été peinte en rouge.
Le temps devenait trouble et inquiétant. Putschs et révoltes se suivaient. Le Plébiscite donnait la Haute-Silésie à la Pologne et il fallait partir. On se réfugiait à Breslau, capitale de la Haute-Silésie.
J['étais assez mauvais... biffé]e devenais élève d'un lycée que j'ai quitté après avoir reçu 2 consilium habeundi (conseil de partir, ndlr) à l'âge de 16 ans. - J'ai présenté des dessins à l’École des Beaux-Arts de Breslau et j'ai été accepté comme élève chez Carlo Mense - chez lequel je restai très peu de temps - pour poursuivre (avec) Otto Müller (qui) me prenait dans sa classe - et je travaille assez sérieusement.

1929 : J'ai quitté l'école et pars pour Dresde où je m'installe définitivement. Je dessine et fais mes premières gravures.

1933 : Après un voyage à Prague, je suis arrêté dans un café à Dresde et mis en prison - transféré un mois plus tard au camp de concentration de Hohenstein (forteresse de Burg Hohenstein, en Suisse saxonne ; Johnny F. est relâché en décembre 1933, ndlr). [Mon séjour à H. devenait un peu plus supportable. biffé] Un jour je me trouvais installé dans une pièce du grenier [et j'étais obligé : biffé] où j'ai fabriqué des mois durant les portraits des dirigeants du 3e Reich et les portraits des épouses et fiancées de mes geôliers, d'après des photos plus ou moins bonnes. J'ai même fait le portrait d'un militaire torse nu au casque d'acier sur la tête, d'après nature celui-là. Dans ses yeux j'ai vu le regret qu'il ne pouvait pas épingler ses décorations sur la peau nue.

1934 : Le 31/XII j'ai été amnistié et devais me présenter tous les jours à la police.

1935 : Pour gagner ma vie, je quitte l'Allemagne et pars pour la C.S.R. (Tchécoslovaquie, ndlr) où j'ai fait les portraits de dames de la bonne Société de Potsdam.

1937: Un an plus tard je pars pour la Hollande où j'ai une première expo. Le journal fasciste du nazi hollandais Mussert m'attaque violemment. - La police des étrangers n'est pas tendre et je demande un visa touristique pour l'Exposition Internationale à Paris - avec la bonne idée de rester définitivement à Paris.
C'était un temps dur - Beaucoup de difficultés pour mon séjour et surtout pour des questions économiques.
Un jour j'ai participé à une exposition d'un groupe, "L’Équipe", et eu une très chaleureuse critique d'André Lhote.

Johnny Friedlaender

I - Johnny Friedlaender, une vie hors du commun : de 1912 à 1944

Gotthard Joachim Friedlaender (dit Johnny Friedlaender) naît le 21 juin 1912 à Pless, en Haute-Silésie. De 1922 à 1928, il effectue des études au Gymnasium de Breslau ; puis entre à l'Académie des Beaux-Arts de Breslau. Friedlaender suit le cours d'Otto Mueller - un des maîtres du groupe Die Brücke - dans sa Meister Klasse de peinture, ainsi que l'enseignement de Carlo Mense. Il fait alors quelques essais de gravures et de lithographies. En 1929 il voyage à Paris où il séjourne trois semaines.

En 1930, Johnny F. s'installe à Dresde où il demeure jusqu'en 1935. Il participe notamment à des expositions de gravure et de peinture à la galerie J. Sandel (1931) et au Künstlerhaus. Un séjour à Berlin en 1932. En 1933, après la prise de pouvoir par Hitler, arrestation en janvier 1933 et internement dans un camp. Amnistié en décembre 1933, il doit cependant se présenter tous les jours à la police jusqu'à la fin 1935. En 1936, il s'enfuit et émigre vers la Tchécoslovaquie. S'installe à Morawska Ostrawa. Première exposition personnelle de gravures. Il quitte la même année la Tchécoslovaquie et contourne l'Allemagne par l'Autriche, la Suisse, la France et la Belgique, arrive enfin à La Haye. Exposition personnelle de gravures et d'aquarelles à la Maison de la Paix.

En 1937, Johnny F. quitte la Hollande avec sa compagne, l'actrice Helfrida Wenzel dite Fid, originaire de Dresde. Reconnu comme réfugié politique, s'établit à Paris. Vit impasse du Rouet où son atelier se trouve au-dessus de celui du peintre Hans Reichel. Collabore à la revue Marianne, participe au groupe Mouvement, rencontre à cette occasion Gaston Diehl. Remarqué par André Lhote dans la NRF. En 1939, il est arrêté en septembre au stade de Colombes (comme réfugié allemand) alors que sa compagne, Fid, est prise lors de la rafle du Vel d'Hiv. Puis transféré dans divers camps d'internement (Meslay du Maine, Vidauban, Les Mées, Les Milles). De 1939 à 1943, Friedlaender est engagé volontaire dans une unité de l'armée anglaise, il se retrouve finalement à Marseille, où les Dominicains le protègent en lui commandant des affiches. Rencontre à Marseille, au café Le Brûleur de loups dans le vieux port, des réfugiés, artistes et intellectuels, parmi lesquels Paul Eluard, Marc Chagall, André Breton et Arthur Adamov.

En 1944, après la Libération, il demeure une année dans les Basses-Alpes où il réalise un cycle de douze gravures, Images du Malheur, pour l'éditeur Sagile. Illustre quatre livres des Frères Tharaud, membres de l'Académie Française.


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24/11/2018

Une gravure de Johnny Friedlaender

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La saison des amours, 1945

Devrait-on ne retenir d'une vie que ses éclairs et sa lumière, en laissant aller librement ce flamboiement qui nous anime, de l'intérieur ? Peut-être, car les images qui nous reviennent en écho continuent d'être fragments signifiés du monde, doués d'une existence propre. Pour sauver ce que le temps réduit et délite à mesure, demeurer dans la fascination première de l’œuvre née, re-née des mains du plasticien, de la passion qui l'a portée, ainsi sauvée de l'inéluctable fin. Avec comme point d'ancrage le corps capté dans son immédiateté rayonnante, comme le signe d'une réalité appliquée à se parfaire, ici et là, selon les vœux de l'artiste. DM