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06/10/2018

Colette Lambrichs expose à la galerie Didier Devillez (Bruxelles) : du 14/10 au 3/11

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Née en 1946 à Bruxelles, l'auteure et plasticienne Colette Lambrichs décide de fonder, seule, une nouvelle maison d’édition, Les Éditions du Canoë. Parallèlement, elle écrit et publie à La Différence plusieurs recueils de nouvelles et deux romans, Tableaux noirs, (1980, 3e éd. 1997), Histoires de la peinture (1988, 2e éd. 1997), Doux Leurres (1997), La Guerre (2002), Logiques de l’ombre (2006) et Éléonore (2013).

08:34 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

04/10/2018

"A qui bon la poésie aujourd'hui ?", de Jean-Claude Pinson, éd. Pleins Feux, 1999

Que peut encore la poésie, quand ses illusions lyriques de naguère (offrir une vue imprenable sur l'Absolu, "changer la vie"...) ont perdu tout crédit ? N'est-elle pas devenue une activité anachronique et dérisoire ?
Et pourtant, même s'il lui a fallu en rabattre sur ses prétentions, elle insiste, tournée toujours vers ce qui ne cesse de manquer à nos existences.

Un quart des Français, selon Le Monde de l’Éducation, s'adonneraient aujourd'hui à la poésie. Beaucoup, sans doute, ne cherchent pas à être publiés. Il n'est pourtant pas rare que l'autothérapie poétique aille de pair, dans le contexte de l'individualisme contemporain, avec un désir de reconnaissance exacerbé. Or le principe démocratique selon lequel chacun a le droit d'être un auteur se heurte au principe aristocratique (hiérarchique) qui régit encore le monde de l'art et de la poésie : tout ne se vaut pas et il faut en passer par les instances d'homologation forcément malthusiennes (et certainement par bien des côtés injustes).

C'est dans une sorte d'entre-deux, à mi-chemin de l'intelligence d'un sens et de la sensibilité aux formes verbales, là où se fait l'hésitation entre sens et sons, que l'onde du poème se déploie. Sollicitant, plutôt que notre intelligence narrative, une compréhension qu'on pourrait dire "affective", le poème lance ses mots, comme autant de sondes, en direction des assises les plus enfouies de notre présence sensible au monde. Il fait vibrer en nous la corde énigmatique du temps en ce qu'il a de plus inscrutable. Il excite les nervures les plus secrètes de notre habitation corporelle et spatiale du monde. De la sorte, ce n'est pas un message qu'il délivre, ni quoi que ce soit qui puisse être de l'ordre d'un enseignement doctrinaire. Il ne met pas en vers des idées ; il dessine et décline des versions de mondes qui sont autant d'esquisses d'une autre économie possible de l'existence, d'un autre éthos (séjour), qui serait, selon le mot de Mallarmé, plus "authentique".


Jean-Claude Pinson

02/10/2018

Eugène Savitzkaya

Mais encore : un poème étonnant, images et sons, de cet auteur belge né en 1955, voici :

AIGLE ET POISSON


En l'air, sur saturne, sur les images neuf fois,
sur la bouche, sur le ventre, sur le feu levé,
il cracha comme le jet d'eau, poivre, écailles
et pollen, le jus avalé, le premier pépin explosé

 

brûlant les truies et colorant les saumons, sale,
soufré, gonflé et vide, cracha sur le toit, cils
chargés de couleur noire, cul taché buvant le
miel de la lumière de l'eau, et main sainte dans

 

la poche sacrée, tiède, aspergé, toujours vaincu,
paumes et seins plats, vieilli, flétri, mort
avec moi, avec les ombres du tilleul, à la tête
de cuivre, menthe, fleur coulant disparue, trou

 

dans la rivière et dans le mur de briques, à
travers la maison et sur le ciel, sur le pélican,
les tuyaux transparents, le cœur d'angélique,
la roue mélangeant le lac, les oreilles et les

 

sabots du monstre, le mouton rouge, le nuage du
soleil piqué et tombé, le plat de noix et de
cervelles à l'intérieur du grenier et l'escarpolette
du tailleur, par-dessus le bulbe de pierre et

 

d'excrément bleu, crachat de l'ange fouetté,
chiure de frayeur, semence de mouette ou d'aigle
chasseur, fontaine blanche et généreuse, tremble,
troène et saule, chaux éteinte sur les feuilles

 

et les os, éclaboussant de perles, de cristaux,
de poudre, poudrant la toison, secouant chaque
rameau de l'arbre à peinture, sauteur bondissant,
ressort, langue habile sur l'or et sur l'argent,

 

vis sans fin dans la porteuse de mercure et dans
le marin masqué, entre les roues, entre les lèvres,
entre les sœurs, et cracha, cracha jusqu'au sang,
jusqu'à la bile.


Eugène Savitzkaya

10:09 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)