15/10/2018
Leslie Scalapino (1944-2010) traduite par Dominique Fourcade
Écrivain américaine que l'on rattache communément aux poètes de la langue (language poets) elle se considérait proche de la Beat Generation [rappelons au passage que le prochain Diérèse donnera des traductions inédites de Gregory Corso, in Gasoline, avec une préface inédite aussi en français d'Allen Ginsberg]. Le meilleur titre de Leslie Scalapino à mon sens : "Way (Poems)" chez Green Integer 1988, rééd. 1992. La voici donc traduite par Dominique Fourcade :
Considère certaines émotions par exemple s'endormir, dis-je
(particulièrement quand on est debout sur ses deux pieds)
comme semblables
à la crainte, ou la colère, ou l'évanouissement. Je le ressens
ainsi. Le sommeil
en moi est induit par du sang entré de force dans les veines de
mon cerveau. Je ne peux me fixer. Ma langue est engourdie
et si grande elle en est longue comme la langue d'un veau ou
une langue de chèvre ou de mouton. De plus, je bêle.
Oui. En privé, au lit, la nuit, la tête
tournée de côté sur l'oreiller. Pas étonnant que je dise que
j'aime dormir.
Leslie Scalapino
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13/10/2018
Dominique Fourcade
On vous a (sans doute) parlé de Deuil, de Dominique Fourcade, livre paru chez POL cette année même, écrit à la mémoire de Paul Otchakovsky-Laurens, son éditeur. Mais j'ai dans ma bibliothèque un petit bijou du même auteur édité par Michel Chandeigne en septembre 1987 : Extrait ordinaire, enté de cadmiums de Brigitte Komorn et imprimé à 400 exemplaires, dont 30 avec une jaquette en polyester peinte par ladite plasticienne.
On reproche aux notes parues sur les réseaux sociaux à propos de Dominique Fourcade leur ton trop élogieux, je serai moins emphatique que certains en écrivant simplement que Dominique a su concilier dans Extrait ordinaire le courant objectiviste et cette petite source Lactée sous les paupières qui donne voix à l'Inconnu, comme qui dirait léviter sans quitter le sol. Voyez, écoutez plutôt ce que l’œil et l'oreille captent : qui n'est pas à situer dans l'imaginaire mais dans la constante volonté du scripteur de toucher par ses mots mêmes le manque de l'évidence. Ici une sorte d'art poétique, qui n'est pas au propre "le pied de la lettre" mais ce qui des vocables nous revient dans leur chair, en attente toujours, de paraître/naître :
Encore il y a le mot haie dont seule la raréfaction rend compte de mon angoisse
Et ceux qui ne sont pas le long de la voie ferrée mais dans une imagination en temps compensé
Corps laconique comme le mot trampoline
(Qui à l'occasion fait voile, le trampoline lacé,
Quand le catamaran se couche)
Ou mots à flotteurs extrêmes
Ou des autonomes comme le mot sein au pluriel
Vos
Conçus pour un soutien-gorge dos nageur
Et des corps tièdes (comme le mot pinède)
Ou humides (le corps du mot tiède par exemple) et des moments (des lieux ?) dans la langue où la vapeur s'inverse
Ou contenant un réel plus vaste qu'eux (seringue) et très spécifique
Je passe en train j'ai ma caméra je signe mon arrêt de mort je navigue en temps compensé
Odiah Sidibe athlète
Je passe devant moi (ce moi qui lit les écriteaux
Ne traversez pas un train peut cacher un mot renversant)
Je défile (ou le texte) je fais du mot à mot (qui ça) dans le texte induit
J'éprouve que je suis le texte et ma faiblesse ne fait que croître
Le poème est un tunnel plus vide plus fort plus dur
Plus net
J'obéis à toute induction je m'affaiblis souverainement
Le poème est un contrat d'obéissance, et d'affaiblissement
Le noir aussi est une question d'obéissance
Sur les côtés
De tous côtés mais pas devant
Le texte encore lui
Au moment où je l'attendais le moins
Le souhaitais le moins...
Dominique Fourcade
18:48 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
09/10/2018
Colette Lambrichs expose à la galerie Didier Devillez (Bruxelles) : du 14/10 au 3/11
Garde-toi des gouttes qui constellent
le chemin des branches
ah ces mannes moqueuses
ouvrent le ciel en deux
dense chute au long des haies
dans la maison des images
sableuse de réveil
sur le nimbe d'or
nos noms gravés
ouvrent une membrane incurvée
où l'oiseau-roi
froissé d'apostrophes
fait ses adieux à l'enfance
replie brusquement les ailes
en un rose tremblement
chaque silhouette rendue à la légende
que les paupières se refusent à clore.
Daniel Martinez
le 9 octobre 2018
à Colette Lambrichs
11:20 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)