09/03/2017
Henri Murger (1822-1861)
L'histoire littéraire n'aura pas accordé à Henri Murger, écrivain romantique mort à trente-neuf ans, et qui fut secrétaire de Tolstoï, la place qu'il aurait méritée. Soutenu par Nerval, il connut à l'époque certain succès, après des débuts misérables. Son œuvre symbolisant une jeunesse insouciante et heureuse devait inspirer à Puccini son opéra La Bohême. Il a écrit, en 1854, deux recueils de poésie : Ballades et fantaisies et Les Nuits d'hiver. Vous pouvez lire chez Gallimard Scènes de la vie de bohême (rééd. 1988).
Voici pour l'heure une ébauche d'un passage du premier chapitre de Scènes de campagne, livre paru en 1854. Henri Murger a réutilisé des éléments de ce texte pour écrire l'arrivée du peintre Lazare à Montigny-sur-Loing :
Au milieu de la campagne, qui s'étend à l'extrémité orientale de la forêt de Fontainebleau, on rencontre un petit village appelé Montigny. Cet endroit qui n'offre au reste aucune curiosité locale, se compose d'une centaine de maisons bâties en éclats de grès tirés des carrières des environs en exploitation dans la forêt, et la plupart recouvertes de chaume, les habitations espacées les unes des autres par de petites ruelles où croissent les herbes folles, et les raisins bordent une rue unique dont la partie basse aboutit à un pont de bois, jeté sur la rivière du Loing dont les eaux baignent une lieue plus haut les ruines d'un château bâti par la reine Blanche, et deux lieues plus bas, les tours et les remparts de Moret où résida François 1er. Vu du côté de la rivière, le petit village de Montigny offre un charmant motif de paysage aux artistes qui fréquentaient ses environs. Rien n'y manque, ni le clocher de l'église, ni la roue... du moulin dont le tic-tic se mêle aux bruits sonores du battoir des laveuses.
Henri Murger
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05/03/2017
Journal indien : Shiva face aux forces du mal
miniature indienne, artiste anonyme
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28/02/2017
Du corps et de l'âme, du réel à l'image du réel
Le corps, le nôtre d'abord, n'est désirable que triomphant ; sa fragilité nous importune. Tout ce qui peut l'altérer nous inquiète. Les corps, il est vrai, n'ont plus tout à fait la même apparence que par le passé. Il y a sans doute autant de caliborgnons que naguère, mais moins de podagres. Les maladies changent aussi, comme les infirmités. Certaines ont disparu (personne n'a le visage crottu, comme chez Rousseau) ou se délocalisent, tandis que d'autres naissent ou reviennent.
Inséparables, le corps et l'âme vivent des relations troublantes. Si le ventre connaît la tribulation, le cœur devient humble ; s'il est bien soigné, la pensée s'enorgueillit, écrit Jean Climaque. Mais l'ascète n'est pas le seul à songer au "régime de vie" (à la diaieta). Et Nietzsche, qui rappelait que les grandes pensées viennent du corps, expliquait les travers de la philosophie allemande par l'abus de la bière, de la pomme de terre et de la choucroute !
On ne sait pas grand chose du corps de l'autre, si ce n'est d'ordinaire ce qu'il montre et ce qu'il en dit. Seulement des images... Les corps des siècles passés sont à jamais des énigmes. Il ne reste plus que la mise en scène du pathos : des sons, des images, des mots. Des sons, un peu comme les affetti dans la musique de Monteverdi. Ou des mots, encore - par exemple chez Rousseau : "Combien de fois, m'arrêtant pour pleurer à mon aise, je me suis amusé à voir tomber mes larmes dans l'eau", mots qui font image tout à la fois.
Les visages eux-mêmes sont absents. Les pessimistes étant toujours pris au sérieux, les portraits accablants de Goya sont plus vraisemblables que les personnages de Fragonard. Il est difficile d'accepter qu'une part importante de la réalité, présente ou passée, nous échappe à jamais. Nous préférons saisir le réel selon nos images, et l'absenter aussi à travers les images. DM
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