30/09/2016
Un poème automnal de Rouben Mélik (1921-2007)
Sonnet
du pays nocturne
Dans ce grand mouvement d'automne où j'entre avec
Ma force neuve, à peine est-ce d'un corps durable
Et trop la nuit me hante encore mesurable
Si morte la mémoire et le cœur mis à sec.
Offrande du soleil que vient trouer le bec
De l'oiseau déchiré, sois la part séparable
Et le partage fait d'un coin de terre arable
Où moisit la moisson dans l'oubli d'un échec.
Chaque mot d'être dit limite la lumière
A l'espace brutal de la mort coutumière
Où la saison finit. Dans ce Grand mouvement
D'automne où j'entre avec mon ancien héritage
Je décompose l'ombre et je suis mon otage,
Contre toi, soleil, face à Toi qui me démens.
Rouben Mélik
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28/09/2016
"Extérieur nuit" de Jacques Bral
On est en 1978. Amer anniversaire : dix ans après mai 68, il ne reste plus grand chose, sinon un sentiment de vague à l’âme. À l’élan collectif succède la dérive en solitaire. Jacques Bral filme dans la capitale la balade de trois orphelins. Léo (Gérard Lanvin), beau mec ombrageux qui joue du sax, s’incruste chez Bony (André Dussollier), un vieux pote rêveur qui écrit sans écrire. Les deux se sont connus sur les barricades. Maintenant, ils glandent, picolent pas mal. Sur leur chemin, ils croisent Cora (Christine Boisson), jeune chauffeur de taxi, amazone insaisissable qui braque parfois ses clients. Son utopie à elle, c’est l’Argentine, qu’elle voudrait rejoindre.
Un ton libre, une musique bluesy-jazzy mâtinée de tango, une atmosphère nébuleuse : voilà ce qui fit le prix d’Extérieur nuit, lors de sa sortie en 1980, où l’on attendait un nouveau souffle de cinéma. Jacques Bral, grand sentimental, auteur secret (Polar, Un printemps à Paris), mettait du baume au cœur des cinéphiles avec ce film pourtant traversé par le froid de l’hiver. Aujourd’hui, ses dialogues en suspens et ses dérobades incessantes paraissent un peu forcés. Mais on aime toujours sa vision de la nuit. Bral montre un Paris différent, tantôt chaleureux, tantôt fantomatique, du côté des 19e et 20e arrondissements. De la piaule aux troquets fréquentés par les immigrés, des boulevards de ceinture mouillés à une cave de château, le film furète. André Dussollier y cultive avec brio l’art du décalage, tandis que Gérard Lanvin séduit à l’instinct. Et puis il y a la révélation Christine Boisson, garçonne sexy, démarche d’effrontée, et un atout unique : cette tache mystérieuse tout près de la pupille droite.
Jacques Morice
23:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)
23/09/2016
La disparition de Sylvie Brès
Zéno Bianu écrit, à propos de la poète Sylvie Brès :
Sylvie Brès
nous a quittés
apaisée
le mardi 20 septembre 2016,
après s’être battue depuis dix ans
contre la « longue maladie ».
« Les poèmes de Sylvie Brès
ont la beauté et la vérité des sources »,
disait Yves Bonnefoy,
sensible à la façon dont
Sylvie s’attachait sans relâche,
par on ne sait quel ultime tour de force,
à métamorphoser la maladie en poème.
Tu les entailles
au diamant
tes mots
tu leur voudrais
tant d’éclat
mais les voilà qui saignent
et rien ne peut arrêter
cet épanchement.
(Cœur troglodyte,
Castor Astral, 2014)
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