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19/03/2019

Le Guépard saharien

        Dans l'étincellement du silence
        et le dénuement des nuages

        il guette entre les dunes
        au cœur du Grand Sablier
        non la clé du ciel
        mais ce que la dernière nuit
        aura laissé d'apparent
        en convoyant
        les froidures de la lune
        et les herpes du temps qui passe
        dont Guépard il perçoit
        les lignes pétrifiées
        sur le verre peint d'un massif
        plus roux que son pelage
        où frétille la courte crinière
        qui lui couvre la nuque, l'épaule
        une robe rêche tachée de gris.


        Fixant sa proie, sans crier gare
        l'arc déployé d'un corps svelte
        frappera d'un coup
        la gazelle Dorcas
        multipliant par sept
        les dernières entailles

        que le soleil fait
        dans le paysage
        la dense matière de l'air
        et les rubans d'ombre
        qu'il a traversés.


        Une vie si brève, arrachée là
        comme écume passagère
        au regard des échos lointains
        qui lui barrent le front
        lorsqu'il se redresse et voit
        les ombres bleues du royaume
        dévier jusques aux piqûres rouge sang
        sur les grains de sable
        portés par les entrailles de la terre

 Daniel Martinez

08:13 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)

25/05/2018

"Tout poème est bestiaire ardent" Robert Sabatier (1923-2012)

BESTIAIRE.jpg

PINGOUINS.jpg

Dessins de Pacôme Yerma



Ici ou là, on me demande d'où me vient cet attrait pour le monde animal, celui dont nous sommes la composante j'allais dire majeure, soit : douée d'intelligence (et bien qu'il existe une "intelligence" animale liée plutôt à l'instinct de survie). Cet instinct qui nous habite tout aussi bien, que nous tâchons de sublimer au mieux, dans un monde aujourd'hui condamné...

Oui, continuer malgré tout de célébrer ainsi la création, sous la poussière des vanités. Ce côté sauvage que je ne renie pas, ce côté perdu (égaré même, dans le tourbillon mégalomaniaque d'une époque qui voudrait régenter l'univers quand elle est à peine capable d'assumer ses dissensions aux quatre coins du globe) de l'animal qui toujours subit face à l'homme, ce côté démuni - un peu comme le sont les poètes face au verbe (non pas les faiseurs, les moulins à vent de la chose écrite).

Plus encore, approcher la fracture entre l'espace originel et l'autre espace, où règne en définitive, à l'égard de ce qui vit, l'inimitié. C'est dans cette optique d'une impossible reconstitution que mes pensées vont, non s'y perdre mais agriffées à la chaîne de cols-verts qui traversent le temps, à portée de regard encore ; et, au sein de la nue, renaissent une seconde fois.

Sachant que la Nature nous aide à revivre ce que nous sommes, en notre fond prodigieux car il ouvre sur des sphères encore inconnues de nous-mêmes. Mais aussi, mais surtout, à prendre la mesure de cette double appartenance que le vernis de la culture tente d'occulter. Sans y être jamais parvenu.

Amitiés partagées, DM

09:58 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)

22/08/2015

La Girafe, fabuleuse anomalie de l'évolution (première partie)

On raconte beaucoup de choses sur la girafe. On dit, par exemple, qu'elle met son petit au monde sans se coucher, et que celui-ci, après quinze mois de gestation, tombe de deux mètres de haut, parfois au prix de sa vie. On dit aussi que sa langue noire, longue de 50 centimètres, se creuse en gouttière pour se glisser entre les épines d'acacia et accéder aux jeunes pousses. Et encore qu'elle vit en troupeaux lâches de dix à soixante-dix têtes, dominés par un ou plusieurs grands mâles, mais conduits par une femelle...

Tout cela est vrai. Il est faux, en revanche, que la girafe soit muette : elle peut émettre divers sons, allant du ronflement (en cas de danger) au grognement, en passant - cas extrême et associé au rut - par le beuglement. Mais sa morphologie semble si bizarre, et son écologie tellement exotique, qu'on peut finalement s'étonner que les idées reçues à son sujet ne soient pas plus erronées.

Car la girafe a beau être connue de tous, et avoir été choisie comme animal fétiche par le Muséum national d'histoire naturelle (qui n'exhibe pas moins de six adultes et deux girafons empaillés dans sa galerie de l'évolution) : de tous les mammifères populaires, elle reste le plus énigmatique. Comme à l'automne 1827, en ce temps où la foule se pressait dans le port de Marseille pour voir débarquer, du navire où dépassait sa tête, le spécimen réclamé par Charles X pour sa collection royale.

Sa taille, à elle seule, paraît une invraisemblance de la nature - de 4 à 5,50 mètres en moyenne, pour un poids d'environ une tonne. Pour la dessiner, il suffit de tracer, du cou à la queue, une pente inclinée vers le bas : ses pattes antérieures sont plus longues que les postérieures, si longues, même, qu'elle préfère souvent dormir debout plutôt que de se donner la peine de les plier. A l'autre extrémité, la girafe est la joliesse même. Tête fine, doux yeux bordés de longs cils, petites cornes (deux dès la naissance, deux ou trois de plus chez certains mâles) doublées de velours... L'ensemble est si délicat que le regard en oublierait presque la distance franchie pour en arriver là.

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                                                                                           Catherine Vincent

00:43 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)