13/05/2018
"Traverses", Jean-Claude Pirotte, éd. du Cherche midi, 2017
Le 28 août 2010
... Je n'avais pas la vocation d'un déménageur. Et ma vie, on peut le dire, s'est passée à déménager*. Or, on ne recommence jamais à "zéro". Ce que l'on transporte, c'est soi-même, avec les vieilles tares, les illusions de plus en plus délavées, les sourdes maladies de l'âme et les violentes affections du corps. On doit cependant laisser des morceaux de soi un peu partout, des bouts de mémoire à jamais disparus.
"Épouse et n'épouse pas ta maison." conseillait René Char.
Jean-Claude Pirotte
* Dans le numéro 44 de Diérèse qui lui a été consacré, Jean-Claude Pirotte nous informait de ses déménagements de ville en ville, pays en pays, d'abord une réaction de fuite, "une cavale clandestine et voyageuse (Val d'Aoste, Catalogne, Bourgogne, Périgord, Suisse, Rethel, Paris, la Haute-Marne, et tous les vignobles aimés)"... Il a confié des extraits de ses Carnets, plus tard publiés en livre, à la revue. Cet appétit d'écrire qui ne l'a jamais quitté, ancré dans une "vie précaire et lumineuse", ses déboires assumés, bon an, mal an, sans jamais renier ses convictions, ses auteurs de référence, comme Henri Thomas et son fameux "Migrateur". Son mérite et sa force d'âme. La maladie, qui le rongeait de l'intérieur, avant que le dernier souffle n'emporte cet "enfant qui rame avec les mains vers le néant" ("Goût de cendre", page 83, éditions Thone, 1963) et qu'un soleil majestueux ne le capte au passage de l'autre côté du miroir. DM
09:05 Publié dans Jean-Claude Pirotte | Lien permanent | Commentaires (0)
08/05/2018
Clairvoyance II
Portés par l'écran trouble d'une larme
un ibis une pie lovés
dans la paix vivante du papier peint
se détachent du mur
et du siècle pèlerin
qui nous vit naître inconscients
l'ombre de l'ombre
d'un premier amour
me revenait en gorge
plus loin dans le passé
les restes d'un feu
et le besoin retrouvé
de s'y chauffer les mains
ne s'articule-t-il pas
à la splendeur totale
des émotions qui nous animent
dans leur pureté retrouvée
bornées par la matière dense
d'un monde dont les effluves
entrent dans ton for
comme l'odeur de la mer
les mythes vaporeux des nuages
tu souris quand se perçoit la séparation
et l'écriture dans ses voltes
à l'extrémité des doigts suspendue
d'un sol mouvant et nouveau
ici doux là brusque dans ses accidents
emportent mes mots qui ne disent rien
que cette immensité étayée
par le tremblement des braises
sous l'eau des pluies percées à jour
au lieu où tout le sens meurt
dans sa propre essence
deux grenadiers là
gardent en légende
leur terrible immortalité
Daniel Martinez
17:18 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
On y danse, immobile... jusqu'aux nervures de l'âme, Xavier Bordes
L'enfant
Tu le revois, cet enfant, comme s'il n'était pas toi :
comme le rêve bizarre d'une enfance schizoïde
que tu n'aurais pas vécue, ô lointain autre monde !
La colline basse de l'île couverte de thym et de roches
au soleil, entre lesquelles cherchent sans fin leur chemin
les scarabées aux élytres d'onyx, avec le vent qui de l'autre
versant apporte le bouquet de pins, sa fraîcheur résineuse,
la prière lancinante des cigales, par bouffées, entre les
silences élastiques de la vague chaque fois qu'elle se change
en écume et se retire, incapable, dirait-on, de s'affirmer,
de rompre pour toujours son lien avec la mer immensité...
Xavier Bordes : Comme un bruit de source, Gallimard, mars 1998
12:19 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0)