27/03/2016
A la mémoire de Jean-Claude Pirotte
Une encre inédite de Jean-Claude Pirotte
Au vieux port que le couchant teinte de rouge, le vent tombe soudain et les deux chantiers navals se taisent. Les odeurs du suif et du goudron, de la peinture fraîche et du bois chaud, de la rouille qui attaque les chaînes d'ancre flottent dans l'air mais la vie s'est arrêtée à bord des bâteaux au mouillage et les mâts se balancent dans l'ombre qui guette. Parmi ces bateaux, il en est un de toute beauté que tout un chacun peut admirer : un gros caïque bleu outremer, aux flancs lourds, au pont verni. Les matins de soleil, en hiver, il sèche ses voiles brunes dans le vent timide.
Quand la lumière diurne s'estompe, Ariane s'endort, roulée dans le manteau de Thésée. Les mains pressées contre sa poitrine. S'y mêlent des coquillages orangés qui ressemblent à de petites oreilles vernies, de fins éclats de marbre et de lapis lazulis. Puis le paysage se brouille et vacille. Avec les derniers échos d'un monde qui respire à peine, vous qui m'écoutez à cette heure, entendez-le.
Daniel Martinez
14:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/03/2016
En hommage à Jean-Claude Pirotte
Encre de couleur sur papier ivoire, de JCP
Du chant des étoiles qu'évoquent les poètes
au débord du pinceau qui trouve sa logique
dans l'harmonie formelle sa dépense embrasée
ses enchaînements et ses associations
il est espace même celui qui les regarde
à deux pas de la toile céleste
striée de crêtes d'écume
où s'ébattre avec des rires
avec des choses graves
en toi s'est tue l'immensité
la lune baroque plonge dans le miroir
comme l'eau du fleuve depuis la croisée
pour dire et redire que le hasard n'a pas de lieu
qu'il sinue s'étire s'effile en mille et cents éclats
au point radiant de l'universelle conscience
Daniel Martinez
22:37 Publié dans Jean-Claude Pirotte | Lien permanent | Commentaires (0)
24/03/2016
Les "Lettres du Cabardès"
Jean-Claude Pirotte et les Lettres du Cabardès
Chercheur d’absolu, toujours à baguenauder à travers la province française pour déchiffrer la musique secrète des paysages, Jean-Claude Pirotte était en quête du “vin qui n’existe pas”. Dans l’Aude, au pied de la montagne Noire, il découvrit un vignoble qui n’existait presque plus. Le phylloxéra, la surproduction, la morosité avaient entraîné l’arrachage d’une grande part de ces arpents de vignes plantés de cépages atlantiques et méditerranéens. En 1999, Pirotte a posé ses valises à Montolieu, village du livre. Enchanté par ces assemblages qui produisaient encore, malgré tout et tous, un vin de grande qualité, il décida de livrer combat. Comment ? En créant un prix : le prix Cabardès, financé par les viticulteurs qui venaient de remporter la même année une bataille contre l’uniformisation des pratiques vinicoles et du goût : la création de l’A.O.C. Cabardès. « Vous buviez, vous allez lire », lança l’auteur des Contes bleus du vin aux planteurs de merlot et de syrah.
Le prix fut attribué un certain nombre d’années : le lauréat se voyait remettre un foudre empli du vin en question. Jean Rolin fut le premier, pour ses Traverses. De fil en aiguille, Pirotte créa une collection de livres intitulée “Lettres du Cabardès”, qui accueillit, à La Table Ronde, Pendant que tu étais à Florence de Jean-Paul Chabrier et La sainte famille de William Cliff. Les éditions Le temps qu’il fait prirent le relais et publièrent, avec le concours de Jean-Claude Pirotte, des textes ayant peu ou prou rapport avec la géographie régionale : Michel Bernard raconta l’enfance de Charles Trenet à Narbonne : Comme un enfant, Lionel Bourg ses souvenirs dans Montagne noire, Gilles Ortlieb livra ses Carnets de ronde ou Serge Bonnery Le temps d’un jardin. Un esprit – comme on le dit pour le vin – s’était diffusé, qu’accompagnaient les “Après-midi des Cabardièses”, auxquels étaient conviés les adhérents de l’association et les autres, au prieuré d’Aragon, entre Ventenac-Cabardès et Fraisse-Cabardès.
Votre serviteur fut ainsi invité le 29 août 2003 à écouter Ya-Ou Xie interpréter Cimmarosa, Brahms et Albeniz, tandis que Pirotte lisait Reverdy. « Il y aura bien sûr du cabardès », formule magique, figurait, comme chaque fois, sur le carton d’invitation...
Frédéric Chef
Gravure sur bois de Claude Huart, 1986 © Diérèse
Tout prochainement, Christine Van Acker, des Grands Lunaires, en Belgique, viendra vous parler ici de Jean-Claude Pirotte. C'est elle qui ouvrait déjà la rubrique "Entretiens" du numéro 44 de Diérèse consacré au poète, plasticien, romancier, chroniqueur. DM
13:58 Publié dans Jean-Claude Pirotte | Lien permanent | Commentaires (0)