241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

03/03/2016

Un lointain fredon

                                                                          i.m. Jean Grosjean

 

Une douceur est là, présente dans l'air, une clarté rousse, qu'imprègne la mémoire des hauts feuillages, piqués de gouttelettes vertes. Tout lentement se diffracte dans l'indéfini.

 

Une rumeur dorée, grave, profonde, l'odeur poivrée du chemin qui monte - à travers toutes sortes de distances, de nouveau quelque chose en nous est atteint, chaque jour renouvelle sa réponse, le spectacle et l'écho.

 

Menues particules qui dansent, palpitent tel un coeur. On devine où se fond l'argile du visage, confronté à la part du dieu, dans le jeu des roseaux qu'agite un bruissement soyeux, l'inconcevable vérité de l'être dans le monde.

 

Les nuages ont tracé derrière eux, suivant une chronologie simple, les rythmes et le Temps d'une enfance que seul retrouve le poète.

 

Cette impression, les yeux fermés, de voir se perdre dans le paysage les lueurs d'un autre âge ; tout aussi bien, d'être là, derrière les cloisons d'une maison de verre, absorbé : devant l'écume des nuées, ses laisses vives et brusques dissolutions.

 

Dans le déchirement de l'air, apprendre le recueillement, si sans cesse nos désirs frayent avec les trop violents contrastes. Saisis au biais de l'oeil, nul n'en achève la chronique.

 

La misère et la beauté. Au pied du mur qu'il nous faudra franchir, l'exaltation soudaine d'un essaim de passereaux. Ou ce jet de colombes à l'instant qu'a choisi un filet de brouillard pour se dissoudre entre nos mains.

 

La figure s'éloigne et la voix passe. Quand l'écarlate du vitrail perce le gui du peuplier, l'oreille, parée des syllabes longues de l'espace mesure l'intermède crépusculaire.

 

La tête inclinée, touchée par une vague d'ombre, dans les lisières du sommeil ou de la fin promise. Quand tournent les sens, sous l'immensité circulaire.

 

Toi, à qui je parle depuis ma nuit, derrière les soyeuses ondulations du rideau brodé de vent, dans la chambre de l'esprit, le domaine pur des nombres et des reflets.

                                                                         Daniel Martinez

20:34 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Un poème de Jean Grosjean (1912-2006)

G.jpg
          La nuit s’est retirée sans rien prescrire
          comme un charroi dont s’est éteint l’écho.

          Le soleil monte effleurer les coteaux
          avec ses mains de matinée timide.


          Le vent court comme un fou le long du bois
          parmi les papillons qu’il laisse en berne.

          L’oiseau qui s’est envolé de guingois
          heurte un nuage au détour des luzernes.


          Ainsi le jour se réveille et s’affaire
          avec l’entrain des grands velléitaires
          à rétrécir les ombres qu’il déploie.

                                          Jean Grosjean

18:14 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

02/03/2016

Rodolphe Barry interviewe Charles Juliet, part 1

Rodolphe Barry : Alors que le but de la majeure partie des écrivains est de raconter des histoires, "d'écrire des livres", d'emblée, votre approche de l'écriture a été toute différente...

Charles Juliet : C'est exact. Mais je peux dire que je n'ai rien choisi. Je n'ai fait qu'obéir à une nécessité intérieure. Pendant des années, je n'ai écrit que des notes de Journal et des poèmes, parce que je ne pouvais rien écrire d'autre.

R. B. : Votre rapport à l'écriture a-t-il évolué avec le temps ? De quelle façon ?

C. J. : Fondamentalement, mon rapport à l'écriture n'a pas changé. Au début, il y a eu une urgence et une intensité dans l'engagement qui était lié à ma jeunesse. Sur ce plan-là, il y a eu un certain déclin. Mais il est largement compensé par la maturité et la quiétude qui me sont venues.

R. B. : Après 50 ans d'un travail assidu durant lesquels vous avez écrit poèmes, Journaux, études, récits, lettres, pièces de théâtre... écrire est-il plus facile aujourd'hui ?

C. J. :Oui, c'est indéniable, j'écris avec moins de difficulté. Depuis quatre, cinq ans, je connais même parfois le plaisir d'écrire. Je suis maintenant en possession d'un métier qui me permet de trouver assez rapidement des solutions aux problèmes qui se posent.

R. B. : Les moments de plénitude qu'il vous arrive de vivre parfois au coeur du travail, sont-ils toujours aussi rares ? Aussi intenses ?

C. J. : Ces moments sont moins intenses. Mais ils sont aussi plus fréquents. Je ne connais plus les hauts et les bas par lesquels je passais. Il y a en moi une stabilité qui m'a fait longtemps défaut.

R. B. : Le succès de Lambeaux - qui a été au programme du baccalauréat - les sollicitations toujours plus nombreuses, les déplacements... Tout cela influence-t-il votre travail ?

C. J. : Non, pas du tout... Les rencontres, les déplacements, les voyages n'ont plus le pouvoir de me brouiller, de m'éloigner de mon centre. Je reste clair, lucide et la paix intérieure n'est pas perturbée.

R. B. : Depuis 1975, vous tenez un Journal dont les tomes constituent à ce jour la colonne vertébrale de votre oeuvre. Alors qu'un huitième tome est en préparation, quel est son rôle à présent ?

C. J. : Je continue à tenir mon Journal, mais irrégulièrement. Je ne force rien. Je me contente d'accueillir une note quand elle se présente. Par ailleurs, lorsque je suis attelé à un texte, le Journal entre en sommeil. Je ne peux me diviser. C'est ce qui explique qu'il se passe parfois des semaines sans que je rédige une note. Je prends beaucoup de plaisir à écrire ce Journal qui est plus ouvert sur l'extérieur que par le passé.

R. B. : Il y a une dizaine d'années, vous m'aviez confié qu'étrangement, l'idée de la mort ne vous préoccupait pas tant que ça, mais que vous aviez un sens plus aigu de la fuite du temps. Qu'en est-il aujourd'hui ?

C. J. : Je pourrais dire la même chose. Je voudrais seulement que le temps me soit accordé de dire ce que j'ai encore à dire. Je vois maintenant les semaines, les mois, les années filer... Ce temps qui fuit, je m'efforce de ne pas le perdre.

R. B.: Le temps qui passe fait-il naître en vous un sentiment d'urgence, ou disons, de "priorité" ?

C. J. : Je devrais être plus attentif et me consacrer à ce qui me semble le plus important. Mais je n'y parviens pas. Des habitudes se sont installées et je n'ai aucun désir de les modifier.

R. B. : La fréquentation des penseurs mystiques et des philosophes a-t-elle influencé votre façon d'aborder la vieillesse ?

C. J. : Sans doute. Ils m'ont appris le dépouillement, le détachement, une certaine austérité... Pour l'instant, la mort ne m'angoisse pas. Mais qu'est-ce qui se passera demain ?

R. B. : Au fil des ans, votre passion pour faire la lecture est-elle restée intacte ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

14:40 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)