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Rechercher : henri Michaux

”Dans la main du poème”, de Pierre Dhainaut

Dans le numéro 76 de Diérèse, il y aura réunis deux poètes qui s'apprécient mutuellement, j'ai nommé Pierre Dhainaut et Werner Lambersy. Le second me faisait part tout récemment de ses craintes de passer de l'autre côté du miroir et voulait réunir/sauver au plus vite un ensemble de poèmes qui lui sont chers : "Periculoso sporgersi", Diérèse les accueillera, de bon et franc cœur. Le premier se confie sur cette "expérience" aux franges de l'au-delà, qu'il a pu vivre lors d'une lourde opération qui l'a immobilisé il n'y a pas si longtemps que cela, et ses pages ont pour titre : "Double pontage, etc..." Étonnante rencontre par le texte, du vécu de chacun. Bien dans l'esprit de la revue.
"Dans la main du poème" a paru en septembre 2007, aux éditions Henry. Je le ré-ouvre pour vous, pages 79-81 :


Du cri au chant, Werner Lambersy

Dès que nous essayons de définir l'écriture ou la vie, nous sommes la proie d'une contradiction. Nous avons le sentiment d'errer en vain, nous avons également celui de suivre un chemin. La perte ou le gain. Mais, bien sûr, cette contradiction, nous voulons la résoudre aussitôt : maudite, l'errance, nous lui préférons le chemin. Quelle que soit notre activité, nous ne pouvons nous empêcher d'établir une hiérarchie de ce genre : le plus, le moins, il faut toujours que sur le moins le plus l'emporte. Ainsi nous excluons. Nous étouffons. L'amour même, nous le concevons en termes de conflit : nous prétendons vaincre l'autre. La poésie que nous supposons libre n'échappe évidemment pas à la règle : à quoi visent nos poèmes ? Ils la traquent, ils croient l'atteindre et l'enfermer. Manie opiniâtre, occidentale, du pouvoir, nous n'obtenons que la victoire ou l'échec, qui se ressemblent, en fait, tous deux dérisoires. Comment échapper au pouvoir ? Comment écrire et vivre la contradiction sans la réduire arbitrairement, sans qu'elle nous asservisse ?
Écrire, n'est-ce pas attendre ? En nous acharnant, qu'importe, en patientant, nous n'avons qu'une idée fixe. Ce but que nous situons hors de nous, nous en désirons trop la conquête pour le rejoindre absolument, et quand nous croyons l'avoir fait, la déception vient vite, en général, l'illusion ne dure pas...
Werner Lambersy peu à peu enlève ses masques, il oublie ce qu'il a lu, ce qu'il a écrit : ce n'est pas le fleuve qui le requiert, dit-il, mais la force du fleuve. Ce n'est pas le poème, mais la poésie. Et je l'écoute avec Werner Lambersy à travers les flûtes des musiciens japonais : on y perçoit le souffle à la fois impondérable, profond, celui de l'air, celui du corps, qui délie le texte et le change en cet "espace disponible", en ce "désordre harmonieux", "où seul est sûr d'aimer". Le don, la présence au monde, intime, immense.

Pierre Dhainaut

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07/04/2019 | Lien permanent

René Char et Nicolas de Staël

Le Poème pulvérisé paraît aux éditions "Fontaine" en mai 1947. Les 65 exemplaires de tête comportaient une gravure originale de Henri Matisse.

Pour une œuvre d'entraide, René Char, quelques mois plus tard, écrivait sur un exemplaire, en regard de chaque poème, sa rapide relation. Plus tard, l'éditeur Jean Hugues et le poète eurent l'idée de publier ensemble les deux versions de chaque texte. Ce recueil aura finalement pour titre : "Arrière-histoire du poème pulvérisé". Chaque texte inédit, inséparable du poème qu'il accompagne, est imprimé à sa suite, en caractères italiques, ainsi que nous le signale Jean Hugues.
Soulignons que lesdits poèmes "explicatifs" sont bien plus qu'un accompagnement, ils aident à comprendre mieux la genèse de chaque poème, son socle primordial. Voici ce qu'en dit René Char, en mai 1953 : "Je crois que les lignes supplétives que l'on va lire ne visaient qu'à réintroduire après coup dans l'édifice toujours frissonnant du poème un peu du monde gauche ou intenable qui avait servi à sa confection".

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Une lithographie exceptionnellement signée et justifiée ici "épreuve" par Nicolas de Staël - un portrait de René Char -, insérée dans les exemplaires sur Hollande, paraît donc en mai 1953. L'histoire proprement dite de cette édition a été contée dans le n°6 de la NRF (juin 1953) par Jean Hugues et le poète (repris dans La Pléiade).

Dans cette note blog, prenons le temps de relire aujourd'hui "la marge confidente" du poème "Donnerbach Mühle". Enfin, qu'il me soit permis de m'étonner ici que ces fameux textes d'accompagnement ne suivent pas ceux du recueil initial de mai 1947 dans les Œuvres complètes de La Pléiade, mais aient été relégués en fin de volume dans la rubrique "Œuvres adjointes". Voici :

Durant l'hiver miné de 1939, alors qu'artilleur dans le Bas-Rhin, je me morfondais derrière des canons mal utilisés, chacun de mes loisirs, de préférence la nuit, me conduisait au lac de Donnerbach Mühle, à 3 km de Struth, à la maison forestière, où en compagnie d'un camarade nous prenions un frugal mais combien délicieux repas, servi par un couple de forestiers francophiles. Le retour parmi le gel de l'air, la neige voluptueuse sur le sol, des hardes fugitives de cerfs et de sangliers, était une fête royale pour la sensibilité. J'ai aimé, j'aime cette partie des Vosges qui, échappant au caricatural pseudo-progrès, voulait bien se livrer tout entière au baiser de mon cœur ébloui.

 René Char

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04/04/2018 | Lien permanent

Quelques pages de mon Journal

Gérard Engelbach : "Je n'ai jamais rencontré Pierre-Jean Jouve ; mais, jeune encore, son œuvre m'a interpelé, pour ne plus me lâcher. J'avais pu me procurer à la librairie La Hune, qui venait d'ouvrir, un exemplaire, datant d'avant-guerre, du recueil de poèmes Les Noces. Un choc, une révélation ! Puis André Frénaud m'a longuement parlé de Jouve, qu'il admirait profondément. Je peux dire que c'est à travers les textes de Jouve que j'ai appris à écouter Mozart, à lire Hölderlin, à vraiment regarder Delacroix et Courbet. Avec Jouve j'étais, je suis en permanence dans le Verbe, la magie du vers et de la phrase de prose aux longues résonances. Et cette présence sourde, multiple, de la Femme ; l'inconscient accepté, affronté, puis apprivoisé, conduit jusqu'aux rives de lumière. Et l'exigence, le labeur incessant, ce que le rythme annonce, ce qu'instaure le mot. A parler de Jouve, je deviens lyrique, mais pourquoi m'en défendre ?

... Autre terrain favorable : vous connaissez comme moi le sérieux de la revue "Les Temps modernes", où officiait Sartre (nos populistes en herbe y auraient perdu leur "latin", ou ce qui leur en tient lieu) qui pourtant ne rechignait pas à mouiller la chemise quand il fallait défendre une cause et à en débattre dans la foule. Parenthèse mise à part, il y avait aussi, dans le comité de rédaction de ladite revue un romancier que vous avez lu comme moi, j'ai nommé Bernard Pingaud, à qui la poésie ne déplaisait pas (un euphémisme) alors que Sartre s'en moquait comme d'une guigne. En quelque sorte, il anticipait ce qu'a dit de la poésie ce poète-photographe, Denis Roche, qui était il faut bien le reconnaître, meilleur photographe que poète. Claude Simon l'était aussi, photographe, mais il n'a jamais dénigré ce qu'il couchait par ailleurs si brillamment sur le papier... et dans son œuvre Simon n'en fut d'ailleurs pas si éloigné que cela, de la poésie : relisez Le Vent par exemple, extraordinaire ! Un peintre pareillement, mais je n'y suis pas vraiment sensible, à sa peinture.
Eh bien, pour ne pas perdre le fil, Pingaud devait m'inviter aux "Temps modernes" avec Jacques Réda, Jacques Roubaud et Jean-Pierre Burgart. Aucun d'entre nous n'avait encore publié de recueil. Nous lui devions beaucoup ; vous voyez, Daniel, les pesanteurs que peuvent entraîner un comité de rédaction, mais aussi cette chance offerte dès que dans le lot si je puis dire, une personnalité sait s'imposer. Avec vous, je l'ai donc échappé belle. Si mon écriture ne vous plaisait pas, vous m'auriez laissé de côté (c'est tout simplement redoutable)."
J'échange avec lui un regard qui voulait dire : "Mais voyons, Gérard, comment aurais-je pu me tromper à ce point ?" Et lui donne, sans qu'un mot fut prononcé, un livre de ma bibliothèque, que je tiens en estime, Dialogue avec Suso, de Thierry Metz. "Henri Suso, le mystique ?" Oui, Gérard, un recueil très pensé, vous verrez. Nous en reparlerons. DM

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04/02/2019 | Lien permanent

Edmond Charlot (1915-2004) opus 1

Aujourd'hui, pleins feux sur un éditeur de talent, Edmond Charlot. Je laisse la parole à Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, qui a eu la chance de pouvoir le rencontrer :

Qui sait qu'Edmond Charlot, premier éditeur de Camus à Alger, plastiqué comme "libéral" par l'Organisation armée secrète en 1961, s'est, après bien des péripéties parisiennes, anatoliennes et rifaines, réinstallé, faute de pouvoir le faire en Algérie indépendante où l'on ne connaît pas l'édition privée, dans l'ancienne hôtelerie du Bât-d'Argent, à Pézenas où séjourna Molière ; ce, jusqu'à sa mort, survenue en avril 2004 ? Nous étions allés voir dans sa "bouquinerie" cet homme à l'avenante modestie :

"Nous étions en 1936 et j'avais vingt ans. Mon prof de philo, Jean Grenier, le même qui avait encouragé Albert Camus et Mouloud Mammeri à écrire, m'avait conseillé l'édition. Avec presque rien, j'ouvris une minuscule librairie, rue Charras, à Alger, Aux vraies richesses. Cette enseigne empruntée à Jean Giono est sans doute ce qui fait souvent dire qu'il a été le premier auteur édité par ma maison. C'est vrai que Rondeur des jours fut l'une de nos toutes premières publications mais non la première. Dès fin 1935, j'avais publié Une Française en URSS, de Louise Bossendet, l'un des premiers récits féminins sur le système soviétique. Cette descendante algéroise d’Élisée Reclus, complètement oubliée depuis lors, tenait à la Bouzaréah une sorte de "maison du cœur" ouverte aux petits sans-famille.

- Est-il exact que votre plus grand succès fut le Mas Théotime d'Henri Bosco ?

- Je me souviens qu'il eut le prix Renaudot 1945 et que le Mas s'était déjà bien vendu dès sa sortie. Un jeune chercheur d'Aix-en-Provence, Jean-Robert Henry, a pu établir que le tirage total de ce livre chez moi fut de 350 000 exemplaires. C'est possible, mais je ne peux absolument pas vous le confirmer. Outre que je n'ai jamais eu la mémoire des chiffres, bombes et cambrioleurs à Alger, déménageurs entre Turquie et France et autres avatars font que j'ai perdu une foule de papiers et de livres. Grâce à ma fille qui avait gardé certains de ceux-ci et aux rachats que j'ai pu faire depuis mon installation en France en 1980, j'ai commencé à reconstituer le "fonds Charlot" ; je dois avoir maintenant recensé environ quatre cents des quelque cinq cent cinquante à six cents titres que j'ai édités.

- Vous n'avez quand même pas oublié Camus, Bernanos, Amrouche, Gide, Druon, l'orientaliste Dermenghem, Féraoun, Frison-Roche, Kessel, Jouve, Jules Roy, Robles et jusqu'au Vercors du Silence de la mer et au président Auriol...

- Bon, n'en jetez plus ! Ah ! Vincent Auriol, je ne risque pas de l'oublier... En 1944, nous avions publié à Tunis son Hier... Demain. de Bordeaux à Vichy. Après la Libération de la France et ma démobilisation en métropole, j'avais créé à Paris une succursale de mes éditions d'Alger (je ne vous raconterai pas les mistoufles des éditeurs parisiens...). Auriol me fit venir au Sénat et me dit : "Il y a de fortes chances que je sois élu président de la République ; réimprimez vite mon livre, et à 35 000 exemplaires ! - Mais je manque de papier et je n'ai même pas le téléphone. - Foncez, vous aurez les deux !"
"Le temps de retourner à mon siège, un ancien bordel de la rue Grégoire-de-Tours où avait été client Apollinaire, et je trouvai devant chez moi les poseurs du téléphone. Cela m'encouragea à tirer l'ouvrage sans attendre le papier, qui ne vint jamais... Auriol fut élu, mais je ne sais quel règlement interdisait alors qu'on fît de la pub pour un livre du chef de l’État, qu'en plus les critiques boudèrent ; il m'en resta 30 000 exemplaires sur le dos...

- C'est votre plus grosse déception d'éditeur ?

"Non, quand même ! Je réserverais plutôt ce superlatif pour Agostino, d'Alberto Moravia, que je considère comme un chef-d'oeuvre, pour lequel je fis un lancement royal en 1946 à Paris et dont nous vendîmes 600 exemplaires... Mystère des livres...

- Et votre plus grande joie dans le métier ?

- Je la dois sans doute à l'Anthologie poétique de Federico García Lorca, publiée en 1945, et qui me paraissait atteindre à une sorte de perfection et fut en outre bien reçue par le public. C'était mon cinquième volume du poète espagnol, après Prologue et Romances historiques en 1942, puis le Petit Retable de Don Cristobal et Romancero gitan, toujours pendant la guerre mondiale.

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                                                                                                                  à suivre

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17/01/2017 | Lien permanent

Les éditions Wigwam (1991-2010)

Place à présent aux éditions Wigwam. Jacques Josse, qui en a été le maître d’œuvre, nous en parle précisément :

Les éditions Wigwam ont débuté en 1991. J'avais en tête l'idée de publier des textes courts (de 16 à 24 pages) à tirages limités (200 exemplaires). J'ai toujours aimé les petits formats et je pense que ceux-ci ont leur place en poésie à condition, bien sûr, de les rendre attrayants. Il fallait donc soigner l'objet, lui donner un caractère original en jouant sur la maquette, la qualité du papier, le format, la couleur. Je tenais également à les imprimer en typographie.  

Mon souhait était de publier des poètes contemporains et, en règle générale, j'étais le demandeur. Je ne voulais pas qu'ils se contentent de regrouper quelques poèmes déjà écrits pour les assembler en un recueil mais qu'ils conçoivent l'ensemble en fonction du format et en cherchant à lui donner une grande unité. Bref, qu'ils écrivent pour Wigwam !

Il y en avait plusieurs que j'avais envie d'accueillir, un peu comme si je m'étais lancé – et je pense que c'est en réalité ce qui s'est passé –, dans l'édition au long cours d'une anthologie personnelle réussissant nombre d'auteurs qui me parlaient pour différentes raisons ayant à voir avec la forme, le timbre de voix, les territoires explorés, etc. Tout cela était assez subjectif et a débouché sur des choix très éclectiques. J'avais quelques règles de base : ne publier qu'une seule plaquette de chaque poète et tenter toujours de mieux le connaître pour réaliser ce bout de route ensemble en étant tous deux en phase.

Le premier titre a été Le Soliflore désordonné de Matthieu Messagier. Je suis allé le voir chez lui, à Colombier-Fontaine, dans le Doubs et, depuis, nous ne sommes jamais perdus de vue. Publier pour publier ne m'intéressait pas. C'est tout ce cheminement amical, toutes ces rencontres, ces complicités qui se nouent entre celui qui édite et ceux qui lui confient des inédits qui me plaît.

Les éditions ont tenu jusqu'en 2010. J'ai lâché parce que je sentais un peu d'usure, moins d'entrain, moins d'envie. 81 poètes ont été publié dans la principale collection, celle dédiée à la poésie contemporaine. Cela va de James Sacré à Antoine Emaz en passant par Valérie Rouzeau, Paol Keineg, Dominique Quélen, Anne Marbrun, Louis-François Delisse, Jacques Demarcq, Claude Beausoleil et bien d'autres. Le dernier titre a été Boucan de Henri Droguet.

Il y a eu deux autres collections, l'une consacrée à la poésie traduite (dont plusieurs auteurs amérindiens) et l'autre aux écrits de peintres.

Wigwam n'a pas pour autant totalement fermé. La boutique reste ouverte. Et ce jusqu'à épuisement des stocks ! La moitié des titres édités sont désormais épuisés. Ce fut une belle aventure. Menée grâce aux auteurs qui m'ont fait confiance et grâce aussi, et surtout, aux lecteurs qui ont bien voulu m'accompagner durant ces presque vingt ans.

                                                                     Jacques Josse

Site  :

http://www.wigwametcompagnie.net/

Blog  :

http://jacquesjosse.blogspot.fr/

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16/01/2017 | Lien permanent

Rodolphe Barry interviewe Charles Juliet, part 2

Charles Juliet : Je ne peux plus faire les découvertes que j'ai faites quand j'avais tout à découvrir. En outre, je n'ai plus besoin de chercher des confirmations. Pour autant, j'aime encore lire et je sais apprécier un bon livre.

Rodolphe Barry : Quelles sont les oeuvres vers lesquelles vous aimez revenir ?

 C. J. : Je suis porté à reprendre des ouvrages qui m'ont fortement ébranlé, à relire des textes de la Bible, des textes de mystiques, à méditer sur des réflexions de Confucius, de Tchouang-Tseu..., à relire les lettres de Hölderlin, Rilke, Ariane Efron...

R. B. : Vous avez consacré une pièce de théâtre à Hölderlin, pièce traduite et jouée en Allemagne, notamment à Tübingen. La littérature allemande vous est-elle familière ? Quelles sont parmi ses grandes figures celles qui vous intéressent ?

C. J. : La littérature allemande contemporaine m'est inconnue. J'ai lu des écrivains du passé : Hölderlin, Novalis, - vif intérêt pour Henri d'Ofterdingen - Hermann Hesse... Je suis très attiré par Goethe que je connais mal et dont je vais lire les principaux ouvrages... Ses Conversations avec Eckermann et son Divan m'ont mis en appétit.

R. B. : A quoi travaillez-vous maintenant ?

C. J. : Quand je lisais un livre qui me paraissait important, j'en prélevais des phrases ou des passages. J'ai ainsi rempli plusieurs cahiers. Je veux maintenant publier un choix de ces textes. Il aura pour titre Ces mots qui nourrissent et qui apaisent... (paru en 2008, aux éditions POL)

Notes de Journal

Eté 2006

Si mes parents m'avaient élevé, il n'aurait pas été question que je fasse des études. Je serais allé à l'école jusqu'à treize ans, et sitôt après, il aurait fallu que je cherche du travail. Mais à l'époque, dans ce petit village, un jeune garçon n'avait pas la possibilité de choisir un métier. Il allait travailler là on voulait bien l'embaucher. Alors vers quoi aurais-je été dirigé ? Qui aurais-je été ? Que serais-je devenu ? A de telles questions que je me suis souvent posées, impossible de répondre.
Mais voilà, j'ai été séparé de ma mère peu de jours après ma naissance, et cette séparation a eu pour moi deux conséquences importantes : je ne suis pas resté dans mon village natal, là où je n'aurais eu aucun avenir, et par la suite, j'ai eu la chance insigne de pouvoir faire des études.*
A ne considérer que les faits et si choquant soit ce que je vais dire, je dois reconnaître que le drame survenu dans la vie de ma mère a eu pour moi d'heureux effets.

***

Quand on veut dire sa souffrance, il ne faut pas un mot de trop, est-il indiqué. Mais cela ne suffit pas. Il faut également que les mots employés soient empreints de pudeur, qu'ils ne visent pas à l'effet, qu'ils ne cherchent pas à apitoyer. Il faut encore, à mon sens, qu'ils aient cette gravité et cette pauvreté résultant de ce que la souffrance nous dépouille, nous met à nu, nous maintient au plus démuni de nous-même.

                                                                         Charles Juliet

__

* ndlr : Charles Juliet est né en 1934 à Jujurieux ; un mois après sa naissance, il est séparé de sa mère, internée en hôpital psychiatrique où elle finira ses jours. A 3 mois, il est placé dans une famille de paysans suisses qu'il ne quittera plus. A l'âge de 8 ans, il apprend à la fois l'existence et le décès de sa mère biologique.

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02/03/2016 | Lien permanent

Quelques réflexions d'Apollinaire sur son oeuvre

En ce qui concerne le reproche d'être un destructeur, je le repousse formellement, car je n'ai jamais détruit, mais au contraire, essayé de construire. Le vers classique était battu en brèche avant moi qui m'en suis souvent servi, si souvent que j'ai donné une nouvelle vie aux vers de huit pieds, par exemple. Dans les arts, je n'ai rien détruit non plus, tentant de faire vivre les écoles nouvelles, mais non au détriment des écoles passées. Je n'ai combattu, ni le symbolisme, ni l'impressionnisme. J'ai loué publiquement des poètes comme Moréas. Je ne me suis jamais présenté comme destructeur, mais comme bâtisseur.

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Mais Dieu m'est témoin que j'ai voulu seulement ajouter de nouveaux domaines aux arts et aux lettres en général, sans méconnaître aucunement les mérites des chefs-d'oeuvre véritables du passé ou du présent.

                                                     Lettre à André Billy. 1918

 

Merci, merci pour votre article, merci d'avoir goûté mes vers. Toutefois, ce n'est pas la bizarrerie qui me plaît, c'est la vie et quand on sait voir autour de soi, on sait voir les choses les plus curieuses et les plus attachantes. Quoi qu'on dise ! je ne suis pas un grand liseur, je ne lis guère que les mêmes choses depuis mon enfance (...) Je n'ai jamais fait de farce et je ne me suis livré à aucune mystification touchant mon oeuvre ou celles des autres (...) Je crois n'avoir point imité, car chacun de mes poèmes est la commémoration d'un événement de ma vie et le plus souvent il s'agit de tristesse, mais j'ai des joies aussi que je chante. Je suis comme ces marins qui dans les ports passent leur temps au bord de la mer, qui amène tant de choses imprévues, où les spectacles sont toujours neufs et ne lassent point, mais brocanteur me paraît être un qualificatif très injuste pour un poète qui a écrit un si petit nombre de pièces dans le long espace de quinze ans.

                                                    Lettre à Henri Martineau
                                              après la publication d'Alcools

 

Non, il ne faut point voir de tristesse dans mon oeuvre, mais la vie même, avec une constante et consciente volupté de vivre, de connaître, de voir, de savoir et d'exprimer.

                                                    Lettre à Madeleine Pagès

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12/12/2014 | Lien permanent

Une lettre d'Armand Olivennes à Pascal Ulrich

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Deux auteurs de Diérèse s'écrivent, en mémoire :

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                                                                        Le 8 juillet 1996

               Cher Pascal,

                              Bien reçu lettre et photo. Merci. J’ai eu un entretien téléphonique avec mon excellent ami Jacques Lucchesi et nous devons nous voir cette semaine. Pour être franc c’est lui, qui le premier m’a parlé de toi car j’avais méconnu jusque là tes publications dans les revues que je reçois. Ensuite j’ai voisiné avec toi dans les colonnes de "Rimbaud revue".
      Merci aussi de tout ce que tu m’envoies au sujet d’Arp. Je n’ai pas fini d’écrire et de gloser sur son art qui, comme le tien est à deux tranchants, plastique et littéraire. Le Marché de la Poésie de Paris ? Je m’y rends chaque année pour revoir mes amis et néanmoins confrères. Cette année j’ai compté combien j’avais retrouvé de ces amis, mais j’ai égaré ma liste. Cela devait faire 20 à 30 bons amis que je n’aurais pas l’occasion de saluer si je ne me rendais pas Place Saint Sulpice à l’occasion de ce Marché. Je dois te dire qu’il y avait foule cette année pendant les 3 premiers jours où j’étais présent. Mais pratiquement aucun visiteur ne s’est arrêté à mon stand. Des prix ont été attribués, trois cette année, mais à des inconnus de moi. Des gens comme W. L. décident un peu de tout. En outre il y a eu des nocturnes auxquelles j’étais trop fatigué pour assister. Il y a désormais un côté poético-mondain, on vient pour être vu, c’est très parisien. Par contre, j’ai eu le plaisir de retenir quelques instants l’attention de mon ami Henri Deluy avant qu’il ne s’envole pour la Chine. J’ai, jadis, été très lié avec Deluy, j’ai activement participé à "Action poétique" puis nos routes ont divergé. Ces dernières années il me serrait la main distraitement au Marché. Un jour, en conversation avec Gaston Miron, il a même failli ne pas me saluer. A présent il est très pris par l’organisation de la Biennale Internationale de Poésie de Seine (et Marne ?) qu’il a fondée et qui est vraiment devenue une Rencontre Internationale d’un grand nombre de poètes. Mais enfin, cette année nous avons conversé quelques bonnes minutes.
      Dernière minute : bien reçu la photo de la maison natale de Arp et celle de ta gouache. Dès que je pourrai je t’enverrai un complément financier pour te défrayer des dépenses que ces recherches t’ont occasionné et qui me sont très utiles.

                                                    toutes mes bonnes amitiés
                                                                              Armand

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01/02/2017 | Lien permanent

Les fondamentaux de Diérèse

Historique et orientation éditoriale

La revue de Poésie et Littérature Diérèse, fondée par Daniel Martinez qui la dirige paraît depuis le 21 mars 1998, a d’abord été trimestrielle ; depuis 2015 elle est quadrimestrielle. Soixante-dix numéros ont paru à ce jour dont trois (52/53, 56, 59/60) ont été codirigés avec Isabelle Lévesque. Cette dernière a en outre fait partie du comité de rédaction du numéro 52/53 au numéro 65. Aujourd'hui, Daniel Martinez assure seul la direction et la rédaction de la revue. 

Dans les colonnes de la revue, on trouve réunis des auteurs connus (Jacques Ancet, Federico García Lorca, Richard Rognet, Michel Butor, Zéno Bianu, Pierre Dhainaut, Jean Malrieu, Margherita Guidacci, Bernard Noël, Matthieu Messagier, Pierre Oster, Jean-Claude Pirotte, Louis-François Delisse, Paul Bowles, Lionel Ray, Jude Stefan, Alain Jouffroy, Fabio Scotto, William Cliff, Jean Rousselot, Henri Meschonnic, Thierry Metz, Nicolas Dieterlé...) et des auteurs moins connus, mais qui gagnent à l'être... Le Domaine international ne lui sera jamais étranger, si je puis dire.

Vous l'avez compris, Diérèse ne s'attache pas à publier de la poésie rimée !, sans jamais l'exclure a priori pour autant. Les conflits larvés, voire idéologiques, les flux et reflux entre les courants divers qui agitent la poésie de nos jours ne l'intéressent pas. Plutôt faire la différence entre ce qui est de qualité et... le reste. La diérèse renvoie à cet écart nécessaire avec les idées toutes faites en poésie, aux catégorisations et autres façons d'étouffer la création dans l’œuf.

Dans le prolongement de la revue, les éditions "Les Deux-Siciles" ont été créées en septembre 1998. Le catalogue comprend 45 titres publiés, essentiellement de poésie, à son actif quatre anthologies. Le premier titre : "Les treize empereurs", de Christophe Manon ; le dernier à ce jour : "Poètes électriques, l'insurrection", de Jacques Coly. Des auteurs souvent publiés d'abord dans la revue.

La partie Critique, importante dans Diérèse, est le plus souvent assurée par les auteurs, qui recensent dans la rubrique "Bonnes feuilles" des livres qui leur ont plu, jamais les leurs évidemment ! Dans Diérèse, nous ne sommes pas là réunis pour écorcher tel ou tel éditeur ou confrère revuiste. Seul ce qui plaît est commenté. Une anecdote : un journaliste un jour m'a fait remarquer que ne lui parlait pas, sur la couverture du numéro 48/49, le nez de Pier Paolo Pasolini. A quoi j'ai répondu que le dessin d'après photo était parfois un exercice de haute voltige, que l'important était tout de même le contenu du numéro, truffé d'inédits ; et qu'enfin Diérèse n'était pas Paris-Match. De fait, ce journaliste avait photographié le poète et voulait par ce biais me le faire savoir, histoire de tirer la couverture à lui. Je l'en ai félicité ; il a alors acheté ce fameux numéro.  

Mode de diffusion

Revue et Éditions sont auto-diffusées et auto-distribuées (pas de subventions ni de port payé).  

La sortie du numéro 71 est prévue pour le 21 octobre 2017.

Pour tous renseignements, écrire à :

Adresse :  Daniel Martinez
                 8, avenue Hoche
                 77330 Ozoir La Ferrière    

Adresse Mail : daniel.dierese24@yahoo.fr

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15/07/2017 | Lien permanent

Edmond Charlot (1915-2004) opus 2

... Jean-Pierre Péroncel-Hugoz : Vous êtes allé chercher des auteurs encore plus loin : Ilya Ehrenbourg, Henry James, David Herbert Lawrence, sans parler de Charles Morgan ou de Virginia Wolf ; mais pourquoi si peu d'écrivains maghrébins musulmans ?

- Tout simplement parce que la littérature maghrébine de graphie française ne faisait que naître. Dès le début, j'ai cherché des textes de ce côté-là. J'ai fini par trouver Jean Amrouche et sa sœur Marie-Louise Taos Amrouche, dont j'ai édité respectivement Chants berbères de Kabylie et la Jacinthe noire, un peu après la Libération.
Avant même cela, j'avais beaucoup travaillé avec Jean Amrouche, fondant avec lui à Alger la revue L'Arche, dont Gide, je crois, trouva le titre biblique qu'Amrouche devait ensuite revendre, à Paris, à Robert Voisin qui en fit le titre de ses éditions. Entre-temps, L'Arche, par la "dissidence" de Lucie Faure et Robert Aron, avait donné naissance à la Nef...
"Pour en revenir aux œuvres autochtones, je publiai des Poèmes touaregs, je cherchai des inédits jusqu'au Proche-Orient, publiant ainsi trois volumes de l'Egyptien Albert Cossery. Enfin, il y eut Mouloud Féraoun, ce paysan instituteur, costaud, pur, merveilleux et son Fils du pauvre. Il faut dire que je ne raisonnais pas en termes ethniques, je cherchai à éditer ce qui me paraissait de qualité."

- Et Gide ?

Philippe Soupault était allé le chercher en avion militaire à Tunis. Soupault vint me voir avec Attendu que..., un inédit de Gide, auquel, ébloui, j'offris 20% des droits. "Vous n'y êtes pas, vint me dire Gide, démentant ainsi sa réputation d'avarice, c'est 10% comme pour tout le monde et puis, d'ailleurs, je ne signe jamais de contrat." Je lui envoyais 15%... De 1943 à 1946, nous publiâmes cinq Gide, dont son Journal de 1939 à 1943, et ses Notes sur Chopin."

- Et Camus ?

"Dès mai 1936, je donnai Révolte dans les Asturies, pièce collective endossée par Camus, interdite par la municipalité d'Alger. En 1937, ce fut sa première vraie œuvre, l'Envers et l'Endroit, puis Noces et le Minotaure ou la halte d'Oran." *

Charlot rencontra Camus par le biais d'un abonnement de lecture que l'éditeur avait fondé à Alger, rue Charras. Le futur prix Nobel dévorait alors Dostoïevski, Kafka et les romanciers nord-américains. "Il était goal au Racing Universitaire Club, et c'est dans le bulletin de cette équipe qu'il a dû publier ses premiers textes... Jusque vers 1940, je le vis à peu près tous les jours quand il était à Alger. Je lui confiai, comme à Jules Roy, Philippe Soupault et Max-Pol Fouchet, la direction d'une collection. Mais nous ne nous sommes jamais tutoyés. Je crois que Camus ne fut intime qu'avec un tout petit nombre de gens. Nous étions amis sans être intimes."

Il faudrait encore écouter Charlot parler de Gabriel Audisio, Jean Sénac, Emmanuel Robles, René-Jean Clot, Jean de Maisonseul ou Armand Guibert, et de tous ces grands noms des Lettres et de la politique métropolitaine qui se trouvèrent rassemblés en Alger, de 1942 à 1944, quand la Ville blanche fut capitale de la France libre. C'est là que Charlot rencontra Georges Gorse et Stéphane Hessel qui, plus tard, eurent l'esprit de faire de lui in situ l'organisateur des relations culturelles franco-algériennes, tâche ô combien délicate après sept ans d'une guerre d'indépendance des deux côtés impitoyable.

Au début de la décennie 70, Charlot partit donner la bonne parole (francophone) à Smyrne - où il trouva le moyen, tout en réintroduisant le français à l'Université, de publier Treize proverbes smyrniotes, du cinématologue Jean Lescure. Puis ce fut le centre culturel de Tanger. Enfin, Pézenas "où Marie-Cécile et moi, nous nous sommes arrêtés parce que c'était moins cher qu'ailleurs et que sa beauté superbe était protégée par une décision de Malraux". D'un peu partout des connaisseurs sont alors venus chercher à la "bouquinerie" de Pézenas des introuvables de la littérature méditerranéenne ou les publications, de Sénac à Jules Roy, des éditions du Haut-Quartier (sises au 44 de la rue Conti) - un nom emprunté à Paul Gadenne. Littérature, quand tu nous tiens !

                                                                     Jean-Pierre Péroncel-Hugoz

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17/01/2017 | Lien permanent

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