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25/01/2016

Un poème de Marc Alyn

L'auteur de "Venise démons et merveilles", éditions Ecriture (2014), nous offre ce poème, écoutez plutôt :

ALYN.jpg

      Et depuis si longtemps j’attendais en silence
      A l’écart
      Jeté comme une pierre ou un os au désert
      Que jaillisse un ruisseau qui aggrave ma soif.

 

      J’étais seul tel un mort mêlé aux éléments
      Un roc au fond du gouffre enchaîné dans le noir
      Densité concentrée autour d’un noyau dur hanté
            d’atomes-météores.
      Cependant je gardais le souvenir du sel de la
            Promesse.

 

      Ah ! dans l’âme torturée d’algues
      Parcourue de courants et de grands squales blancs
      Voici que retentit jaillie de quels abysses
      Portée par la substance initiale de l’eau
      La Voix entre toutes vivante qui profère
      La prophétie des profondeurs !


                                            Marc Alyn

13:38 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

23/01/2016

Petit éloge de la douceur, de Stéphane Audeguy, Gallimard, « Folio », 144 pages, 2 €

Le 4 octobre 2007 a paru cet éloge dont l’époque a grand besoin, lisez plutôt :


   Stéphane Audeguy, auteur de deux remarquables romans (Théorie des nuages et Fils unique, Gallimard 2005 et 2006), fait observer une chose fondatrice : « La douceur n’est pas un pouvoir » (mais elle peut être détournée et devenir une stratégie, un instrument, un subterfuge) ; il ajoute : « Si jamais la douceur parvenait un jour à occuper une situation dominante dans notre société, il faudrait aussi l’abandonner comme on quitte une position, comme on déserte. » En conséquence si « la douceur suppose toujours une affirmation, une joie », elle « commande une sorte de guérilla, avec ses caches d’armes, ses décrochages, ses pièges et ses alliances ».

   Car la douceur, quoi qu’en disent ses détracteurs – qui parlent fort, grossièrement, et détestent par-dessus tout les nuances et la mesure… - n’est pas l’équivalent de la mièvrerie. Doux ne veut pas dire doucereux. Malgré ce que suggèrent les malencontreuses sucreries qui ornent la couverture du livre.
Puisqu’elle est, en même temps qu’un art de vivre, une affirmation, un choix éthique aussi bien qu’esthétique, la douceur, la vraie, est toujours obstinée et véhémente. Militante. Car les doux sont de dangereux conjurés, des activistes sans repos. Ils sont d’ailleurs combattus et moqués comme tels. La référence aux Béatitudes du Christ étant, en la matière, une circonstance aggravante…

   Après ces préceptes qui introduisent à la « vie douce » comme le doux saint François de Sales introduisait à la « vie dévote », Audeguy parle de « l’assujettissement ». Dans un monde de concurrence acharnée et de lutte à mort pour la prééminence, l’injonction essentielle est la suivante : « A chaque instant soyez-vous-même. »

   A l’individu qui va devenir quelqu’un, il est fortement recommandé de prendre la tête d’une « sorte de petite dictature de la République du Moi, une et indivisible, étrangère à toute idée de fraternité, d’égalité et de liberté ». Celui qui déteste la douceur est également dur pour lui-même…

   Mais cette disposition d’esprit et d’âme est parfois onéreuse. Elle conduit même, en certaines circonstances (qu’il ne faudrait pas banaliser) au martyre… « S’il est une douceur affreuse, c’est celle des victimes », écrit l’auteur. Il explique : « Comme si la dernière forme de protestation de la victime est de renoncer elle-même à toute violence, y compris à celle qui est nécessaire à la survie de tout être… »

   Mais avant d’en arriver à ces extrémités, la douceur offre un champ varié et inépuisable de plaisirs accessibles, et même de jouissances. Audeguy, dans l’ordre alphabétique, propose ainsi plusieurs applications, modes et régimes de ces agréments. En architecture (Gaudi et Jean Nouvel) ; en musique, le jazz surtout ; dans la haute couture (Issey Miyake) ; et même au football, en certains instants de grâce (Diego Maradona, marquant un but, « avec une facilité presque étrange, alentie » le 22 juin 1986, contre l’Angleterre… Notons enfin d’intéressants développements sur l’érotisme.

   Il va sans dire que Stéphane Audeguy n’épuise pas son sujet. Emporté, il divague parfois un peu loin… mais toujours en douceur. Et s’il cite Marc-Aurèle – « la douceur est invincible » -, c’est à la rubrique « Optimisme »…


                                                                    Patrick Kéchichian

13:06 Publié dans Critiques | Lien permanent | Commentaires (0)

Un poème de Henry Claivaux (1929-2009)

L'auteur de Au risque de vivre (éditions Fleurus, 1973) nous livre ici un poème qui est une réflexion sur l'écriture :

CLAIRVAUX BLOG.jpg


      Pointe à écrire

      pour le luxe de ce plaisir du tracé
                taille de trace
                griffure de gel par un atome
      un étonnement préservé relancé
                de ce moment d'enfance
                où l'échange se révèle
                de l'écrire au lire et l'inverse
      et cet atome à la pointe
                danse au bout d'invisibles fils
                tendus jusqu'au cerveau
      le cerveau est un petit bonhomme
      parti, toujours parti, cannes en mains
      à la pêche, à la pêche où il y a des trous
      pour trouver des écrevisses
                déjà cuites et recuites
                et qui ne sont pas si mortes
                qu'elles ne puissent encore
      par leurs longues longues antennes de mortes
                réveiller des choses
      ou pour prendre en son filet
                des boues, des ficelles, des lanternes
      ou pour lancer des fils
                avec des plombs, et des hameçons
                portés par des flotteurs à plumes
                et à petits grelots
                sur les eaux de Monsieur le Grand Esprit
                qui dérive en le sachant
      c'est pour cela qu'on écrit des lignes,         
                pour écouter des télégrammes

                à dire à haute voix
                et filant sous les yeux.
      J'écris par pulsions et coups de freins
                retour à la ligne
                pour souffler aux blancs
                tous les blancs ne sont que des instants
                qui voulaient vivre.
      Dans la solitude apparaît un moment du dire
                où des regards d'invisibles
                demandent au conteur
                de s'en aller dans toutes sortes d'histoires
      et ce n'est pas pour ramener vers les hommes
                des barques de miroirs aux alouettes
                qui font le bonheur des marchands
                et montent les cœurs comme des ressorts

                                               Henry Claivaux

00:41 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)