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02/05/2017

Histoire de "Salomé", d'Oscar Wilde

Saviez-vous que Salomé, pièce d'Oscar Wilde, parut d'abord en français ? Sa version anglaise, illustrée de 13 estampes originales d'Aubrey Beardsley, fut un grand livre illustré aux origines de l'Art nouveau.

Oscar Wilde, qui s'intéressait depuis longtemps au personnage de Salomé, décida d'y consacrer une œuvre lors de son séjour à Paris en 1891 : il fut en effet frappé par la lecture de deux passages d'A Rebours de Joris-Karl Huysmans, l'un contenant la description de deux tableaux de Gustave Moreau, et l'autre donnant une citation d'Hérodiade de Stéphane Mallarmé. Il écrivit ainsi la quasi-totalité de son texte à Paris entre octobre et décembre 1891, directement en français, prenant conseil auprès de Stuart Merril, Adophe Retté puis Pierre Louÿs. Salomé parut donc en février 1893, avec une composition de Félicien Rops (Paris, librairie de l'Art indépendant, et Londres, Elkin Matheys et John Lane).

Envisageant ensuite une édition en anglais à publier également chez John Lane, Oscar Wilde choisit d'en confier la traduction à son amant Alfred Douglas et de la faire illustrer par un des artistes les plus novateurs de son temps, Aubrey Beardsley, dont il avait vu une gravure représentant Salomé tenant la tête de Jean-Baptiste. L'éditeur John Lane fit quelques difficultés : il exigea tout d'abord le remplacement de 3 des dessins de Beardsley, sexuellement explicites ; ensuite, il ne voulut pas que le nom de Lord Douglas figure au titre.

Beardsley exécuta 3 nouveaux dessins, et Wilde accepta de ne faire allusion à Lord Douglas que dans la dédicace imprimée, d'autant plus facilement d'ailleurs que la traduction avait été grandement altérée : insatisfait du travail trop personnel de Douglas, Oscar Wilde en avait confié la révision au très cultivé Beardsley avant de la remanier entièrement lui-même. L'édition anglaise de Salomé parut ainsi un an après sa publication en France, en février 1894, causant un immense scandale. La pièce serait mise en scène pour la première fois par Lugné-Poe au Théâtre de l'Oeuvre en 1896.

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01/05/2017

"L'homme que fut Blaise Cendrars" un livre de Albert t'Sersteven, aux éditions Arléa, mars 2004

Cendrars, brouilleur de pistes

C'est vrai, je le confesse humblement, de Cendrars je n'ai pas lu l'ensemble des Œuvres complètes. Qu'on ne s'y trompe pas cependant : j'en suis amateur. A peine j'exagère en disant que, plus jeune, je connaissais presque par cœur des passages d'Au cœur du monde. Et j'ai même encore souvenir de mon émerveillement lisant L'Or. On m'offrit La Main coupée, puis j'achetais L'Homme foudroyé ; et bientôt, Bourlinguer et Le Lotissement du ciel en main, j'avais en ma possession ce qu'on appelle la Tétralogie. Malgré tout, il s'en faut de beaucoup que ces livres, si autobiographiques soient-ils, nous procurent une biographie définitive de Cendrars. Comme à peu près tous, je m'étais contenté jusqu'ici de clichés. Cendrars dites-vous ? Une clope au coin du bec. Un pif de boxeur. Une trogne un brin patibulaire, un brillant causeur, un casse-cou courant d'un bout à l'autre du globe. Et ainsi de suite. Imagerie incontournable contre laquelle Albert t'Sersteven, dans ce livre paru la première fois en 1972, nous met en défiance. Imagerie d'où il paraît bien ressortir que la légende, dans une certaine mesure, à trop étreindre l'écrivain, masque le vrai visage de l'homme.

Contrairement à ce qu'on a cru longtemps, Cendrars n'est pas "un imposteur conscient ne cherchant qu'à étonner la galerie par ses prouesses  et ses vagabondages." Pour lors, A. t'Sersteven, qui l'a personnellement côtoyé cinquante années durant, l'observant de loin, par correspondance interposée, ne donne pas son assentiment à cette image faussée. Et d'annoncer, en toute logique, que son livre est description de la "vie réelle" de celui affectueusement appelé "mon Blaise". Pour rendre compte de l'authentique Cendrars, l'idée lui est tout naturellement venue d'égrener ses souvenirs. Il n'en oublie pas pour autant de glisser au passage quelques attaques de son cru envers les scoliastes aveuglés par les mirages d'une biographie imaginaire mitonnée par Cendrars lui-même. "Le présent livre n'est pas une étude de l’œuvre de Cendrars, mais l'histoire d'une vie dans sa réalité humaine, dégagée du nimbe légendaire dont un tel personnage n'avait nul besoin : et, par corrélation, l'histoire d'une amitié." Dans cette complicité, dans cette connivence, il n'entre pas la moindre flatterie. Ici la franchise est de règle, la sincérité est tout. "En entreprenant cette biographie de Cendrars, je me dois sans négliger l’œuvre, de le montrer tel qu'il réagit dans les événements de sa vie, de m'appuyer sur des faits que j'ai pu contrôler, et par là d'être toujours sincère, dussé-je traiter quelques points délicats." Dit autrement, il s'agit de mieux regarder ce qui fait "l'homme complet", ses humeurs, ses amours, ses amitiés sans nombre, sa conception de l'écriture autant que son imaginaire, plutôt que de se distraire de la seule légende dorée. A ce compte, Albert t'Sersteven ne se prive pas d'évoquer la vie privée de Cendrars ; il le fait dignement, avec luxe de précautions, sans nuire moindrement à son ami. Bref, que ressort-il de cette "enquête psychologique" ? Cendrars est, à l'en croire, un être turbulent qu'une dévoration intérieure anime.

Si j'ai bonne mémoire, Henry Miller l'a lui aussi nettement exprimé : Cendrars a bien des excuses à brouiller les pistes, son imagination l'y pousse. Elle seule est la responsable du mystère qui flotte autour de lui. S'il trafique son vécu - et le trafiquant, automatiquement le sublime -, ce qu'il invente n'est que le fait d'une créativité débordante et débridée, en effervescence permanente. Romans ou mémoires, nouvelles, reportages ou poèmes, l'imagination n'a de cesse de vouloir se matérialiser. Tout se passe comme si ses mouvements ne se pouvaient commander, mais s'imposaient à l'homme, qu'il le veuille ou non. A cet égard, importe-t-il alors que l'imagination vire à la mythomanie ? Pas vraiment. A qui vient démultiplier la vie, ne demandons pas de comptes. Ne soyons pas mesquins. Aurait-il mille fois menti sur son existence, qu'importe puisque c'est pour la bonne cause : combattre la mélancolie naturelle du monde, dont Cendrars avait bien conscience.

                                                                                         Anthony Dufraisse 

17:55 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)