02/04/2018
René Char aux côtés de Rimbaud
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme ! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.
René Char, in La Fontaine narrative, 1948
11:34 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)
01/04/2018
René Char et les "meurtriers de plume"
Comme Christian Bobin, comme Jean-Claude Pirotte et tant d'autres, René Char n'avait pas en grande estime ceux qui se servent de l'écriture à leur seul avantage, pour composer des réseaux et s'en satisfaire ainsi que l'araignée tisse sa toile ; puis, dans le cercle tracé, pour fermer le texte dans sa matière de langue. Tous nos codes (car l'histoire de l'humanité y a puisé à loisir) se nourrissent de cette impression de vie, qui n'en a que les contours...
Le corps social, lui, réagence à sa manière, avec les miettes du grand festin, tout ce qui échappe à la stricte logique des institutions. Cet hors-cadre est celui des poètes, des artistes, des créateurs en général qui peuvent être reconnus quand ils ne se montrent pas trop remuants. Lisez plutôt :
Jeunes hommes, préférez la rosée des femmes, leur cruauté lunatique, à laquelle votre violence et votre amour pourront riposter, à l'encre inanimée des meurtriers de plume. Tenez-vous plutôt, rapides poissons musclés, dans la cascade. René Char
09:53 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)