241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/04/2018

Diérèse 73 : Daniel Martinez, avec "Le point de chute"

"J’aime, particulièrement, la descente de l’Alpe française vers Martigny, par le train qui arrive en Suisse, cette plongée lente et progressive – impossible d’y résister, de quelque manière. C’est, en cette journée d’août, un peu de neige sur les mots noirs de mon carnet de notes, son côté fouillis, fourre-tout, traversé de sonorités diverses échappées de la vie de chacun, d’un mouvement des lèvres, d’un enthousiasme aussi subit qu’injustifié. Mais tout ici semble réglé pour une fin, qui sera celle du voyage, son terme, s’il en est un ?


*

Elles, bien plus bas, sont silhouettes qui se meuvent. Et qui jamais ne ménagent leurs efforts pour se hisser, de tel plan incliné (la vue en contrebas donne une impression de hauteur, touche à une sorte de licence conceptuelle, qui ravale l’humain au rang de touches musicales, en trompe-l’œil : de l’imaginaire à l’état pur – à tel autre). D’un point précis du sol au suivant, dans une logique de déplacement perceptible depuis le compartiment. Ici, face aux glacis frémissants d’une remise, là, s’attardant sur l’image de quelque troupeau palpitant comme cœur ouvert, au fil du chemin enfin, mille trésors quotidiens – éléments d’une réalité réinterprétée, à chaque poussée du train. L’espace terrestre, familier : pays du mouvement perpétuel..."


*

C’est bien depuis un train à crémaillère que j’écris. On est là, comme tiraillé de l’intérieur. Et l’on surplombe les toits de lauze où donne à plein un soleil extatique. Bruits de gorges, babillage des voyageurs, c’est fou ce qu’il inventent pour tuer le temps, d’astuces, immuables : un rituel, une théâtralisation du rien.
Seules demeurent, pour mon plaisir et je ne le bouderai pas, quelques touches d’un mystère qui prend maintenant le visage ocellé d’un éventail d’écume tachant les défroques d’azur, avant qu’elles ne se posent sur le jaune brûlé des champs. Plus bas encore, le regard court, du jardin le plus frontal au chemin municipal, escarpé pour le moins.
Rien pour autant qui puisse effacer la rumeur ambiante, insistante ; fanes des chevelures. Tout l’ailleurs s’y retrouve. Le fil glacé d’un torrent contre les flots de ronces.


*

Aux Marécottes un léger brouillard, une fine pluie emperle les vitres, on dirait que le diable n’est-ce pas… C’est d’un gratte-gosier que l’on devrait parler plutôt : car on sent la bouche de l’espace s’enrouer soudain, sans raison. Plus aucun chouca dans les hauteurs.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

 

Daniel Martinez

Diérèse 73 :Jacques Merckx, avec "Histoires de la rue Riquebus"

"Il était venu frapper à ma porte emprunter une petite somme d’argent qui lui était, disait-il, indispensable pour vivre jusqu’à la fin du mois. Il me regarda fixement et ajouta qu’il me rembourserait le vingt du mois suivant. “Ton baratin, je n’y crois plus, prends : (je lui tendais une coupure de 10 euros) ça c’est un cadeau, mais c’est le premier et le dernier en même temps.”


Je l’ai revu quinze jours plus tard, qui avait démonté son chauffe-eau pour économiser un dépannage, mais il restait avec des pièces dont il ne savait que faire..."

 

Jacques Merckx

Diérèse 73 :Patrice Dimpre, avec "La cérémonie des escarres"

"Je marche à l’ombre dans la ville, ayant abandonné le ciel,
Toutes les rues permettent de le dissimuler.
Et de se dissimuler.
Ville, je t’aime.
Mais tu ne fais pas attention à moi, vilaine ville.
Ville, je te signale ma disparition.
 

. . .
 

Tout se transforme.
Les anciens montreurs d’ours sont remplacés par les nouveaux montreurs d’ours.
On me dira : ce sont toujours des ours.
Oui, et non.
On leur a supprimé le miel..."

 

Patrice Dimpre