23/03/2019
Jardin secret I
Le bouillonnement des violettes blanches
a succédé aux étoiles
jusques au creux des souches
où divaguent les fumées du matin
visage sous le masque
le pays de nos amours reculait
sous la fine cire de la conscience
les fibres d'un corps second
laissaient paraître des cendres stellaires
mouillées par la lumière
plus légères que l'eau
"Voici le Sud me disait elle
et le calme gagné
pour s'y perdre de concert
sous la pression des vagues
ces bris de coques au rivage
écloses en grappes de bulles
en pelotes marines herbes de Posidonie
les sables les distribuent
seraient-elles mousses de soleil"
Avec les flux et reflux l'illusion multipliée
nous sommes de ce monde
mais sans autres attaches
que le bruit soyeux des mots
qui le réinventent chaque jour
inquiets du principe secret qui les anime
toutes frontières brouillées
Daniel Martinez
09:01 Publié dans Instantanés | Lien permanent | Commentaires (0)
19/03/2019
Le Guépard saharien
Dans l'étincellement du silence
et le dénuement des nuages
il guette entre les dunes
au cœur du Grand Sablier
non la clé du ciel
mais ce que la dernière nuit
aura laissé d'apparent
en convoyant
les froidures de la lune
et les herpes du temps qui passe
dont Guépard il perçoit
les lignes pétrifiées
sur le verre peint d'un massif
plus roux que son pelage
où frétille la courte crinière
qui lui couvre la nuque, l'épaule
une robe rêche tachée de gris.
Fixant sa proie, sans crier gare
l'arc déployé d'un corps svelte
frappera d'un coup
la gazelle Dorcas
multipliant par sept
les dernières entailles
que le soleil fait
dans le paysage
la dense matière de l'air
et les rubans d'ombre
qu'il a traversés.
Une vie si brève, arrachée là
comme écume passagère
au regard des échos lointains
qui lui barrent le front
lorsqu'il se redresse et voit
les ombres bleues du royaume
dévier jusques aux piqûres rouge sang
sur les grains de sable
portés par les entrailles de la terre
Daniel Martinez
08:13 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)
18/03/2019
Katherine Mansfield (1888-1923)
C'est l'un des poèmes de la Villa Pauline, traduit par Philippe Blanchon, que je vous donne à lire aujourd'hui. On s'étonnera que cette nouvelliste d'importance n'ait pas trouvé plus d'échos dans le monde des Lettres côté Poésie... Une œuvre poétique courte, très incomplètement traduite en français, cependant Katherine Mansfield n'en demeure pas moins sujet d'émerveillement dans certains de ses poèmes, toujours libres d'esprit, en dehors du temps et des courants. Avec, pour souci principal, une réconciliation par les mots avec le monde environnant (on sait sa vie d'errance, les répercussions du décès de son frère, sans parler de sa tuberculose...), dans des pièces conçues comme "un acte de foi". En 1915, en quête de soleil, elle fait un premier séjour sur la Côte d'Azur. Sanary a été écrit en 1916.
Sanary
Sa petite chambre chaude donnait sur la baie
A travers une palissade roide de palmiers scintillants,
Et là elle s'allongeait dans la chaleur du jour,
Sa tête brune reposée sur ses bras,
Si tranquille, si immobile, elle ne semblait pas
Penser, sentir, ni même rêver.
La chatoyante, aveuglante toile de la mer
Était suspendue dans le ciel, et le soleil araignée,
Avec une cruauté besogneuse et effrayante,
Rampait dans le ciel et filait, filait.
Elle pouvait le voir encore, les yeux clos
Et les petits bateaux pris comme des mouches dans la toile.
Plus bas, au-dessous, dans ces heures paresseuses
Personne ne marchait dans les rues poussiéreuses
Une odeur de mimosa mourant
Flottait dans l'air, douce - trop douce.
Katherine Mansfield
Extrait de Villa Pauline & Autres poèmes, éditions La Nerthe, septembre 2012.
07:19 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)