25/06/2020
"Idéogrammes en Chine", de Henri Michaux, éditions Fata Morgana, 14 juin 1975, 46 pages
Toute langue est un univers parallèle. Aucune avec plus de beauté que la chinoise.
La calligraphie l'exalte. Elle parfait la poésie ; elle est l'expression qui rend le poème valable, qui avalise le poète.
Juste balance des contradictoires, l'art du calligraphe, marche et et démarche, c'est se montrer au monde. - Tel un acteur chinois entrant en scène, qui dit son nom, son lieu d'origine, ce qui lui est arrivé et ce qu'il vient de faire - c'est s'enrober de raisons d'être, fournir sa justification. La calligraphie : rendre patent par la façon dont on traite les signes, qu'on est digne de son savoir, qu'on est vraiment un lettré. Par là, on sera... ou on ne sera pas justifié.
La calligraphie, son rôle médiateur, et de communion, et de suspens.
Une langue, en Occident, qui aurait eu seulement une parcelle des possibilités calligraphiques de la langue chinoise, qu'en serait-il advenu ? Les époques baroques qui s'en seraient suivies, et les trouvailles des individualistes, les raretés et bizarreries, excentricités et originalités de toute sorte...
La langue chinoise en était capable. Partout elle donne des occasions à l'originalité. Chaque caractère fournit une tentation.
Henri Michaux
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24/06/2020
"Les XXXX suivis de Trente-neuf Quatrains", de Mathieu Bénézet, éd. Comp'Act, juillet 1989, 96 pages, 68 F
XVII.
étranger dans la chambre l'instant c'est moi
même tremblant bouche l'obscure
un instant à côté de la fenêtre ah
la dernière phrase avec le sang du rêve
qu'ai-je me cachant près du sommeil ourlet
d'une mémoire telle est la fin dans le vent du vent
XVII.
et brusquement le chemin brisé si proche
une fleur de cécité dans le fond abandonné
fragile écart coloré de rythme faiblement
dans le malheur lenteur qui n'est pas encore
l'instant où les fragments en silence se penchent
tout au bord de la rive où ils nous laissent sans
signe
Mathieu Bénézet
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23/06/2020
"Dans les jardins mouillés", Francis Dannemark, éditions Cadex, collection L'Anthrope, septembre 1995, 32 pages
La poésie est ailleurs
La poésie est ailleurs, je l'ai perdue, parfois il me revient que je voyais, au bout du jardin quand la nuit va s'y poser comme un engin, des choses que je ne distingue plus. Myopie, ou alors c'est moi qui suis ailleurs, j'ai plusieurs montres, je sors de mes rêves au matin comme d'un opéra en flammes et je marche sans cœur dans les rues décorées d'un bout à l'autre de l'année pour des fêtes futiles. J'y tiens mon rôle.
Aux fenêtres, la pluie balance des messages vite perdus. Il est interdit d'entendre les voix qui parlent de vertige, de fuite, d'amour malgré tout. Il est interdit de caresser la mort. Marcher dans les jardins mouillés, oui. Vingt pas et demi-tour.
Je connais l'effet noir du café et je compose à l'aube un poème lyophilisé. Jeunes, nous l'avons été. Dans une vie lointaine, qui a peut-être été la nôtre. Depuis lors le ciel a changé de place et de couleur, nous portons des lunettes sombres et la terre, de loin, on dirait la lune.
Francis Dannemark
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