15/06/2020
Oiseaux
Partir : au bout du sentier
des braises déchirent
le septième arbre
à tant de voix basses répondent
les bourdons de midi
pierres et bourgeons
brûlent des fagots d'azur
arrachés de l'Immense
et dans ta main respire
le vaste buisson des yeux
Le jour jaugeait les rêves
de celle qui me fut mère
trop tôt partie parmi
les grillons à nos côtés
le fleuve est double
qui marche en nous
dans ce qui parle
avec les plus petites branches
de la forêt
dans ce qui gémit telle une bûche
au centre du cercle
dans ce qui porte
les chants de la terre
Tout serait dit à contre-vent
les sarments les épines
du miroir creux des limbes
aux visages de l'âme
depuis la berge
et ses bracelets lents
défaits à mesure
mis à flotter
sur le dessin de ton oreille
fleur rose fleur de sang
château de la nue
Daniel Martinez
23:16 Publié dans Variations | Lien permanent | Commentaires (0)
"Notes d'hiver", de Didier Jourdren, éditions Unicité, septembre 2017, 76 pages, 13 €
Que je parle d'avancer, de me mettre en chemin en entendant un chant d'oiseau, n'est pas qu'une image. Écouter n'est pas qu'une question d'oreille, mais touche la respiration, réveille une scansion intérieure, invite à se mettre en marche, dans un rythme à découvrir, dans un élan à laisser advenir, réponse aérienne qui met en route. D'où cette impression si vive de légèreté souvent, ce regain d'énergie, cette joie apparemment sans raison. J'entends la voix flûtée, ses trilles légers, ses accents de mélancolie ou d'interrogation, ses interruptions, ses silences : tout l'être est saisi, emporté déjà. Et si j'essaie de parler, c'est en tentant inconsciemment d'obéir à une cadence, qui me met sur la voie de partir.
*
J'entends le signe pur, indéchiffrable. Je tends l'oreille, toujours surpris. Il m'est demandé de mettre de côté tout le reste, ma vie même, pour écouter, à la juste place, de me tourner entièrement vers ce qui est là. La voix qui bientôt va se taire, la puissance brève de l'oiseau invisible, l'écoute : de tout cela, quelque chose demeurera. La rencontre fugitive ne s'efface pas tout à fait. L'instant s'étire, on se trouve dans un présent plus vaste. Le chant continue, sans fin, de l'autre côté de la cloison d'ombre et de feuillages, tout près. Ici - et le cœur en est saisi, le souffle suspendu -, commence l'éternité.
Didier Jourdren
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14/06/2020
"Fragments", d'Héraclite, traduits par Roger Judrin, éditions Calligrammes, 2 mai 1987, 32 p.
Faute d'espérer, vous ne trouverez pas l'inespéré que vous croirez introuvable et hors de portée.
Aucun de ceux dont j'ai retenu les propos n'était parvenu à comprendre que la sagesse est d'un ordre à part.
La pensée est le plus haut degré de la vertu. La sagesse est de parler vrai, de régler ses actions sur la nature, d'obéir à sa propre voix.
Tout s'écoule.
Le contraire est utile. Des opposés sort le plus beau concert. De la discorde tout est né.
Un mot pareil désigne en grec et ce qui vit et ce qui vise. Mais la vie est un trait qui tue.
L'invisible harmonie vaut mieux que la visible.
Dieu tour à tour est le jour et la nuit, l'hiver et l'été, l'abondance et la disette, comme un feu mêlé d'aromates en reçoit la diversité des noms que l'on donne aux parfums.
La vie et la mort, la veille et le sommeil, la jeunesse et la vieillesse sont d'un seul et même homme, à tour de rôle.
Le naturel propre à chaque homme est son génie.
Excellent esprit, lumière sèche.
Héraclite
10:09 Publié dans Auteurs, Traducteurs | Lien permanent | Commentaires (0)