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04/06/2020

"L'enfance est mon pays natal", de Joël Vernet, éd. Cadex, ill. de Jean-Gilles Badaire, janvier 2000, 775 ex., 32 pages

Il m'arrive encore aujourd'hui, en toutes saisons, mais en particulier dans l'effervescence justement du printemps lorsque la terre paraît en mutation, d'emprunter l'étroite route qui va de Saugues au Malzieu, par la montagne. Cette route minuscule monte progressivement vers de hauts plateaux couverts de pâturages désertiques où paissent parfois des troupeaux qui semblent égarés, abandonnés et ouvre brutalement, dans sa lumière étonnante, sur l'horizon, sur l'infini, esquissant comme un soupçon de mer dans le lointain. Elle a laissé derrière elle de maigres hameaux, un lieu-dit, La Baraque de Bugeac, flanqué d'une seule habitation où je n'ai jamais vu personne demeurer, vivre. Ce lacet de goudron est la route d'un pèlerinage secret qui m'est devenu coutumier car, franchissant la borne de pierre plantée au bord du fossé, borne indiquant le département voisin, celui de la Lozère, j'éprouve enfin ma respiration naturelle, c'est-à-dire un goût avéré pour le large, pour l'aventure libre de la parole qu'englue forcément l'esprit de clocher. Depuis longtemps, ce lieu est pour moi un lieu de dimension méditative même si je n'y fais que passer, à l'écart des guerres que se livrent les hommes. Il témoigne d'une existence terrestre possible pour peu que l'on sache ouvrir les yeux sur la nature et sur les êtres.

 

Joël Vernet

08:16 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

03/06/2020

Journal du (dé)confinement IX, Daniel Martinez

A mon tour, j'ose trouver de la justesse à cette phrase d'un philosophe qui n'est pas pour autant ma tasse de thé, loin s'en faut, André Comte-Sponville : “J’aime mieux attraper le Covid dans un pays libre qu’y échapper dans un État totalitaire.” Cette application que nos édiles nous recommandent de charger, à présent qu'elle serait "au point" : "Stopcovid" mériterait à elle seule une levée de boucliers, mais...

Gaëlle me chuchote à l'oreille (il est un peu plus de vingt heures, le ciel est dégagé, le soleil continue de nous réchauffer le corps) : "Papa, la lune nous suit". Effectivement on voit tout là-haut se détacher sur un fond clair la moitié du "Petit Véhicule".
- Tu sais qu'étant jeune, elle m'a beaucoup fait rêver.
- Mais la lune, Daniel, ne serait-elle pas un rêve ?
...
- Pas vraiment. Cependant, quand on la regarde de si bas, on en a l'impression.

Ce "formidable" pouvoir médical !, qui vient depuis peu de surpasser tous les autres. Lorsque j'étais étudiant en Droit, mes profs me parlaient du pouvoir des juges en France, du pouvoir des médias aux USA, etc. A présent, il serait judicieux de faire plancher les étudiants télétravailleurs sur le pouvoir international, toutes catégories confondues, de la médecine. Quel spectacle, au demeurant nous donne-t-elle ! Une enquête bidonnée du Lancet pour démolir les partisans de la chloroquine, d'un usage courant pour celles et ceux qui voyagent en Inde (à prendre un mois avant le départ, pendant son séjour et un mois après le retour au pays). Franchement, je ne savais pas avoir risqué la mort à prendre au quotidien cette médication comme je le faisais alors. Mais au juste, des chiffres : combien de morts dus à l'usage de cet antipaludéen classique a-t-on à déplorer ? Par ailleurs, la région marseillaise bénéficie-t-elle d'un microclimat néfaste à la circulation dudit virus ?, où l'on dénombre de trois à cinq fois moins de morts qu'ailleurs dans l'Hexagone. Quelle "étrange" région où officie un "étrange" inconnu qui porte le cheveu long et une montre rouge au poignet !

Lui, et dans son monde traversé par l’étourdissante mélodie de Bob Dylan chantant Ballad of a thin man. Des tonalités obscures, des accents rauques traversent cette voix. Ces voix : elles sont éclairées du dedans, elles sont des astres qui se déchirent en plein jour, sous le soleil qui ocre à présent les façades. Puis celle, venue se brûler au réel, louvoyante – I was a wing in heaven blue…/ And I was free, de Patti Smith, souveraine. Chemise blanche et cravate noire, c’est ainsi qu’elle m’apparaît, elle a ébouriffé ses cheveux pour se cacher les yeux, les yeux de celui qu’ils ont vu revivre dans son dernier rêve, Jimi Hendrix, « comme s’il était une lumière ou un corps céleste ». A l’instant même où tout se mêle, à toute vitesse, vertige. Ces voix, dans leur résonance intime confondues, donnent à percevoir les battements mêmes du temps. Tout est plein d’âme, jusqu’au moindre soupir.

Diane voudrait que je lui achète un cerf-volant pour son anniversaire, qui approche.
"Mais de quelle couleur, voudrais-tu ?"
- Rose comme les joues de Camille, ma maîtresse que j'aime, parce qu'elle m'a appris à danser.
Elle esquisse pour mon plus grand plaisir quelques pas de danse, d'un équilibre étonnant pour son jeune âge. Je l'applaudis, elle est heureuse et me réclame pour la peine un peu d'eau plate mélangée à de l'eau gazeuse. Et me demande in fine si elle peut faire "un petit rot".

On y sirotait là, entre autres, un thé à la menthe aux pignons grillés qui donnait, selon l’expression consacrée, du cœur au ventre. Rien à voir avec ce que l’on vous sert de l’autre côté de la Méditerranée, en métropole, à ces petits sachets lyophilisés qui vous laissent en bouche un goût saumâtre et semblent une tisane presque à côté de ce que Léa – dont les parents avaient un pied à terre en Suisse, dans le canton de Vaud – et lui, Christian, goûtaient des deux lèvres ce jeudi, sur la butte du Belvédère, à Tunis. Assis tout à côté d’elle, lui parlait aussi bien des pages du manuscrit de la veille auquel il avait mis le point final que de son quotidien, de son « je » qui lui faisait à mesure intégrer peu ou prou le fait d’être.
Mais toujours demeure en fond d'écran, le bleu du ciel, rouge sous les paupières (celles de Léa transparentes presque) : foyer de l’image et de son anagramme « magie ».

 

Daniel Martinez

09:24 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

"Fils de la lumière et de l'ombre", de Miguel Hernandez, traduit par Sophie Cathala-Pradal, encres de Juan Jordá, éditions Sables, octobre 1993, 500 exemplaires numérotés

L'ombre demande, exige des êtres qui s'enlacent,
Baisers qui la constellent de longs éclairs d'orage,
Bouches exaspérées, battues et qui tenaillent,
Roucoulements pour orchestrer ses léthargies.


Elle veut nous jeter, toi et moi, sur le lit
Toi et moi sur la lune, toi et moi sur la vie.
Elle veut, toi et moi brûlés, que dans nos gorges
Se fonde avec le ciel la terre qui tressaille.


Le fils est dans cette ombre qui accumule étoiles,
Moelle, lune, amour, claires obscurités.
Il jaillit de ses creux et de son indolence,
Et de ses solitaires et éteintes cités.

 

Miguel Hernandez

07:14 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)