17/11/2020
"Récit d'une simple saison", de Yves Peyré, Mercure de France, janvier 1995, 192 p., 130 FF
PAR TEMPS DE PIERRES
Plissement, ploiement des pierres
et du silence,
le jour sous le bras
et bientôt
pendu dans le vent qui claque,
un mouvement
ininterrompu de reprise,
l'ordre
aigu de la brisure,
la lumière
perce la nuit, la réduit à rien,
pépites
ordinaires du songe.
Roulement
et la vague qui m'emporte
dans la chaleur
soufflée en excroissance rocheuse
des ammonites,
le lagon palpite comme un creux
de chair
céleste qui tanguerait depuis toujours,
il s'abat
vivement et se rétracte.
La terre en proie aux aveux,
elle expire
des mots ou des espèces,
elle anime
la droiture de ses arbres,
elle tord,
elle rince, elle martyrise
comme la dernière
des lavandières qui crache
rudement
dans ses mains.
L'enfant qui va hurlant de dépit,
celui, le même,
qui en silence écoute craquer
les terres
et rêve avec patience au réveil
des grands sauriens
enfouis là dans les entrailles
vivantes
de qui les a jadis bercés.
Je tends le jour comme une peau,
elle s'offre
au regard qui succombe,
la vie reprend vite,
elle monte
déjà sur la tige trémière oscillant
doucement
dans le vent qui susurre mille promesses.
Yves Peyré
11:00 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
15/11/2020
"Ce lointain de silence", de Jean-Louis Bernard, éditions Encres Vives, octobre 2018, 6,10 €
Sourire en sursis
pour l'amante de porcelaine
clouée
à la barque d'errance
sœur du loup
et de la ronce
nue et lente
teinte son sang
d'une neige archaïque
pour l'ardente pâleur
des vestales
choie le jour
de son désir
de nuit serti
cicatrice du temps
sur son épaule
arabesque ou balafre
chemin en filigrane
Jean-Louis Bernard
Poème fascinant de l'ami Jean-Louis Bernard, avec ses fragments de beauté perçus ici dans le sans-voix statufié d'un désir retenu dans sa cosse, avec à l'oreille les pas légers d'une femme qui s'éloigne dans la nuit où ce qui passe luit, image de l'image nichée au cœur du langage : dame Poésie. DM
21:04 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
"Carnet de Corée", d'Eric Chassefière, éditions Encres Vives, octobre 2014, 6,10 €
Journée commencée sous la pluie
au temple de Beomosa
perdu sur les hauteurs d'une colline
dont l'îlot de forêt dense
se dresse au milieu de la ville
pas d'office ici chacun prie en silence
devant la statue de Bouddha
encadré des deux bodhisattva
qui rappellent qu'avant d'accéder à l’Éveil
le sage doit ouvrir le chemin à d'autres
on prie non pas un dieu mais l'homme
on prie pour s'élever soi-même
et à travers soi élever les autres
dans ces pavillons multicolores
occupant le flanc de la montagne
et le vrai temple est cette montagne
la vraie vie le cours de ce petit torrent
qu'on entend rouler en contrebas
le vrai toit la ligne de crête
aujourd'hui cachée par les nuages
de cette forêt où c'est encore la nuit
comme dans mes rêves d'enfant
ces paysages de bois et de collines
apparus au détour d'une rue
quelque part au centre ville
et qui semblaient s'ouvrir vers l'intérieur
me conviant à une traversée du miroir
la montagne enveloppée de brume
est ici pareille à l'intérieur d'un temple
au milieu de la cité grouillante
il faut pour y entrer s'effacer de sa vie
Pusan
Eric Chassefière
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