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20/05/2021

"Recommencements", de Daniel Martinez

Gravures éparses du levant
maillons ourlés d'oubli
d'amoureux soucis

sur la tablette de verre stagne
l'ombre d'un crabe de porphyre
et sur ma bouche un doigt posé
signifie silence
manière de décence
face au monde émis

une flottille de goélands
agrandit le cercle

d'une arabesque à l'autre
          les sureaux dégorgent
un parfum printanier
Par le matin fumant
la ville blanche et or
dans la lumière immobile          se tait
un sentiment diffus de quiétude en émane
avec l'éparpillement des traits
quelques copeaux sur le parquet
     les fumées éparses
     de bâtiments lointains
ici la plume cesse


Daniel Martinez

ຍ ຍ ຍ ຍ

04:52 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

19/05/2021

"Impossibles lointains", d'Alain Le Beuze, éd. Folle avoine, 1988, 46 pages, 40 F

Alphabet de sable


         nulle route
        dans cette ébriété de lignes


        nulle pierre, nulle herbe
        pour essarter la peur


            le bleu menaçant
        et la horde ininterrompue des dunes


            dans la lumière
        des silhouettes peureuses
        font vaciller l'immense


            ta main    juste ta main
        comme repère
                 ou illusion


        marcher là


            fouler ces friches de lumière
        c'est réponse à l'oubli


* * *


        en bas


            la mer laborieuse
        décadastrée


            archive sa litanie de cailloux


        envie de déserter


        loin des falaises prétentieuses


        de trahir


            élaguer le silence


        serait justice


* * *


        dans cette lumière neigeuse
        l'arbre n'est plus


        qu'une ombre transie


        les champs inaccessibles
        dans ces coulisses de lumière


        suivre ces taches rebelles
        c'est approcher les redans


        toucher le peut-être


        d'une terre insolite


Alain Le Beuze

10:04 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

17/05/2021

"Jean le bleu" de Jean Giono, éditions Grasset 1932, coll. "Pour mon plaisir", 316 pages

Chapitre IV


Dès la nuit tombée, j'allais m'asseoir près de l'établi de mon père. Il allumait sa haute lampe de cuivre. Puis, il dépendait les cages.
Il avait cinq cages pleines d'oiseaux : des canaris, des pinsons, des chardonnerets, et une petite cage d'appelants où il gardait un rossignol, tout seul. La cage du rossignol sentait la pourriture. Il fallait le nourrir avec des vers de terre tronçonnés et hachés. Mon père hachait les vers avec une fourchette en fer dont il avait aiguisé les cinq branches en les limant avec son tiers-point. Il nourrissait aussi son rossignol avec des mouches. Il raflait les mouches avec sa main, puis il allait donner pâture. Le rossignol aiguillait son bec à travers les barreaux pour piquer le ventre de la mouche. Il en coulait une goutte de sang blanc et épais comme du pus. Quand c'était une grosse mouche ou un taon, mon père cassait la bête en deux. Il donnait d'abord le corselet aux ailes bleues.
- Le moins bon d'abord, disait-il.
Après, il tendait doucement la petite vessie du ventre plein de miel.
La lampe allumée et réglée, mon père dépendait les cages. Il les plaçait à côté de l'établi, pour que les oiseaux soient dans la lueur rousse de la lampe, et, au bout d'un moment, ils se mettaient tous à chanter.
J'écoutais les pinsons et les chardonnerets surtout. Pour que le rossignol se décide, il fallait le mettre un peu dans l'ombre, près du baquet où le cuir trempait. Alors, il commençait par de petits sanglots.
- Écoute, écoute, disait mon père.
Tous les oiseaux se taisaient, se perchaient en grappes sur les petits perchoirs de bois et restaient là, ébouriffés et peureux, et on voyait trembler le bord transparent de leurs plumes.
Écoute.
Le rossignol pleurait tout doucement pour lui-même. Une petite voix grêle qui avait la couleur grise et rouge de la douleur.
-  Écoute, il désire.


Jean Giono

05:26 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)