241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/05/2021

12 février 2008 : La vente de la bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré, avec Henri Michaux en vedette !

Ce fut le rare moment de brouhaha dans une salle pleine et attentive, plus de trois heures et demie durant, chez Sotheby's, mardi 12 février 2008, de la bibliothèque de Gwenn-Aël Bolloré, pour un montant total de 1,43 million d'euros : l'enchère de 120 000 € (plus les frais) atteinte par les quinze pages d'écriture tracées par Henri Michaux sous l'empire de la mescaline pour être insérées dans Misérable miracle - record absolu pour une œuvre, graphique ou littéraire, de l'auteur de Connaissance par les gouffres. La photographie de Michaux prise par le papetier breton sur le perron de la demeure familiale, près de Quimper, qui lui avait valu les reproches du Barbare en Asie ("Vous m'avez volé mon âme"), n'a obtenu que 1 600 € (estimée à 2000-2500 €).
En revanche, les prix de la plupart des œuvres de Michaux, soit plus de 50 numéros sur une vente qui en comptait 243, se sont envolés : 32 000 € pour les dessins destinés à illustrer Entre centre et absence, 26 500 € pour une édition accompagnée d'un pastel des Meidosems, tandis que Nous deux encore, un texte écrit par le poète après la mort tragique de sa femme et qu'il ne voulut jamais rééditer, obtenait 6 500 €, très au-delà de ce qui était annoncé.
Le début de la soirée avait vu les Chants de Maldoror, illustrés par Salvador Dali, adjugés 340 000 €, tandis que l'intrigant carnet noir contenant des poèmes de jeunesse d'André Breton et ayant appartenu à Eluard, partait à 25 000 €, en dessous de l'estimation basse. Souvent, le dire des experts a été contrarié : vers le haut pour un des six cents premiers exemplaires d'Histoire d'O (de Pauline Réage, alias Dominique Aury) sous une reliure rose et or, qui enflamma les amateurs à 17 000 € (plus de 10 fois l'estimation haute) ; vers le bas, pour le dernier manuscrit de Céline encore en circulation, celui de Nord (1959), mis sous cuir avec une inscription en forme d'exorcisme par le collectionneur-résistant qu'était Bolloré, et qui fut adjugé, au téléphone, à 360 000 € (au lieu des 400 000 à 600 000 annoncés). Si des bibliothèques municipales bretonnes (Saint-Brieuc ou Quimper) ont préempté des ouvrages de Louis Guilloux ou de Max Jacob, aucun représentant de l'Etat n'a fait de même.

La dispersion d'une bibliothèque n'est pas une vente comme une autre. On y feuillette une dernière fois les pièces réunies au long d'une vie de courage (l'engagement à 17 ans du jeune Gwenn-Aël qui rejoint l'Angleterre sur un voilier et revient dans le premier groupe de Français qui débarquent le 6 juin 1944) et de passion. Celle qui mène le papetier à prendre la tête, dans les années 1950, des éditions de la Table ronde, qui publieront notamment Boris Vian (L'Arrache-Coeur, 1953, parti à 6 200 €), puis les "hussards", Blondin, Nimier, Laurent et Déon.
Ce sera la partie moderne de la vente, annoncée par des œuvres de Bernard Franck, auteur de la formule "hussards" dans un article des Temps modernes paru en 1952. Son manuscrit intitulé Israël, d'une écriture ronde et serrée, sera emporté pour 19 000 € (estimation haute à 1 200 €), et l'édition reliée des Rats (1953) atteindra 1 100 € (estimée 300-600 €). Un important lot de manuscrits et tapuscrits de Roger Nimier (1925-1962), était très attendu. Si ce bel ensemble n'a pas suscité des records d'enchères (14 000 € au téléphone pour Amour et Néant, estimés entre 18 000 et 24 000), la présence palpable du travail d'un écrivain et de l'amitié qui le liait à son éditeur était renforcée par la silhouette discrète au fond de la salle de son héritière spirituelle, l'écrivain Marie Nimier.


Michèle Champenois

Charme andalou, depuis Almería (Espagne)

Étonnant symbole andalou : le fameux Indalo, peint par un artisan, comme pour dire, avec Federico García Lorca : "pourrais-je jamais / m'accorder à l'envol spirituel des oiseaux..."

BLOG ALMERIA.jpg

ou encore, en citant cette fois Henri Michaux : "Qui ne fait mieux que sa vie ?", histoire de ne pas en rester . Les jeux ne sont pas faits.
... Anecdote à propos de Michaux, rapportée par Pierre Soulages : "Une des dernières rencontres, c'était à Sète. Michaux venait m'y voir pour la première fois. Le portail du jardin à peine ouvert, il s'arrêta. Le regard aigu et mobile parcourait ce lieu de galets où, devant l'horizon marin, à flanc de colline, pousse une flore de plantes grises et blanches. Après un silence, sans transition et sans désigner quoi que ce soit, il me dit : "Vous avez raison, c'est comme cela qu'elles sont le plus dans leur mystère."

10:40 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

15/05/2021

"Fin du labyrinthe", de Salvador Espriu, traduit du catalan par François-Michel Durazzo, L'Etoile des limites/Editions du Noroît, novembre 2020, 80 pages

En si lente douleur la lumière
de ces très hauts palais devient un rêve obscur. 
Et le temps en inonde le souvenir, fleur flétrie
entre les doigts âpres de pluie de mon hiver extrême.
Je garde toute la nuit les yeux ouverts, je sens le cœur
immense de la terre, la respiration
maternelle du limon, qui couve le blé à venir.
Demain viendront des heures tranquilles,
de vastes ailes d'oiseaux répandront
sur la campagne la profonde quiétude de l'été.
Il y aura peut-être bien des arbres pieux
aux ombres déployées sur d'arides chemins.
Mais moi, qui connaissais le chant secret de l'eau
les louanges du feu, de la glèbe et du vent,
je suis au fond de l'obscure prison,
j'ai descendu les marches de pierre
de son enceinte close aux parois lisses
et seul j'avance vers l'effroi du long cri
qui sous les voûtes disait mon nom.


Salvador Espriu