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17/07/2021

Calors Nejar, traduit par Raymond Farina dans le numéro 68 de "Diérèse" - II

          QUALIFICAÇAO

           Não venham com razóes
           e palavras estreitas.

           O que sou sustenta
           o que não sou.

           Por mas grave a doença
           a dor já me curou.

           E levo no bordão,
           o campo, a cerca,
           as pasadas que vão,
           o rosto que acerca
           na rudeza do chão.

           O que sou
           é dar socos
           contra facas quotidianas.
           E é pouco.

 

          QUALIFICATION

           Ne venez pas avec des raisons
           et des mots étroits.

           Ce que je suis soutient
           Ce que je ne suis pas.

           Pour une maladie plus grave,
           La douleur m’a déjà guéri.

           J’emporte dans mon refrain
           le champ, l’enclos,
           les pas qui vont,
           le visage qui se cherche
           dans la dureté de la terre.

           Ce que je suis  :
           quelqu’un donnant des coups de poing
           contre les faces quotidiennes.
           Et c’est bien peu.


traduction de Raymond Farina

16/07/2021

"Journal tunisien"

Pour apporter mon soutien moral aux amis que j'ai laissés en Tunisie, qui ont accompagné à peu prés toute ma scolarité, avant mes études de Droit à Saint-Maur-des Fossés - eu égard à un pays si durement touché par le Covid 19, ces pages de mon "Journal tunisien", inédites :

A Tabarka, au pied d'un phare, une grotte à moitié immergée, où se réfugient les phoques. Entre autres plongeurs, dans la nuit de l'Esprit, nous y découvrons des mérous, des étoiles de mer, des holothuries, des girelles et des castagnoles noires dont les yeux phosphorescents semblent des gemmes. L'on dirait une admirable tonnelle, prémices du premier feu, qui devait illuminer la terre, en majesté. Et j'adore cette image, et j'adore l'or et la douceur absolue de ceux-ci qui me regardent, dans une prairie sous-marine où me cacher de ce monde délétère.

Une forêt de caroubiers, introduits dans le bassin méditerranéen, pour y être cultivés. De dix à douze mètres de haut, sur des sols calcaires, secs et pierreux. Leur troncs sont épais, dans leur partie basale : jusqu'à deux mètres de circonférence. Leurs fruits, les caroubes, sont des gousses de dix à vingt centimètres, d'abord vertes puis brun-noir à maturité, comestibles.

Le filet ininterrompu des jardins dont les cyprès, les orangers, les palmiers, les daturas géants, les bougainvillées, ont abrité Gide m'aident à apprendre l'étendue, sa gloire, devant l'ombre grise de mes doigts, rien qu'ombre, saisie entre les marbres et les mosaïques à la gloire de Poséidon.

Oracles donnés là dans la Rome antique, dont ces lieux empreints d'histoire continuent de témoigner, une voix soudain s'élève. D'où surgie ? Tandis qu'un fennec apeuré court sur les dalles du forum.

Des jarres où l'on stocke l'huile et le grain. Des gourbis de pierres sèches ou de briques crues, avec comme enclos des branches de jujubier. Le décor s'ouvre en éventail. A fleur de terre : une cuve baptismale.

Face au mausolée d'un marabout, proche du puits de tes pensées, tu te recueilles : on y égorgeait au printemps une vache noire, que l'on suspendait ensuite à un olivier. On la coupait en quatre quartiers que l'on débitait en soixante tas de douze morceaux chacun. Les soixante familles qui composent l'actuelle Dougga en recevaient chacune une part.

Des oliviers centenaires dont les troncs, les années passant, se sont ouverts. Leur cime sert de perchoirs aux tourterelles et aux ramiers. Folie que de se défier de la flamme qui t'habille. Aussi le temps que tu parcours, souverain, ignore-t-il le temps des horloges. Ce ne sont qu'arbres qui frémissent, que routes cahotantes qui bougent, couvertes de légendes dans l'eau pure du matin.

Trompettes abaissées, écloses dans le souffle, bu par les yeux d'ocre et de nacre d'un pur imaginaire, que le langage traduit à sa façon, imparfaite toujours.

Le destin lui, ne s'écrit qu'en marge de nos vies, s'il accompagne dans leur course hasardeuse les stratus, il réfléchit et diffracte de même les ornements de femmes conversant, nonchalantes, sous un ciel imperceptiblement mobile.

A la rose des vents cette soif des hauteurs, à la mesure du vertige originel.


Daniel Martinez

11:42 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

15/07/2021

Carlos Nejar, traduit par Raymond Farina dans le numéro 68 de "Diérèse" - I

Incontestablement, une des grandes voix de la poésie brésilienne contemporaine. Raymond Farina a traduit - à l'occasion de la sortie du numéro 68 de la revue (aujourd'hui épuisé) - trois poèmes de Carlos Nejar, je vous donnerai lecture des deux premiers, sur le blog, ces jours-ci. Pour votre gouverne, sachez dès à présent que ce poète sera présent dans le prochain Diérèse, le n° 82. L'occasion pour moi, de faire aussi un signe à deux amis doctorants brésiliens, Leticia et Miguel, à qui je souhaite de belles vacances dans le Val-de-Marne.
Amitiés partagées, Daniel Martinez


          LUNALVA

           Se quiserem saber quem sou
      Não sei quem sou
           Só sei que em mím
           A sombra e a luz
           São vultos
           Que se buscam e se amam
           Loucamente 

           Se quiserem saber do meu destino
      Não sei do meu destino
      Não sei do meu nome
           Só sei daquela sede
           Immensa sede
           Que ainda não foi saciada

           Se quiserem saber donde venho
       Não sei donde venho
           Talvez venha do vento
           Do deserto
           Do mar
           Ou do fundo das madrugadas

           Não
           Não me amem tão depressa
           “não me compreendam tão depressa”
           Não me juiguem tão fácil
           Por favor
           Não me juiguem tão mesquinho
           Tão cotidiano 

           O pão que trago comigo
           Não é pão
           É fogo

           O vino que trago comigo
           Não é vino
           É sangue
           E eu vos afirmo
           Todos hão de beber
           Do Fogo e do sangue


         LUNALVA

           Si vous voulez savoir qui je suis
      Je ne sais pas qui je suis
           Je sais seulement qu’en moi
           L’ombre et la lumière
           Sont des visages
           Qui follement 
           Se cherchent et s’aiment

           Si vous voulez savoir mon destin
      Je ne sais rien de mon destin
      Je ne sais rien de mon nom
           Je sais la soif
           La soif immense
           Qui jamais ne fut apaisée

           Si vous voulez savoir d’où je viens
      je ne sais pas d’où je viens
           Il se peut que je vienne du vent
           Du désert
           De la mer
           Ou du fond de l’aube

           Non
           Ne vous empressez pas de m’aimer
           « Ne vous empressez pas de me comprendre »
           Ne me jugez pas trop facile
           S’il vous plaît
           Ne me jugez pas trop mesquin
           Trop quelconque

           Le pain que j’apporte avec moi
      N’est pas du pain
           C’est du feu

           Le vin que j’apporte avec moi
      N’est pas du vin
           C’est du sang
           Et moi je vous dis
      Tout le monde va boire
           Du feu et du sang


traduction de Raymond Farina