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11/12/2020

La tour de William Thomas Beckford (1760-1844), à Bath (Angleterre)

Connaissez-vous "la tour du Savoir et du Rêve" ou Lansdown Tower, dont la construction fut achevée en 1827, bâtie sur les hauteurs de la ville d'eau anglaise de Bath, en bordure d'un cimetière victorien ? Elle appartenait à l'extraordinaire collectionneur, romancier et critique que fut William Thomas Beckford qui écrivit en 1782, en français je vous prie : Vathek, conte arabe (réédité chez Libretto, sept. 2017, 130 pages). Dans son fertile imaginaire, William B. dédiait Lansdown Tower à un calife désireux de pénétrer les secrets du Ciel, mais elle fut aussi construite pour lui servir de mausolée, le moment venu... Au vrai, une simple tombe en granit rose, érigée sur un tertre dans le petit cimetière voisin, protège le repos de celui qui voulut, comme le fameux calife, être enterré dans le ciel.

Pour le collectionneur (qui avait acquis et entreposé là des œuvres de Raphaël et de Titien, des Rembrandt et des Vélasquez, des meubles de Boulle et de Riesener, des pièces d'orfèvrerie baroque, des objets orientaux ou médiévaux que se partagent à présent les plus grands musées du monde ; sans compter une bibliothèque composée de milliers de volumes) ce n'était qu'un lieu où vivre l'écart absolu. Un escalier de 156 marches en spirale mène au belvédère pour admirer une campagne vallonnée que Beckford jugeait "le plus beau paysage d'Europe".

Deux kilomètres plus bas, sur Lansdown Crescent, l'une des places en demi-lune de Bath, se trouvait la maison de ville de William Thomas Beckford. Il acquit peu à peu toutes les terres s'étendant entre ses deux résidences, y aménageant une série de jardins dans lesquels il fit planter, dit-on, 200 000 arbres.
Stéphane Mallarmé écrira plus tard, dans sa préface à la réédition de Vathek : "L'histoire du calife Vathek commence au faîte d'une tour d'où se lit le firmament, pour finir en bas dans un souterrain enchanté ; tout le laps de tableaux graves ou riants et de prodiges séparent ces deux extrêmes". 

20/10/2020

"Géant des profondeurs", Angel Guerra et Michel Segonzac, éditions Quae, 144 pages, 18/11/2014, 20 €

A propos du calmar géant

Le calmar géant fait partie des derniers mystères de la planète. Michel Segonzac, l'un des deux auteurs de Géant des profondeurs, attaché honoraire au Muséum national d'histoire naturelle, s'est entretenu sur le sujet avec Audrey Chauvet mercredi 11 mars 2015, lors d'une conférence à l'Institut océanographique, à Paris :

Pourquoi les scientifiques s'intéressent-ils au calmar géant ?

"C'est le plus grand invertébré de la planète, et aussi le moins connu. Les Japonais ont réussi à le filmer pour la première fois dans son milieu naturel en 2012. On le connaissait depuis l'Antiquité, il y avait des mythes autour de cet animal, mais il a fallu attendre le milieu du XIXe siècle pour être sûr qu'il était réel.

Que reste-t-il à découvrir sur lui ?

Son comportement, sa physiologie, quelles sont ses proies et ses prédateurs, comment il se reproduit, comment il vit dans des milieux obscurs... C'est un animal sur lequel on sait encore très peu de choses, même si a priori c'est l'animal qui a le plus gros œil, avec 25 cm de diamètre, soit la taille d'un ballon de football. Son bec énorme lui permet de déchiqueter ses proies.

Pourrait-il y avoir d'autres grands animaux inconnus dans les profondeurs des océans ?

Les espèces de grande taille en général ne nous échappent pas, mais quand on voit l'étendue des grands fonds et le peu qu'on a exploré, on n'est pas à l'abri de surprises. Il pourrait exister un animal de légende, un poulpe gigantesque de plusieurs dizaines de mètres.
Pour les animaux de petite taille, on est sûr qu'on peut encore trouver des espèces nouvelles. On estime aujourd'hui qu'on a identifié 260 000 espèces marines et qu'il en resterait 1 500 000 à découvrir."


Michel Segonzac

Au fil de ces pensées, qui pour moi touchent à l'onirique, cette phrase de Thomas de Quincey me revient, sans crier gare :

"L'organe du rêve, conjointement au cœur, à l'œil et à l'oreille, compose le magnifique appareil qui force l'infini à rentrer dans les chambres du cerveau humain." Il me plaît d'imaginer que le rêve vigile se cultive, s'entretient comme un domaine réservé où l'on entre paré de ses chimères. Et que l'aura qui l'enveloppe le protège des incursions d'un réel trop pesant. Fuite, m'objectera-t-on, quand il ne s'agit que de se recomposer, sans se perdre pour autant ; mais encore de refuser de se dissoudre dans le monde. DM

06/07/2020

L'expression "Retourner le ciel et la terre", par Ji Yuan

L'expression "Retourner le ciel et la terre" apparut la première fois dans le poème Dix-huit chansons à la flûte nomade, écrit par Liu Shang durant la dynastie Tang (618-907).

Liu Shang excellait en poésie et en peinture. Il aimait boire et était souvent déprimé. Il buvait sous le clair de lune et sa poésie fut toujours le reflet de ses sentiments les plus intimes. Il peignait des oiseaux, des poissons, des insectes et des paysages. Il vécut de nombreuses années dans la solitude puis un jour disparut. Personne n'a su ce qu'il était devenu.

Le poème Dix-huit chansons à la flûte nomade parle de Cai Wenji, une célèbre poète et musicienne de la dynastie des Han orientaux (25-220). Cai fut capturée puis emprisonnée dans les terres du Nord par les nomades Xiongnu (peuple nomade du Nord de la Chine) qui avaient envahi la capitale de la Chine de 194 à 195. Durant sa captivité, Cai Wenji fut mariée à l'un des princes et lui donna deux fils. Cai resta prisonnière des Xiognu pendant 12 ans jusqu'à ce que le seigneur de guerre Cao Cao (155-220, il est celui qui établit les fondations de ce qui devint plus tard le royaume de Wei) paie une lourde rançon pour la faire ramener en Chine. Cai fut relâchée et retourna dans son pays natal, mais elle laissa ses deux enfants en territoire Xiognu...

Dans son poème, Liu Shang écrit dans la sixième chanson : 
"Par le fait d'un printemps bien court,
on ne trouve ni fleur ni saule sur les terres nomades.
Qui remarque quand le ciel et la terre se retournent ?
On cherche maintenant l'étoile du Nord en faisant face au Sud.
Quand on suit tous les ordres que l'on reçoit,
les mouvements de mains passent mieux que les mots".
Par la suite, l'expression poétique "retourner le ciel et la terre" (tiān fān dì fù), synonyme d'un changement profond dans l'ordre des choses, passa dans le langage courant.


Ji Yuan