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26/05/2016

Diérèse 68 - en préparation : Constantin Kaïtéris

Dans ma bibliothèque, il y a un livre : Eclats différés du temps, signé par Constantin Kaïtéris et illustré par Christos Santamouris, que j'emporterais bien sur une île déserte, édité par Voix d'encre le 20 septembre 2006. A lire ou/et à relire "sous la loupe de l'enfance"... Mais voici, près de dix ans après la sortie dudit livre, un extrait de ce que vous pourrez lire dans le futur Diérèse :


Le Polylogue dispersé

II

Sa sortie radicale, ce crénom proféré

Sur le mur nu le feu mit son sceau de nuit noire

Une poignée de lecteurs ou plutôt de lectrices

Des années de route pour buter sur la mer grise

Recul social que leurs institutions bénissent.

Venez-vous m’enlever, moi qui criait famine

Adossé au sol froid sous le vide sans lune

Du silex millénaire l’étincelle aujourd’hui

Au hasard insomniaque Paris n’a plus de ventre.

La monnaie qui s’écoule et le sang qui se fige

Trente-et-un mars mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf

Et toi qui posais nue dans l’éternelle nuit

 

 

Rue Monge un matin elle mêla songe et mensonge.

L’avenir à genoux sous la dent du renard

Que perce dans cette langue une tout autre syntaxe

Face à la caméra, leurs larmes, leur colère,

Juste un soutien caché, le fer dans le béton

Manque le cliquetis des machines à écrire

Que les moins de vingt ans, maladroits et honteux,

Poète au port, chez lui la mer n’y est jamais.

Sous Zeus hospitalier matraquer les migrants.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


                                                            Constantin Kaïtéris

Diérèse 68 - en préparation : Hélène Mohone

Est-il besoin de présenter Hélène Mohone, dont Diérèse publiera un conte inédit, dont voici les premières lignes, plus bas ? Une question embarrassante pour les éditeurs qui, de son vivant, ont refusé en choeur ses manuscrits... Dans le domaine, permettez-moi, je ne crois pas au hasard : il y a bien une logique interne à l'injustice.

 

La cérémonie


1


La prière à Saint François




Tout change un jour de printemps. Tout y est à rebours. De l’habile marchandage de sexe à l’estocade définitive, au centre de la femme qui va nu-tête dans le soleil pour la grande messe de Notre-Dame du Perpétuel Secours.
Ils n’iront pas danser. Ne reste que le silence familier de la peur… Ou serait-ce la tristesse ?
Pour l’heure, de la femme, il n’est pas question. Il est question de Saint François et de sa grande bienveillance aux animaux. La femme est couchée plus loin, dans l’attente d’un passage qu’ils fixent sans rien dire.

Ce n’est pas la lumière ternie du crépuscule qui parle mieux de ce qui a disparu. La perte vient répondre à l’odeur qui appelle, qui veut dire quelque chose de sauvage et de tendre à la fois. Contre le mur de pierre de la cuisine, dans le chuchotement des voix mêlées, l’odeur a saisi les objets, la nourriture, ses vêtements, sa bouche et ce qui s’y passe. Ses mots ont l’odeur aussi. Alors il se tait. Il éteint et il allume la veilleuse près de lui, juste pour voir son visage paraître et disparaître, et reconnaître, imperceptiblement ce qui, familièrement, le compose de près : son nez, ses yeux et ses lèvres. Apparus et disparus, son nez, ses yeux et ses lèvres et l’odeur carnivore d’un sang noir sur le sable. Les bruits de la foule et ce combat terrible sur la place...


                                                                          Hélène Mohone

Diérèse 68 - en préparation : Jean Chatard

En confidence je dirai que le matin suffit au bleu
mais n'allez pas user de douces représailles
pour inventer l'oubli qui nous porte au bonheur

 

Laissez mon aile fatiguée éventer le passant
puisque la nuit déjà compare nos poussiers
et que l'ombre descend
sur les blondes palombes louées par la pâleur

 

J'attends l'orage désormais je cloue l'étang
au môle inquiet

 

Le chemin des saveurs que la fatigue ploie
trace dans l'aujourd'hui
de singuliers accents

 

et c'est peu dire que le regard fait loi
au port des habitudes aux
portes de l'instant

 

Si donc vous louvoyez aux marches de l'exil
laissez un peu l'hiver colorer le frisson

 

avant d'ouvrir le ban
une dernière fois


                                     Jean Chatard