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30/04/2021

Le numéro 79 de "Diérèse" commenté par Christian Degoutte, in "Verso" opus 184, mars 2021

VOYAGES, c'est comme ça que j'aurais soustitulé le n° 79 de DIÉRÈSE, me disais-je. C'est que Daniel Martinez est comme notre Alain Wexler, il donne un titre à chaque numéro de sa revue. Donc ce n° 79 c'est POINTS D'ESCALE : bah, j'étais encore dans le transport quand les poètes étaient déjà rendus. Emmanuel Merle est en Grèce "Éclairés par une bougie posée derrière eux / les pots en verre brasillent leur confiture / leurs olives et leur miel / lampions échappés pour la nuit de la baie électrifiée / tout en bas." Égée lui parle "ce pays cette langue où le duel / n'est pas un combat mais une alliance". Paul Cabanel lui répond "La mer s'est posée sur la langue d'Homère / vol d'oiseaux prenant la pose / tel un bouquet d'ombelles...". Alain Duault est "Pierre Loti / Remontant le Mékong vers Phnom Penh et Angkor / Dans la douceur émolliente bleue d'un air immobile / Je suis loin de moi... / J'invente l'éternité". Frédéric Chef est à Hambourg, à Stockholm, à Naples, à Pompéi "parmi les foules des survivants touristes / et autres voyeurs au creux du soleil cru / il est des jours où se voir vivre est triste". Daniel Martinez donne un JOURNAL INDIEN "Le frigo du pauvre : jarres, cruches de couleur ocre ou grise et plus ou moins pansues, où l'eau reste fraîche. Plus loin, avec toute l'attention requise : transportés à bicyclette, des bidons de lait, percussions légères." Béatrice Marchal fait cet autre sorte de voyage : "Croire qu'au fond du malheur, il est une autre porte / entr'ouverte dans le silence / derrière il y a des mots aux vertus / de clair de lune". C'est ce même voyage qui interroge Max Alhau "Sait-on quand se termine le voyage ? / les paysages dévoyés / les pas effacés par la pluie... / ... même après nous, abandonnés en cours de route / l'oubli nous est restitué." Louise Moaty avec des extraits de À la métamorphose publié depuis dans "Polder/Décharge". Pour Vincent Courtois, le voyage c'est "Se dégager des formes / Retrouver le seuil / Ce qui passe / Ce qui dépasse / Le roi sans sujet / L'aventure / De soi-même". Lionel-Édouard Martin est au pays de ceux qui sont partis "Marbre & granit de la mort proche / on marche l’œil aux épitaphes / déchiffre les défunts, le gravier crisse...". Il y a enfin ceux dont le nom seul est déjà un voyage : Fritz Deppert de Darmstadt (traduction de Joël Vincent), Xu Zhimo (traduction de Guomei Chen). Dans ce même numéro : Gérard Le Gouic, Isabelle Lévesque "pour les chevaliers / qui rattrapent le temps / - l'enjambée", Alexis Bardini (publié depuis chez Gallimard), Sophie Grenaud, Muriel Carminati... et Daniel Martinez qui écrit dans son édito "Ne nous méprenons pas : il n'existe pas de simple rapport de sujet à objet entre l'auteur et l'écrit. Le scripteur entre dans le corps du texte, fusionne avec lui...". + des études des œuvres de Béatrice Marchal, Jean-Paul Bota, Armand Robin... + de nombreuses notes de lecture...


Christian Degoutte

DIÉRÈSE 79 : 15 €, 320 p., Daniel Martinez, 8 avenue Hoche, 77330 Ozoir-la-Ferrière. http://diereseetlesdeux-siciles.hautetfort.com

07/11/2020

L'éditorial du numéro 79 de "Diérèse" : Daniel Martinez

Notes et contre-notes

Dans la succession des éclipses et des réapparitions du sens qui président à l’écriture, le poète est d’abord un scribe ; et le style qui lui est propre rejoint la perpétuelle métamorphose qu’il célèbre, de la manière. Où les mots, à la fois part du poème et porteurs de l’univers spirituel saisi comme voix de la vie jouent librement d’une petite musique intérieure et se donnent aux franges d’une approche plus vaste. Espoir et détresse tour à tour peuvent s’y lire, comme les constituantes principales de nos existences, parfois bien loin du "bel aujourd’hui" que Mallarmé appelait de ses vœux ; malmené qu’il est dans ses dérivés sociétaux, en particulier dans l’altération à grande échelle de la notion de nature – avec effet retour, inévitable... Par parenthèse, lorsque Gao Xingjian m’a dédicacé « Esprit errant pensée méditative » (éditions Caractères), il a simplement noté en page de garde, sans formule de politesse et dans sa langue mère : "Gardez bien ce livre" : conçu de la sorte un peu comme un être vivant, à sauvegarder.

… Non transparente aux refrains productivistes de notre temps, la langue poétique ne saurait pour autant concrétiser l’espérance d’une universalité abstraite ou accomplie, mais se donne comme la rupture d’un dire, réfractaire au déjà-dit. Plurielle, elle s’offre à qui veut l’entendre pour ce qu’elle est d’abord, tension d’être, irrésistible, hors la butée de l’insignifiant. Pour approcher enfin, s’il se peut, une dimension perdue de la voix.

Yves Bonnefoy, était lui en quête d’un "arrière-pays", rythmé par "les mêmes horizons qu’ici, les mêmes seuils et les mêmes hommes, au mieux quelque variante sans grand relief au sein d’un unique réel". À la différence d’un Rimbaud, plus porté vers un "avant-pays", lié à une dimension de la perception qui n’est ni neutre ni neutralisée, et qui garderait en elle quelque chose du sentir. Sachant que l’appétit vient en voyant et que la peau des choses, touchée par l’œil, semble frémir alors. In fine, qui embrasse qui, de l’aube ou du poète ?

L’écriture advient dans l’espace défini par le sens qui s’épanche entre la vie et le travail de l’œuvre proprement dit, entre la réalité porteuse qui marque la boucle originaire, le nœud fondamental et la forêt (selva oscura) qui noue fil à fil la conscience du tout et le mythe de chacun. En même temps que l’auteur advient comme sujet dans le monde, l’écriture est manière pour lui de faire la lumière sur sa vie. Dans une expression qui touche aussi bien au pré-verbal et au non-verbal qu’au verbal, en reculant jusqu’aux domaines privés de parole et de conscience pour les restituer au verbe.
Ici et maintenant où tout se joue, dans un mode nouveau d’être et de percevoir marquant son avancée :

      "La fenêtre s’ouvre comme une orange
      Le beau fruit de la lumière"
      (Calligrammes, Guillaume Apollinaire),

l’écriture dessine ce moment particulier où l’auteur se mêle à une histoire qui n’est plus seulement la sienne, et puise dans ce grand "réservoir" en fin de chaîne impersonnel qu’est la littérature, pour se mettre à l’œuvre.

Si les langues de la poésie ne devraient en aucun cas nous cloisonner (Paul Celan définissait le poème comme "une poignée de main"), on remarque dans la poésie contemporaine une fuite plus ou moins prononcée du subjectif (du lyrisme en particulier, accusé de réduire la sphère poétique à l’ego de l’auteur). Pour couper court à ce reproche un peu facile, mais qui a fait florès, Jude Stéphan remarque : "On ne peut échapper à la subjectivité – il y a quand même un sujet qui écrit – sauf à quitter réellement la poésie, comme l’a fait Rimbaud."

Ne nous méprenons pas : il n’existe pas de simple rapport de sujet à objet entre l’auteur et l’écrit. Le scripteur entre dans le corps du texte, fusionne avec lui. Le poème est d’abord une entrée dans le regard, une manière de réconciliation entre le monde des apparences et celui que l’auteur porte en lui, réanimé. Portée par ce désir de reconstruction, la création littéraire revient à rythmer le temps qui n’est pas celui de l’immédiat quotidien : elle continue certes d’en être redevable, mais en dérange l’ordre premier. Sachant que la mise à mots de la réalité dans le poème est liée à la mémoire de tout ce qui pourrait s’effacer comme à la projection de tout ce qui pourrait recommencer.

Daniel Martinez

24/09/2020

Mon second chantier estival : Diérèse 79, 320 pages, 15 €

Bonjour à toutes et à tous,

Comme vous l'avez compris, je n'ai pas chômé cet été. Cette saison est pour moi d'ailleurs l'occasion de retrouver mes marques, n'appréciant guère les mouvements de foule ordonnés vers la grande bleue, en particulier (et pour solde de tout compte). Chacun l'entend librement à sa manière bien sûr ; mais disons que dans le domaine, j'ai déjà donné...

Revenons à la revue, à Diérèse précisément : ce numéro 79 est essentiellement consacré à la poésie, comme vous pourrez en juger à sa sortie. Pour vous en avoir déjà touché un mot, je ne reviendrai pas sur la poésie internationale, partagée entre la langue américaine, chinoise, allemande, avec comme traducteurs, respectivement Jean-François Sené, Guomei Chen et Joël Vincent, ce pour les 50 premières pages.

Viennent ensuite les poètes "de chez nous", avec 3 Cahiers : en bref, et sans vouloir prétendre à la moindre exhaustivité, Lionel-Edouard Martin rend hommage à son père, décédé l'an passé, Alain Duault dérive sur la rivière des neuf dragons, Paul Cabanel contemple un "Bouquet de presqu'îles / Coiffé de vents et de légendes", Pierre Dhainaut souligne à juste raison qu'"Il y a forcément plus que des mots / à travers un poème et plus que nous", Emmanuel Merle voit dans "La promesse et le nostalgie / les deux faces d'une même pièce". Poème, quand tu nous tiens...

Suivent deux récits, l'un de Bernard Pignero, l'autre de Daniel Abel. Puis les "pleins feux" sur trois auteurs : Jean-Paul Bota, Béatrice Marchal et Armand Robin.
Dans le quatorzième "Tombeau des poètes", Étienne Ruhaud s'attache à décrire ce que fut la vie de Jean Gaudry (1933-1991).

Les "Bonnes feuilles" comptent 49 pages de critiques, sur lesquelles je reviendrai un autre jour.

Pour l'heure, voici la première (Pacôme Yerma) et la quatrième de couverture (Corina Sbaffo).
Merci à vous tous, qui permettez à ce numéro 79 d'être ce qu'il est, en ses plus beaux atours !

Belle journée et à bientôt. Amitiés partagées, Daniel Martinez

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