21/12/2018
Alain Fabre-Catalan nous accompagnera in Diérèse 75
LES NOMS SONT DES OMBRES
« Qui est seul avec la lampe
pour y lire, n’a que sa main. »
Paul Celan
J’ANIME TA VOIX
aux frontières du fleuve,
déluge de sable –
te voici poussière d'or,
lèvres voilées quand toi-même tu veilles
dans la double nuit,
brèche flottante de l'exil
parmi les signes rassemblés.
Ton visage roule au fond des rêves,
nudité soudaine entre les rives
ton cri se fait souche,
trouée de ronces sauvages –
l’épine noire est sur tes lèvres à fleur d'eau.
La pente des paroles est grande ouverte
sur le seuil – il y eut la longue veille,
le souffle coupé tissant le jour dans nos mémoires,
après que le vent eut chassé les rides sur l’eau…
Alain Fabre-Catalan
07:03 Publié dans Diérèse 75 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2018
Daniel Martinez aura plaisir à être des vôtres in Diérèse 75
Il est un temps où la respiration du présent
se fait plus douce dans l’écume du sable blanc
j’écoute se défaire les minutes
à choisir entre les infinies nuances
des choses de peu
une simple résonance au visage d’éternité
peau contre peau sous le fin roseau des veines
agité par tes mains naissent des préludes de Bach
Mais si je ne touche rien qui ne soit parti
c’est par défaut d’attention sans doute
et l’esprit de l’eau qui se donne
sans autre mémoire
que la conjonction de milliards de neurones
apprêtés à disparaître
sous l'immense voûte à ciel ouvert
dans un acquiescement aux raisons de l’automne
Dessus les portes vieilles traversées de rumeurs
de feuilles rousses d’insectes bleus et d’améthyste
écoute-les entre les mains de l’arbre
prendre à témoin la terre accablée
de questions sans réponses
toujours les femmes et les hommes
se mentent à eux-mêmes
le froid les prend alors qui brode
tous feux éteints les plus fragiles espoirs
Ils sont notre lot commun
ils sont la flamme d'une veilleuse
la mèche qui dans l’œil de l’huile
effleure les murs apaisés
y gîtent souvenirs enlacés épures rapides
une vie entière occupée d’être
l’Instant sans instant derrière les mots
muets qui nous disent
Daniel Martinez
18:14 Publié dans Diérèse 75 | Lien permanent | Commentaires (0)
Lionel Bourg nous accompagnera in Diérèse 75
Ma phrase en procéderait-elle ?
Myope, bourrelée de repentirs et d’imprécisions, elle creuse et, creusant, forant comme taupe les matériaux de sa grammaire, obéit d’instinct ou par obstination aux méandres de la mémoire, le travail d’écriture – « travaux » serait plus judicieux, le pluriel sied au va-et-vient opiniâtre des aiguilles – n’investirait-il que le tremblement d’un feuillage. On n’écrit pas sans crainte. Sans volupté pourtant. De sorte que l’amoureuse initiation des débuts ne déflore ni la virginité des mots ni la candeur hypnotique d’une facture que l’on étreint toujours pour la première fois.
Explication superficielle, s’agaceront les linguistes. Je ne m’en formaliserai pas. Le temps, ou la durée, la durée qui goutte aux commissures du langage, s’épanchant sous la plaie qu’écrire ne cautérise ni ne panse, le scribe, courbé sur sa tablette, un cahier ou le clavier de son ordinateur, ne supportera plus d’être comme hier le jouet de phobies indécentes. Roi pêcheur sans royaume, gardien moribond du Graal, et des romans, du poème, il hissera dans sa chaloupe un filet où ne brilleront que des ectoplasmes...
Lionel Bourg
03:07 Publié dans Diérèse 75 | Lien permanent | Commentaires (0)