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22/08/2016

Charles Baudelaire et Jeanne Duval

Baudelaire réalisa quatre dessins de sa maîtresse "maudite", Jeanne Duval, dont aucun n'est légendé du nom de celle-ci : exécutés à plusieurs moments de sa vie, ils sont réalistes lorsqu'ils ont été griffés sur le papier du temps qu'elle trouvait grâce à ses yeux, et idéalisés ensuite, du temps de sa décrépitude.

Dans une lettre à Narcisse Ancelle, en date du 30 juin 1845, C. Baudelaire parle d'elle comme "La seule femme que j'aie aimé". Le poète rencontra Jeanne Duval au printemps 1842, et vécut par intermittences pendant près de vingt ans une passion tempétueuse qui évolua en amour charitable quand la belle, vieillie et s'éloignant de lui, fut devenue une "épave" marquée par les infirmités et la misère.

Les Fleurs du mal lui consacrent plusieurs poèmes majeurs, désignés parfois comme formant le "cycle de Jeanne". Ainsi, dans "Je te donne ces vers" :

      "[...] Etre maudit à qui de l'abîme profond
      Jusqu'au plus haut du ciel rien, hors moi, ne répond ;
      - Ô toi qui, comme une ombre à la trace éphémère,
      Foules d'un pied léger et d'un regard serein
      Les stupides mortels qui t'ont jugée amère,
      Statue aux yeux de jais, grand ange au front d'airain !"

Malgré cette place prépondérante, peu de choses sont connues de Jeanne Duval, d'autant moins que la mère de Baudelaire a détruit toutes les lettres de celle-ci après la mort de son fils. Le vrai nom de cette femme reste incertain, Duval, Lemer, Lemaire ou Prosper selon les documents, de même que son origine, probablement Saint-Domingue, et son emploi - il semblerait qu'elle ait tenu des petits rôles au théâtre dans les années 1838-1839. Banville, dans Mes Souvenirs (1882), en donne une description qui en souligne la beauté baudelairienne :

"C'était une fille de couleur, d'une très haute taille, qui portait sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d'une chevelure violemment crespelée, et dont la démarche de reine, pleine d'une grâce farouche, avait quelque chose à la fois de divin et de bestial..."

"J'ai usé et abusé ; je me suis amusé à martyriser, et j'ai été martyrisé à mon tour" (Charles Baudelaire, lettre à sa mère, 11 septembre 1856). La relation de Baudelaire avec Jeanne Duval est exemplaire de son rapport paroxystique à la vie, à la beauté "satanique" qui pour lui la caractérise.

"Dans Les Fleurs du mal, Jeanne est celle qui conduit d'abord, par le rêve et le souvenir, vers les "mondes lointains, absents, presque défunts" d'un paradis parfumé où la nature chaleureuse, la Beauté des corps et de l'Idéal ne seraient qu'un. Mais dans nombre d'autres, au contraire, elle est celle qui réveille de ce rêve, qui fait retomber le poète dans la trivialité du monde, en révèle la nature "abominable", sépare la nature et la vie de l'Idéal et change l'amour de la vie en enfer. A cette tension, pourtant, qui alimente perpétuellement la création poétique chez Baudelaire, on sent bien que s'oppose l'irréductibilité de Jeanne aux images, sa réalité, son humanité" (Jean-Paul Avice et Claude Pinchois, Dictionnaire Baudelaire, Tusson, Du Lérot, 2002, p. 241).

                                                                       Daniel Martinez

16:11 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

19/08/2016

On parle de Diérèse n°67

Jacques Morin, de la revue Décharge, nous fait le plaisir de parler d'Hélène Mohone, dont des inédits continuent d'être publiés dans Diérèse. Voyez le lien :

http://www.dechargelarevue.com/Dierese-no-67.html

Un récit (toujours inédit, il va sans dire) de cette auteure-plasticienne paraîtra in Diérèse opus 68, dont la sortie est prévue en octobre. Je vous en reparlerai plus précisément quand le chantier sera bien avancé, restez attentifs ! Amitiés partagées, Daniel Martinez

16:31 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

18/08/2016

"Baudelaire", de Claude Pinchois et Jean Ziegler, éd. Julliard (1987) opus 1

Charles Baudelaire meurt en 1867 à l'âge de 46 ans. Deux ans plus tard, en 1869, son ami Charles Asselineau publie une première biographie : Charles Baudelaire, sa vie, son oeuvre. Vingt ans après, en 1887, Eugène Crépet, qui avait demandé à Baudelaire de rédiger des notices sur Hugo et Banville pour son anthologie les Poëtes français publie, en introduction aux Oeuvres posthumes, une "étude biographique". Elle sera complétée vingt ans plus tard, en 1906, par le fils de l'auteur, Jacques Crépet. Claude Pinchois et Jean Ziegler, les auteurs de Baudelaire, n'ont pas eu d'autre ambition que de combler les lacunes de la grande biographie Crépet. Ils ont déjà publié ensemble la dernière édition des Oeuvres complètes de Baudelaire dans la Pléiade. Le premier dirige un centre d'études baudelairiennes à l'université Vanderbilt aux Etats-Unis qui "recense environ 50 000 titres".

Leur Baudelaire est plus qu'une somme : c'est un véritable dossier d'instruction. Renseignements généalogiques remontant au Moyen-Age, inventaire du mobilier, état au centime près des dettes du poète : rien n'échappe à ces magistrats infatigables. En 650 pages bourrées de détails, documents et citations, on prend connaissance du dossier le plus complet jamais établi sur le cas Baudelaire.

Charles Baudelaire naît à Paris en 1821. Son père, François Baudelaire, était un prêtre défroqué, fonctionnaire du Sénat et peintre à ses heures. Sa mère, Caroline Dufaÿs, est la fille d'un procureur au Parlement de Paris.

Veuve en 1827, elle épouse en secondes noces le commandant Aupick, un jeune officier qui s'est distingué pendant les campagnes de l'Empire. Charles passe son enfance à Paris. En 1831, on l'inscrit au Collège de Lyon où son beau-père est appelé par le service.

Il restera dans cette "ville noire des fumées de charbon de terre" jusqu'à l'âge de quinze ans. 1836 : retour à Paris de la famille Aupick. Charles entre à Louis-le-Grand où il obtient de nombreux prix et accessits. Il appréhende avec anxiété le terme de ses études : "Plus je vois approcher, dit-il à son frère, le moment de sortir du collège et d'entrer dans la vie, plus je m'effraie ; car alors il faudra travailler sérieusement, et c'est une chose effroyable à penser". Son baccalauréat obtenu, il avoue qu'il "ne se sent de vocation à rien, et qu'il se sent bien des goûts divers qui prennent successivement le dessus". Il s'inscrit en Droit pour rassurer les siens et s'installe dans une pension du Quartier Latin. Il a tôt fait de contracter trois mille francs de dettes "pour soutenir, nourrir, vêtir quelque drôlesse", comme s'exclame son frère outré.


                                                                      Michka Assayas

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