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27/01/2020

Les samis et les rennes : de la nature à l'homme.

Intéressante conversation avec un auteur, versé dans les sciences sociales, ce dimanche 26 janvier. Plus trop jeune à présent, il m'a parlé de ses voyages sous la tente dans le nord de la Finlande, réalisés un demi-siècle après les premiers, de ses photos d'abord prises en 1969 puis, toujours avec la même communauté sami, en 2019. Réunies en un même livre, pour illustrer la vie d'un peuple nomade depuis les origines, christianisé à partir du XIIIe siècle.

Les yeux un peu en amande, à l'asiatique, il m'a parlé de ses retrouvailles, toujours empreintes d'émotion, avec celles et ceux qui ont grandi sur ces terres, et en vivent, bon an mal an. Du froid extrême l'hiver, où la communauté fait bloc. La nourriture : essentiellement du renne, accommodé selon ; rennes que les populations samis accompagnent dans leurs migrations polaires. A l'automne (depuis le mois d'octobre jusqu'au début janvier, hommes et animaux cherchant alors des zones situées plus au sud, donc plus tempérées) ; puis au printemps, où l'inverse se passe.
Pas moins de deux cent cinquante mots désignent cet animal, dont la couleur varie, sans parler des différents âges de la vie, répertoriés de la manière. Quels en sont les prédateurs ?, peu nombreux finalement. Essentiellement l'aigle, mais aussi le loup, sans parler du glouton, qui saigne les rennes avant d'en déchirer la viande, à la mesure de son appétit, vite satisfait.

D'ordinaire, les samis se vêtissent avec la peau des rennes : pour leurs chaussures, les pattes ce ces animaux - dont les sabots évoquent la pelle - feront l'affaire. Leur fourrure, inversée, habillera le haut du corps ; pour la confection de pantalons, cette même fourrure est tannée avec soin, les tendons de l'animal faisant office de fils de couture.
Ceux du troupeau qui seront abattus sont les plus faibles, ou les animaux blessés. Les plus robustes d'entre eux sont ménagés pour tirer les traîneaux pendant les périodes de migrations, avec des relais organisés aux étapes entre les bêtes les plus puissantes donc, pour couvrir d'impressionnantes distances.
A l'automne, la viande (les abats mis à part) est fumée, puis crochetée sous les ciels de tentes. Au printemps, avec les premières vraies chaleurs, les chairs seront séchées, en attendant d'être consommées.  Daniel Martinez

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Dessin à la mine graphite de Pacôme Yerma

06:21 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

26/01/2020

"L'Autre nom de la terre" et "Versants du regards et autres poèmes en prose" d'Eugenio de Andrade (1923-2005)

L'Autre nom de la terre, éd. bilingue, trad. Michel Chandeigne et Nicole Siganos, La Différence, 1990, 10,90 €
Versants du regard et autres poèmes en prose, éd. bilingue, trad. Patrick Quillier, La Différence, 1990, 13,80 €

"L’homme n’est pas toujours un lieu triste / Il y a des nuits où le sourire / des anges / le rend habitable et léger". Ce postulat, extrait de L’Autre nom de la terre, n’est pas l’expression d’une rêverie évanescente. Eugenio De Andrade appartient à cette lignée de poètes solaires enracinés dans la jouissance des éléments. La lumière, l’eau, le vent, la neige ; les pierres, la chaux et le sable s’y retrouvent comme les composants d’un paysage éternel.

Un paysage qui pourrait ressembler à celui dans lequel a baigné l’enfance du poète, dans le sud du Portugal, autour du village de Povoa-de-Atalia où il est né, le 19 janvier 1923. Il y avait là des bergers, "figures devenues presque mythiques". D’un recueil à l’autre, cette poésie est une célébration du désir, du corps dans la gloire de sa jeunesse ; en réaction déclarée contre les pouvoirs qui ont voulu, pendant plus de cinquante ans, dans ce pays, exalter les seules vertus de la patrie et de l’âme. L’enfant et la mère sont encore deux autres figures dominantes. Eugenio De Andrade dit avoir toute sa vie éprouvé une véritable passion pour sa mère qui le berçait de chansons populaires.

"Je n‘aime pas les villes. Ma poésie est rurale, écrite dans une esthétique de la rigueur et de la pauvreté". dit-il. Depuis le début des années 50, Eugenio De Andrade s'était pourtant installé à Porto, ville secrète - "celle qui, au Portugal, a sans doute le plus de caractère". - mais il y vivait hors des habitudes citadines, "parce qu'on y travaille en paix, et qu'il y passe un si beau fleuve, le Douro".

L’éclat de sa poésie a très vite été reconnu, à partir de la publication, en 1949, de As màos e o frutos (Les Mains et les fruits) titre qui évoque un tableau de Gauguin. En France ? C’est Armand Guibert qui a traduit dans la revue "Fontaine", en 1944, quelques poèmes tirés d’Adolescents, un des deux premiers recueils que l’auteur a reniés, les jugeant trop maladroits. Au début des années 80, Michel Chandeigne a découvert à son tour cette poésie d’une réalité épurée et lumineuse, dont il a commencé par présenter un florilège (1). Aujourd’hui traduite en quelque vingt-cinq langues et comptant une vingtaine de recueils, l’œuvre d’Eugenio De Andrade a su imposer une voix singulière qui se reconnaît dans trois grands courants : les chansons médiévales, la Grèce archaïque et la poésie orientale classique.

C’est un rythme, une scansion qui préside à l’élaboration de chaque poème puis un patient travail, vers une forme dépouillée où les images et les mots trouvent "leur plus juste place". "J'aime écrire de façon concrète, la plus simple possible", dit Eugenio De Andrade, qui fut également le traducteur de Lorca. "Parfois, je suis resté des années sans écrire, fatigué de ma propre voix." Mais, s’il a beaucoup déchiré, le poète dit ressentir "le besoin du papier comme on ressent le besoin d'un corps".

Eugenio De Andrade s’est nourri des grands romans d’apprentissage, de Thomas Mann ou des classiques russes. Proust et D.H. Lawrence, mais aussi Umberto Saba, Ungaretti font partie de son univers. Parmi les contemporains qu’il a croisés, seuls Marguerite Yourcenar et J.L. Borges, tous deux curieux des cultures du monde, ont suscité sa fascination. Mais il ne goûte plus la fiction.

A la fin de sa vie, ses lectures se partageaient entre les essais de théorie musicale, les traités de botanique et d’ornithologie, tous ouvrages qui s’attachent à décrire la simple réalité. "Je n'ai que faire des yeux, de la parole. / à présent il me reste la page / vierge encore de l’insupportable / cantilène des grillons."(2).

Valérie Cadet


___________________

(1) Vingt-sept poèmes - Éditions Michel Chandeigne, 1981.
(2) Extrait du recueil Blanc sur Blanc, traduit par Michel Chandeigne, éd. La Différence, 1988.

09:00 Publié dans Critiques | Lien permanent | Commentaires (0)

L'ombre d'un doute

A même ce qui se forme
et se reconnaît         au jugé
les filaments de l'avant-monde
au passage agités
     dans la fresque silencieuse
                               on dirait
qu'il neige des sentiments
comme
j'entends diffus le crissement
des sables        syllabes des formes en dérive
figées dans la mémoire
inscrire sous cette peau diaphane

le si haut vide qui nous guette
au plus tendre équilibre
entre vivre et mourir

                                  
Sous les vastes arcs des sourcils
vienne qui les prennent   
sous leurs ailes         les rythmes et les forces
        au souffle long
une projection de l'être
jusqu'au plaisir lascif des muscles relâchés
avec ce que les mains rapportent
de leur quête

        ces rais de lumière          
qui tôt le matin

percent les fentes des volets clos
        de pensées nouvelles


Daniel Martinez

03:40 Publié dans Moirures | Lien permanent | Commentaires (0)