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14/04/2020

Un poème de Vénus Khoury-Ghata

GHATA BLOG.jpg

Dans les poches de ma mère
                il y a une odeur froide
   et trois cailloux pour casser les vitres de l'été
La robe de ma mère a bu toute la neige de novembre
Les cris des oiseaux morts ont fait des trous dans son ourlet
Elle les chasse de ses bras évanouis
Elle les injurie dans l'absence des mots
   et l'absence des échos
           à l'intérieur de ses murs renversés
                                  
à l'intérieur


                              Vénus Khoury-Ghata

 

Dernière publication : Demande à l'obscurité, éditions Mercure de France, 5 mars 2020

04:18 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

13/04/2020

José Pierre nous parle de l'artiste surréaliste Mimi Parent (1924-2005)

yadwigha rediviva - elle est retrouvée, la dame aux beaux seins qui, nue sur le canapé rouge au cœur de la jungle, prêtait l'oreille à la musique enchanteresse de l'orphée noir ! sans doute son image est-elle restée dans ce musée de new-york, sur la toile fameuse que peignit juste avant sa mort l'humble retraité de plaisance, henri rousseau le magicien. mais yadwigha en personne, celle qui donne au rêve prétexte et nourriture, celle qui apprivoise alentour les merveilles, la voici revenue parmi nous. elle natte parfois ses longs cheveux songeurs mais son regard demeure fixé sur ces choses lointaines qu'elle est seule à entendre tandis que sa main s'avance doucement pour cueillir ou pour caresser... mimi parent - notre yadwigha - règne en maîtresse sur le domaine des lumières rasantes. si heureuse d'entretenir avec l'ombre de coupables rapports, les présences secrètes ne s'y révèlent que par les clartés furtives qui s'accrochent à la saillie d'une griffe, à la nervure d'un regard. aux lueurs d'étain de l'aube ou aux accents cuivrés du crépuscule, entre chien et loup, - entre la lèvre et le baiser - mimi parent déploie d'invisibles antennes. à l'heure où s'engourdissent les sens communs, l'acuité de son regard et de son ouïe n'ignore rien de ce qui, fuyant les duretés du jour, va connaître une intense existence éphémère, la naissance du jour, la tombée de la nuit, moments entre tous favorables aux enchanteurs ! alors se relâchent les mailles de la vigilance obtuse, alors la peur ou la surprise se dressent sur les chemins. alors, du geste simple mais efficace du mage, mimi parent crée autour de deux cerises un fantôme charmant et durable. elle est retrouvée, la dame aux beaux seins qui, nue sur le canapé rouge...


 José Pierre

12/04/2020

"Comme un bruit de source - poèmes", de Xavier Bordes, éd. Gallimard, 18 mars 1998

A Rainer Maria Rilke


Ô plus chères que tous les rêves, Roses de la nuit !
Paupières pures closes, comme, douces, d'une Endormie,
songeait le poète, sur l'invisible qui dans l'air, odorant soliste,
multiplie les harmoniques, éveille la mémoire,
appelle à son destin, solennel, dérisoire, le poème
comme un parfum qui chercherait dans une haleine
de reine amoureuse, en mots, à s'incarner ! Roses
de la nuit, ô plus pénétrantes que les nostalgies,
plus fugaces mais plus obstinées que les écumes nées
des hanches du soleil et de l'éclat du sel ! Pensées
que ne troublent ni les séductions de l'espace, sites
des îles, golfes transparents, montagnes de l’Éclair et
pentes pastorales où le jury des oliviers chaque matin
murmure son verdict au paon de l'horizon, ni les
sortilèges du temps qui vient, passe, revient, repasse,
ainsi que ce mélange de houle et de siècles qui a
donné à tant de pierres... une rondeur d'épaule nue.

 

Xavier Bordes

09:03 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)