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19/07/2020

Au bal masqué !

S'il est vrai que je ne suis pas médecin ni aide-soignant, au milieu du feuillage remuant des êtres et des choses (ou des êtres que chosifie la cause médicale) je dois avouer avoir bien du mal à retrouver mon chemin ! J'en vois ici ou là conduire masqués vitres fermées, des touristes dans le métro buvant un petit coup en ayant relevé leur protection salivaire sur le nez, des badauds déambuler en pleine rue le masque ne couvrant que la bouche, d'autres le portant en mentonnière, d'autres à l'oreille gauche ou droite selon ; et puis les plus inventifs, aux tissus colorés, avec une truffe ébène à la place du nez, des Mickeys, des Schtroumpfs, des Spiderwomen, des Spidermen new generation, des jungles miniatures, etc, en devanture. Pas encore de masques vénitiens, c'est dommage, vraiment. En les adaptant un peu, ils devraient pouvoir faire l'affaire.

Ce lundi, il me faudra travailler masqué, sans climatisation (morituri te salutant !) ; certes je serai loin d'être le seul concerné par la chose, maigre consolation... Tiens, on reparle du paludisme en Afrique. 8 115 personnes tuées par le Covid-19 sur ce continent contre 380 000 Africains victimes en 2018 du paludisme ; boutade, va-t-on leur interdire la chloroquine ?... Du coup, plus personne ne parle plus du professeur Raoult, lui faisant mention du taux de létalité dans la population contaminée ; les gouvernants eux, du taux de mortalité général, beaucoup plus avantageux pour la sphère statisticienne. C'est de bonne guerre.

Tout se mêle, s'interpénètre. Frontière devenue poreuse entre animaux domestiques et sauvages, ceux-ci peu à peu chassés de leurs aires de vie, braconnés, etc, par le plus grand des prédateurs, l'homme. Le serpent se mord la queue. La science pour le moment montre son impuissance. Prévenir au lieu de guérir, on n'y coupe pas. On m'objectera donc que le masque est la meilleure des préventions, exact, une fois que le mal est fait et sachant que le ridicule ne tue pas. C'est déjà ça ! Tout près de moi, une guêpe piégée contre la vitre croit toucher le dehors, baigné d'ombres bleues. De même nous croyons ces temps-ci toucher le dehors ; ce ne sont que des taches étoilées sur le sol, reflets de la nuit passée.

 

Daniel Martinez

10:39 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

18/07/2020

"Carnet du soleil", de Christian Bobin, éditions Lettres Vives, 64 pages, février 2011, 13 €

Quand la photographie n'existait pas, il y avait pour se souvenir des disparus leurs portraits peints - et plus précise encore, la visionnaire douceur de vivre. Une congrégation de violettes dans un sous-bois, le télégramme ensoleillé d'un coucou, la jetée de la pluie contre les vitres : la vie élémentaire éclaire en gloire la vie profonde. Les lointains et les proches, les disparus et ceux qu'on retrouve à table sont si peu séparés qu'ils se frôlent tout le jour dans la chambre de l'invisible. Au sol un carreau manque. Il suffit de le savoir, de faire attention. C'est le carreau de la mort.


Ce poème était si beau qu'arrivé à la fin de ma lecture j'ai eu envie de remercier son auteur. Mais comment remercier un mort ? L'essentiel, personne ne nous l'apprend. Je me suis contenté de lever la tête de la page et de regarder en souriant la fenêtre brûlante de nuit.

 

Christian Bobin

ABEL 2.JPG

Collage de Daniel Abel

17:03 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

16/07/2020

"Hiver", de Jean Grosjean, éditions Gallimard, 9 novembre1964, 32 pages

De ses yeux à la merci d'un soleil précaire, le poète interroge dame Nature, les bouffées lentes des nuages comme "le silence énorme au-dessus". Nul désir pourtant de poétiser chez Jean Grosjean, mais celui d'approcher à pas menus la fine demeure de la langue conçue comme une confidente :

 

Tu te cachais au fond de tes yeux sans regard,
tu te vêtais de verglas et de songeries,
tu fus atteinte à coup sûr aux portes du cœur :
ta hanche de buis s'est défaite des frimas,
tes sillons secouent leur pénombre ruisselante.


L'archer te contemple à présent de son œil glauque.
Écoute comme tremble encor sa corde d'arc
et les heurts mouillés des débâcles au ruisseau.
Qu'au moins le zéphyr te console d'être nue.


Et vous dernières blancheurs, si du bout des doigts
le soleil vous frôle aux naissances des collines,
retirez-vous en pétales parmi les haies
sous la mésange qui laisse égoutter ses notes.

 

Jean Grosjean

03:32 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)