29/07/2020
"Euridyce désormais", Muriel Stuckel, orné d'oeuvres de Pierre-Marie Brisson, éd. Voix d'encre, 136 pages, 20 €
Sonate de l'abîme
Un éclair creuse le ciel
Transperce les nuages
Renversés
Chant improvisé
Mon cri d'envol
S'engloutit
Avec ou sans ombrages
Peu importe
Si par-delà le tremblement
L'infini nous capture
Sonate de l'abîme
Tout juste composée
Qui seule me ravivera
Tes pleurs
Éclats de douleur
Tes pleurs m'arracheront
A l'ombre
Orphée
Muriel Stuckel
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27/07/2020
"Nocturne indien", Antonio Tabucchi traduit par Lise Chapuis, éd. Christian Bourgois, mars 1988, 128 pages
Un livre étonnant vraiment que celui-ci, constitué de rencontres successives du narrateur en terre indienne. D'hôtel en hôtel, et par voies ferrées, ce sont des déambulations à la recherche d'un ami perdu de vue et qu'il ne retrouvera pas. J'ai un faible pour le chapitre IV, en voici un extrait :
"Qu'est-ce que nous faisons dans ces corps ?", dit le monsieur qui se préparait à s'étendre sur le lit à côté du mien.
Sa voix n'avait pas une nuance interrogative, peut-être n'était-ce pas une question, mais seulement une constatation, de toute façon, si c'était une question, je n'aurais pas pu y répondre. La lumière qui venait des quais de la gare était jaune et dessinait sur les murs décrépis son ombre maigre qui se déplaçait dans la pièce avec légèreté, avec prudence et discrétion, comme le font généralement les Indiens. Du lointain nous parvenait une voix lente et monocorde, une prière peut-être, ou bien une plainte solitaire et sans espérance, une de ces plaintes qui n'expriment qu'elles-mêmes, sans rien demander. Il m'était impossible de la déchiffrer. L'Inde, c'était cela aussi : un univers de sons plats, indifférenciés, impossibles à distinguer.
"Peut-être que nous voyageons dedans", dis-je...
L'homme respira profondément. Il était vêtu de blanc, mais il n'était pas musulman, cela, je le compris. "J'ai été en Angleterre", dit-il, "mais je parlais aussi le français, si vous préférez, nous pouvons parler français". Sa voix était totalement neutre, à peu près comme s'il déclarait quelque chose au guichet d'une administration ; et cela, qui sait pourquoi, me troubla. "C'est un jaïn", dit-il au bout de quelques instants, "il pleure sur la méchanceté du monde."
Je dis : "Ah ! bien sûr", parce que j'avais compris qu'il parlait maintenant de la plainte qui nous parvenait de loin.
"A Bombay, il n'y a pas beaucoup de jaïns", dit-il ensuite sur le ton que l'on emploie pour donner des explications à un touriste, "dans le Sud si, beaucoup encore. C'est une religion très belle et très stupide." Il dit cela sans aucun mépris, toujours sur le ton neutre d'une déposition.
"Vous, qu'êtes-vous ?" demandai-je, "je vous prie d'excuser mon indiscrétion."
"Je suis jaïn", dit-il.
L'horloge de la gare sonna minuit. La plainte lointaine cessa brusquement, comme si elle avait attendu que l'horloge donne l'heure. "Un autre jour a commencé", dit l'homme, "à partir de maintenant, c'est un autre jour."
Antonio Tabucchi
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26/07/2020
"Le Retour des tribus", de Gary Snyder, traduit par Jacques François, Christian Bourgois éditeur, 1/4/1972, 230 pages
Sans quitter la maison
Quand Kai est né
J'ai cessé de sortir
Flâner dans la cuisine - faire du pain de maïs
Ne laisser entrer personne.
Calme plat au courrier.
Masa est allongée sur le côté
Non lave et balaie
Assis nous regardons
Masa donner le sein, et buvons du thé vert.
Des turquoises Navajo pendent au-dessus du lit
Une plume de queue de paon à la tête
Une peau de blaireau de Nagano-Ken
En guise de matelas, sous le drap ;
Un pot de yaourt caille
Sous les couvertures, à ses pieds.
Masa, Kai,
Et Non, notre ami
Dans la lumière verte du jardin réfléchie
Sans quitter la maison.
De l'aube jusqu'au soir tard
faisant de nous-mêmes un monde nouveau
autour de cette vie.
Gary Snyder
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