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20/05/2019

"Minimes", de Jean Rousselot aux éditions Les Deux-Siciles, octobre 2003

C'est le tout dernier livre publié de son vivant par Jean Rousselot : "Minimes" (sortes de "Maximes" inversées). L'auteur m'a cédé son manuscrit, rédigé au verso d'ordonnances et de factures de droits d'auteur, insignifiantes à dire vrai, Rousselot en avait... plutôt honte. J'en ferai don, de ce manuscrit pas comme les autres, à une bibliothèque de mon choix, le moment venu.
(A propos, ne vous étonnez pas qu'aucune mention ne figure des deux livres dont je viens de vous parler sur Wikipédia, sauf le portrait réalisé par Pacôme Yerma pour "Trajectoire suivi de Strophes", dessin piraté adjoint à des extraits de son livre "Maille à partir" - et sans mention. A me lire vous commencez à mieux entendre certains "mystères" du monde de l'édition)... Voici donc quelques extraits choisis, d'un livre publié par mes soins à Angers, sur Vergé 120 grammes, 7 mois avant son décès :

J'ai commencé par une erreur : naître dans une famille misérable. Comment cela s'est-il changé en orgueil ?

Parce que feu mon père avait construit son véhicule, le boucher ambulant me donnait parfois une tranche de bavette.

Je ne me suis pas fait moi-même. Je me suis inventé.

J'ai travaillé dix heures en moyenne par jour et n'ai toujours pas un maravédis.

Vous n'avez pas à rendre meilleurs vos semblables. Seulement à tenter de vous perfectionner un peu.

Rien n'est futile dans la nature. On ne saurait en dire autant des hommes.

Vue de plus près, l'histoire est un roman stupide.

Je dépense, donc je suis...

Nous avons l'usufruit du monde entier mais nous ne savons qu'en faire, hormis l'abîmer chaque jour un peu plus.

Pour moi, vivre fut une impardonnable imprudence.

Même les saints font des cauchemars.

Je ne sais pas me cacher quand je pleure.

Ah, si l'on pouvait transiger avec le mépris que la nature nous voue !

Dans toute mort volontaire, il y a du théâtre.

Dans l'être, la pensée ne tient au cerveau que par un fil de la vierge.

On peut faire n'importe quoi avec des mots mais on est incapable de fabriquer une rose.

Un peu comme le Roquefort, les bonnes idées ont besoin de pourrir pour devenir excellentes.

Beaucoup de nos prétendus intellectuels sont des imbéciles. Je crains d'être du nombre.

Je ne me suis vraiment jamais aimé.

Jean Rousselot, in Minimes
éditions Les Deux-Siciles

19/05/2019

Un poème de Jean Rousselot, en mémoire

ROUSSELOT 20.jpg

 

 
   A notre actif                                                                          

 

          Quelques bourgeons en guise de préface
          Et l'on mourra tout son soûl
          Tandis que Dieu (sic) bouchera en douce
          Ses trous de mémoire
          Avec des pelletées d'étoiles


          On aura auparavant
          Changé de place le rhododendron
          Qui s'ennuyait au fond du jardin
          Prêté une âme à quelques amouillantes
          En espérant qu'elles sauraient mugir à temps
          Attendu d'improbables trains
          Au bord des rails envahis par la folle avoine
          Mangé faute de mieux la sorbe des oiseaux
          Surveillé le lait sur le gaz
          Appris le jargon des pierres
          Recollé patiemment les éclats de notre être
          Après chaque chute en son gouffre

 

          Bref on n'aura pas rien fait
          Avant d'être défait.


                             Jean Rousselot

                                            à Daniel Martinez

Les éditions Les Deux-Siciles : Préparatifs à l'édition de "Trajectoire suivi de Strophes" de Jean Rousselot, juillet 2002 (12 €)

Jean Rousselot et moi, nous nous étions rencontrés dans son petit pavillon de plain-pied à L’Étang la ville, dans les Yvelines ; il y vivait le plus simplement du monde. Alimenté en oxygène à domicile, il consentait à quitter son masque pour me parler, et me confier dans la foulée quelques secrets littéraires, qui alimenteront mon Journal (il en est de gratinés). Au dîner de même, point de ses deux impressionnantes bonbonnes ; sa domestique haïtienne nous avait concocté des mets de son choix, mais il ne voulait en aucun cas que je parle avec elle du vaudou, même sur le ton de la plaisanterie. "Grand Dieu, j'ai mis à sa disposition la Bible de Jérusalem", ajoutait-il, pour ne pas qu'elle se méprenne sur la foi, "la vraie".
Me montrant sa bibliothèque, il se lamentait sur les dégâts de sa chienne, avec laquelle il aimait bien se balader en forêt, qui avait dévoré une partie de Locus Solus (de Raymond Roussel) ; et s'amusait, au fil de la conversation, de ces poètes du seizième arrondissement parisien qui le regardaient de haut, sans le remercier même d'un mot pour ses services de presse.

Un article sur Tristan Tzara était en vue pour Diérèse, ainsi qu'un livre de sa plus belle plume à paraître aux Deux-Siciles, qui aurait pour titre : "Trajectoire suivi de Strophes". C'était un auteur très prévenant, qui se mettait à la place du petit éditeur que je suis, non subventionné... il a toujours essayé de trouver la voie la moins onéreuse, ce qui est tout à son honneur. Comme vous le savez pour m'avoir lu, il avait piloté dans sa jeunesse plusieurs revues, dont "Le Dernier carré", où il avait publié des poèmes de Paul Bowles en français (reportez-vous à la catégorie "Jean Rousselot" pour en savoir plus). Se plaignant au passage d'y avoir toujours été de sa poche. Une constante, dirai-je.

jJ ROUSSELOT 1.jpg

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                                                     21. 4. 02

     Cher Daniel Martinez,

     votre lettre me fait plaisir ; j'ai moi-même été heureux de notre rencontre ! Que mon concours puisse vous aider à faire de Diérèse une revue de premier ordre, voilà mon vœu. J'ai complété sérieusement les pages amputées.
     Pour compléter aussi mon texte, j'aimerais qu'on insère ceci, juste avant "mort en 1963" : "A la fin d'octobre 1956, Tzara et moi nous croisons à Budapest, juste le temps de nous dire que la Hongrie, communiste pourtant, file un mauvais coton devant l'U.R.S.S. Les événements allaient le prouver, hélas !"
     Mes remerciements pour la plaquette de Pierre Dhainaut* qui est un poète connu, estimé (et mon ami...). Je l'y retrouve égal à lui-même, aéré, aérien.
     Si j'osais, je vous demanderais pareil traitement : un choix d'inédits par exemple. Combien de pages/textes au maximum ?
     A vous, en amitié

                             Jean Rousselot

   PS : on pourrait faire
   quelques exemplaires de tête,
   chacun assorti d'un
   collage de moi ?

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* Voix d'ensemble, paru aux Deux-Siciles

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