27/06/2015
Loin des cycles
La forme et le mouvement
Les portes du monde se sont ouvertes
et le vent qui danse au-dessus des haies
tisse une autre dimension
Les yeux posent leurs reflets
sur l’échiquier mouvant
où cristallise l’outre monde.
Allons encore entre les mots nous perdre
là où la vie n’a de cesse
mille histoires n’en font qu’une
elles sont flux et reflux dans l’heure jaune
le fuseau de la flamme solaire infiltrée
entre les tuiles de briques
encore un peu dit-elle encore un peu
l’ombre a dédoublé mes mains regarde
et souffle sur le ventre neigeux de l’effraie
* *
L’éloignement intérieur
Ce que la nuit aura laissé dans l’ombre
se délier avec le sommeil des graminées
toutes formes bues
l’infini raboteux la terre rêche
quand la vie lève le rideau
des feux anciens sous la pierre
la tête d’un nuage flambe
tel dessin sous l’ongle glisse
fil ébauché parmi les liens de la matière.
Sous les masques du vent
la carte de l’être
là où tout se réassemble
hors de soi et en soi
le bleu touche à l’originelle cohérence
depuis le halo d’un lavoir
tout cerclé de mercure
de nitrates ferreux.
* *
La langue de verre
Tout semblait déjà s’être perdu
dans les sphères de l’oubli
et là pourtant nous nous sommes retrouvés
comme le paon du jour dérivait vers l’Orient
des rayons violets embrasaient
les mousses du merisier silencieux.
Dans la marge du carnet
j’ai tracé quelques lignes d’or pâle
buées lambeaux de brume
rides des champs environnants
puis les langues jaunes et grises
les fleurs crémeuses et tourbillons
de la rivière aux frissons indécis.
Caillots brindilles cendres des pensées
qui vont et viennent incertaines
de l’un à l’autre se défaire
chair de la langue dont se nourrit le poème
la terre sous les pas
l’emporte loin des cycles.
Daniel Martinez
01:09 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
21/06/2015
Point de césure
POINT DE CESURE
« Monter et descendre, dans les mots même,
c'est la vie du poète."
Gaston Bachelard
1) L'APPARAT DE LA MEMOIRE
La colline s’arrête où le soleil cache le chemin
Les mâts inscrits sur la fenêtre disent l’eau sa rumeur
Un long travelling où l’ocre du mur danse
Dans un tremblement de vie
(la vérité de la pierre ? un éclair une fable)
les eaux basses de bronze et la carte dépliée
Tout est là qui bourdonne
jusqu’aux rambardes de la terrasse
se reforme à mesure
suit l’innombrable déclinaison
de l’univers en quête
loin de la surface là
sous la peau du monde cette impression première
d’ondes passant du bleu au violet pâle
à deux pas des touffes d’œillets sauvages
Tout se réaccomplit se dissout se résorbe
qui pénètre le texte froisse les bourgeons invente la vie
et se présente à moi comme un possible entre mille
dans les mouvements indivis du fond
glissent les mots dans l’inclinaison de la tête
apparaissent disparaissent
et les grains se mélangent
en une palette sonore
que l’oreille encode telle une partition
la tête encore tournée vers celle qui s’éloigne
chevelure longue elle ondule se perd
un peu de brume à cette heure sur les cyprès tisse
des fils souples aux confins du seul horizon
et sous la chape liquide le bruit des vagues
esquisse l’infime rumeur d’un au-delà du temps
* *
2) LA LANGUE DES VENTS
Un été de plus rues flottantes sens en éveil
avec la brusque envolée d’une nuée d’étourneaux
en flèches d’air çà et là
nous retrouver hors-corps
quand sous les deux bouches de la fontaine
glisse le vécu le léger roman que l’on s’en fait
et la tête rêve hors de sa sphère
le cercle des émotions coagule
devinées à la couleur de nos mains
prises dans la faille ou affleure la réponse
Un été de plus un écho en suspens dans la venelle
mais le jour de toutes parts déjà
les méandres de la rivière
portent le reflet des tubes de couleurs
oubliés la veille sur la table
La grande saison des voyelles les blés lourds
le chant qu’ils marquent de leurs manières d’être :
comme jamais la terre s’est avancée sous ses gonds légers
l’évidence aveugle la lettre du désir
dans l’échancrure des collines imaginées
Une basse continue grave des ombres éloignées
ou peut-être ici-là sur le lit bosselé des ans
l’infini comme un fruit à ouvrir réouvrir
D’avoir tourné en elle sa flamme
la bouche mord sa propre chair
le doux acide des yeux
file la mémoire d’un éternel présent
elle délie les pensées de peu
et chante l’arrivée de l’équipage solaire
Chimères propices y foisonnent
la rosée et le miroir
sur la rétine de l’esprit
semé d’étoiles et de questions
la main sans trace va comme les doigts dans leur course
Elle flotte sur la glotte s’accompagne d’espace
elle écoute le cœur roux dans l’ombre tigrée
l’instant pur et parfait de la métamorphose
Daniel Martinez
10:11 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
18/06/2015
Le poème du jour : Marc Baumann
Itinérances
L'humus inaccessible, et les semences léguées à des fleuves archaïques, à des fleuves en allés par des voies qu'ils se donnent
vers ce qu'une hirondelle, ô africaine, appelle le destin,
le coeur irrécusé,
l'hoplite des remords,
le corps de nos chagrins,
des adolescents
dépecés au sortir de leur plus pure nuit,
des enfants tyrannisés par ce que dit la colombe,
et qui rêvent de couteaux,
le réveil des barbaries
en des soubresauts plus que confiants,
la férule
dérisoire au lieu même où s'émancipent des énergies crépusculaires,
l'abdication du désir devant le plus grand nombre,
la saxifrage subreptice,
les grandes migrations
de nos espoirs vers ces matins où l'imaginaire et le possible, plutôt que de s'exclure, s'exaltent en des cités itinérantes,
l'apitoiement de la cognée,
les insoumissions de la terre,
le flamboiement
tardif de nos idées de mort,
le narcotique du hasard, et les fulgurances de l'aléatoire,
l'indifférence des abeilles pour la beauté qui nous tourmente...
Marc Baumann
14:26 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)