23/01/2016
Un poème de Henry Claivaux (1929-2009)
L'auteur de Au risque de vivre (éditions Fleurus, 1973) nous livre ici un poème qui est une réflexion sur l'écriture :
Pointe à écrire
pour le luxe de ce plaisir du tracé
taille de trace
griffure de gel par un atome
un étonnement préservé relancé
de ce moment d'enfance
où l'échange se révèle
de l'écrire au lire et l'inverse
et cet atome à la pointe
danse au bout d'invisibles fils
tendus jusqu'au cerveau
le cerveau est un petit bonhomme
parti, toujours parti, cannes en mains
à la pêche, à la pêche où il y a des trous
pour trouver des écrevisses
déjà cuites et recuites
et qui ne sont pas si mortes
qu'elles ne puissent encore
par leurs longues longues antennes de mortes
réveiller des choses
ou pour prendre en son filet
des boues, des ficelles, des lanternes
ou pour lancer des fils
avec des plombs, et des hameçons
portés par des flotteurs à plumes
et à petits grelots
sur les eaux de Monsieur le Grand Esprit
qui dérive en le sachant
c'est pour cela qu'on écrit des lignes,
pour écouter des télégrammes
à dire à haute voix
et filant sous les yeux.
J'écris par pulsions et coups de freins
retour à la ligne
pour souffler aux blancs
tous les blancs ne sont que des instants
qui voulaient vivre.
Dans la solitude apparaît un moment du dire
où des regards d'invisibles
demandent au conteur
de s'en aller dans toutes sortes d'histoires
et ce n'est pas pour ramener vers les hommes
des barques de miroirs aux alouettes
qui font le bonheur des marchands
et montent les cœurs comme des ressorts
Henry Claivaux
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22/01/2016
Un poème de Pierre Gabriel (1929-1994)
Ce que le monde te raconte,
Préserve-le comme un secret
Scellé sous l'écorce et la chair.
Au fond de tes yeux veille encore
L'innocence du premier regard.
Chaque syllabe en toi fait don
De sa lumière au jour qui le suscite
Et, d'un souffle, renaît pour mourir
D'une autre vie, d'elle-même jaillie.
L'été, la nuit, tout t'habite à jamais,
La neige, le galet, l'oiseau perdu
Et cette flaque où le ciel nu respire.
Pierre Gabriel
13:58 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
19/01/2016
Le poème du jour : Henry Rougier
Boudeuse une statue
De clématite a soulevé le soir
Si lentement
Que l’on dirait d’un livre qui s’apaise
Et dont le souffle entre les mots n'arpente
Qu’un semblant d’éclair entrevu
Boudeuse une statue
De clématite arase la mémoire
Mais lui dont j’entendais le front
Feuilleter l’écho d’une vie
Dont je voyais les yeux cogner du poing
Lorsqu’une rose (entre deux hoquets de maïs)
Excédée d’être n’était plus
Que le leurre de sa merveille
Lui qui tremblait s’attisait dans le feu maussade
Pour étouffer le ricanement des verrous
Lui qui s’ouvrait d’un coup comme une porte
Avide O lui
Que malmenait l’aorte d’un ruisseau
Quand ses paumes en crue
Soulevaient un nid d’incendies
Lui que sa fuite avant l’aurore
Démantelait comme toujours
Devant un pont-levis jeté
Sur une odeur de femme
Lui qui de nouveau pleure et soulève le soir
Pour rien
Dans la statue boudeuse
Henry Rougier
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