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19/02/2016

Un prosème, inédit en français, de Katherine Mansfield

Les poèmes de Katherine Mansfield sont à peu près inconnus en France ! Quelle est, d'après vous, la cause de cet "oubli" ?... Seule une sélection de ses poèmes en vers a été éditée par Arfuyen (Poèmes, 1990). Ce texte-ci, dont la traduction est inédite en français, a été initialement publié dans un magazine de Dundee, "Triad", le 1er juillet 1908.



Study :  The Death of a Rose


     It is a sensation that can never be forgotten, to sit in solitude, in semi-darkness, and to watch the slow, sweet, shadowful death of a Rose.
     Oh, to see the perfection of the perfumed petals being changed ever so slightly, as though a thin flame had kissed each with hot breath, and where the wounds bled the colour is savagely intense… I have before me such a Rose, in a thin, clear glass, and behind it a little spray of scarlet leaves. Yesterday it was beautiful with a certain serene, tearful, virginal beauty ; it was strong and wholesome, and the scent was fresh and invigorating.
     To-day it is heavy and languid with the loves of a thousand strange Things, who, lured by the gold of my candlelight, came in the Purple Hours, and kissed it hotly on the mouth, and sucked it into their beautiful with tearing, passionate desire.
     . . . So now it dies . . . And I listen . . . for under each petal fold there lies the ghost of a dead melody, as frail and as full of suggestion as a ray of light upon a shadowed pool. Oh, divine sweet Rose. Oh, exotic and elusive and deliciously vague Death.
     From the tedious sobbing and gasping, and hoarse guttural screaming, and uncouth repulsive movements of the body of dying Man, I draw apart, and, smiling, I lean over you, and watch your dainty, delicate Death.   

                                                        Katherine Mansfield
                                                       
© Oxford University Press, Poems of Katherine Mansfield, 1988

* * *

Etude :  La mort d'une rose


     C’est une émotion qui ne se peut oublier, de s’asseoir et, dans la solitude, dans la semi-obscurité, regarder la lente, la douce mort d’une rose, en son ombre souveraine.
     Oh ! voir la perfection des pétales parfumés muer à mesure si délicatement, comme une fine flamme qui embrasserait chacun d’eux d’un souffle chaud et dont les blessures rougissent de façon sauvage et intense. J’ai devant moi pareille rose, dans un mince et clair miroir et derrière elle un petit bouquet de feuilles écarlates. Hier c’était beau, d’une évidente beauté, sereine, triste et virginale ; c’était émouvant et sain, et le parfum était frais et vivifiant.
     Aujourd’hui l’heure est pesante et languissante avec les amours d’un millier de Choses étranges qui, charmées par l’or de la lumière de ma bougie, viennent dans les Heures Pourpres et les embrassent vivement sur la bouche et fondent sur leurs belles lèvres avec déchirement, avec passion.
     … À présent donc, elle meurt… Et j’écoute… au-dessous de chaque pétale chu gît le fantôme d’une mélodie morte, aussi fragile et suggestive qu’un rayon de lumière sur un étang ombragé. Oh ! douce et divine rose. Oh, mort exotique, insaisissable et délicieusement vagabonde.
     Loin des sanglots et des halètements détestables, des hurlements gutturaux et des mouvements grossiers et repoussants du corps d’un homme passant de vie à trépas, je m’écarte puis, souriante, je me penche sur vous et regarde votre élégante, délicate mort.

                                              traduction de Viviane Thévenet

 

DESSIN DM.jpg
Azuretti, Daniel Martinez

13/02/2016

Poésie roumaine I : Magda Cârneci

Née le 28 décembre 1955, à Bacàu. Après ses études d'histoire de l'art, Magda Cârneci travaille comme chercheur à l'Institut d'Art de Bucarest :

roue, rubis, tourbillon

roue, rubis, tourbillon
la neige l
umineuse de tes lèvres m'accompagnait
                                           à
travers le jardin
là même où je n'ai entrevu ni homme ni femme
seulement la lueur d'un lever-crépuscule
enfin engloutie par ta douceur sans fin
frémissement à travers les feuillages
là où il n'y a enfin personne       personne
seulement un arôme envahissant
et les doigts quittés sur la rive

est-ce que ce monde sera enlevé sur des ailes ?


                              
Magda Cârneci traduite par
                                                                      Alain Paruit

Poésie roumaine II : Angela Marinescu

 Angela Marinescu est née le 8 juin 1941 à Arad :


Je devrais m'essuyer le visage avec cette souffrance.
Tu es ce cheval efflanqué se nourrissant de braise.
Tu es le froid de la nuit - nuit irréelle -
Un vallon plein de fumée, un autel étroit.
Je devrais me laver les mains dans ton lac glacé
Je devrais me pencher au-dessus de toi.
Je suis un être inutile ; dans ton pur espace,
Demeure, égarée, l'audace.
Seul le désert du paradis se gonfle à ma fantaisie
Et se débat longuement.
Tu es mon poème sans visage.
Tu es mon visage sans masque.
Quel hymne, quel amour, quel sacrifice exiges-tu,
Rameau d'olivier, paix profonde, enfer qu'évente mon cerveau
- mais quel enfer, moral et raisonnable,
Cruel et profond, transparent et froid.
Etreinte passionnée, serait-ce en rêve ?
Je devrais me jeter à tes côtés.
Je devrais m'endormir à tes côtés.

Mais laisse-moi, d'abord, te couvrir d'un voile noir.

                                     Angela Marinescu traduite par
                                                                                 Odile Serre