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19/09/2017

Jean L'Anselme nous parle de ses amis Gaston Chaissac et Jean Dubuffet

Avant de connaître Dubuffet, Chaissac avait fréquenté (et même avait été hébergé par) Otto Freundlich et son épouse, Kosnick-Kloss. Il connut aussi André Lhote, Gleizes. Il était donc possesseur d'une certaine culture artistique, même si sa culture scolaire était des plus modestes. C'est Queneau qui lui fit connaître Dubuffet.

1)

Avec lui, Chaissac fait peau neuve, il se refait une virginité en parfaite adéquation avec l'Art Brut : un brin de dérèglement (il en a déjà cliniquement souffert) qui rapproche de l'art des aliénés, des supports pauvres (on n'est pas chez les riches), un retour aux sources de l'enfance, l'oubli de la culture, celle-ci étant considérée comme "asphyxiante".

C'est cette dernière condition qui incita Dubuffet à me le faire connaître vers 1946. J'animais à l'époque une modeste revue intitulée "Peuple et Poésie" avec la complicité de Michel Ragon, n'acceptant dans ses rangs que des sujets "n'ayant pas usé leurs culottes sur les bancs des écoles". Chaissac, ancien palefrenier et cordonnier de son état, y collabora. Il apparaît que le bonhomme Chaissac n'est pas simple. Il tire orgueil de sa condition de peintre et n'a pas la reconnaissance facile. "La fidélité n'est pas mon fort", dit-il de lui-même.

2)

En revanche, Dubuffet est la générosité et la gentillesse mêmes. On parle rarement de son caractère. On le présente comme un ours. Il n'a jamais mis les pieds aux vernissages de ses expositions !, il refusa jusqu'au bout l'officialité et n'y succomba que sur la fin, lorsqu'il fut en mauvaise santé et n'eut plus la force de résister. Il avait très peu d'amis, ce qui fait que la part de chacun était plus grande. Curieusement, il était soutenu par des littéraires ; en revanche, il avait une montagne d'ennemis du côté peinture. On le croyait homme recherchant le scandale alors qu'il peignait des "énormités" en toute innocence et qu'il souffrait beaucoup du mal qu'on en disait. Il m'a demandé un jour si j'avais une idée sur l'identité de celui qui aurait pu écrire un pamphlet anonyme intitulé "D'Ubu, du bluff, Dubuffet", non pour s'en venger mais pour simplement connaître celui qui pouvait lui en vouloir à ce point.

Dubuffet  était un naïf au grand cœur, un homme désintéressé qui a dépensé une fortune pour créer un musée qu'il a voulu offrir à la France qui n'en a pas voulu. Ce sont les Suisses qui l'hébergent à présent, et ce musée est de réputation mondiale. Malgré tout cela, je vois courir çà et là des sous-entendus selon lesquels Dubuffet serait allé jusqu'à copier et spolier Chaissac.

 

Jean L'Anselme

10:17 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

16/09/2017

Gu Cheng (1957-1993)

Un poète maudit, né en 1957, qui s'est pendu après avoir tué sa femme, Xie Ye, à coups de hache, le 8 octobre 1993. Qu'on ne se méprenne pas, ses poèmes ne reflètent en rien cette fin violente ! En voici un, par exemple :

 

j'attends


toi qui me connais
c'est pour toi
tu as allumé toutes les étoiles toutes les lampes
et je sais
quand tout sera calmé
éteint dans le désespoir de la fatigue
tu arriveras
t'approcheras de moi par derrière
avant le premier cri d'oiseau qui réveille
tu t'approcheras
défaisant ta longue écharpe vert-pâle

 

tu es l'aube

 

                                     février 1982
                                     trad. Isabelle Bijon

 

Gu Cheng


Editions Les Cahiers du Confluent, 1987, poème extrait du livre
Les Yeux noirs, paru en mars 1986 à Pékin, aux éditions du Peuple.

12:56 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

09/09/2017

"Ce qui est seul", de Dominique Labarrière (1948-1991)

Il conviendrait de ne pas parler de "suicide" à propos de la disparition de Dominique Labarrière, mais d'un décès provoqué par un "coma diabétique". Le contexte pourtant (qui ne m'est pas inconnu) donnerait des éléments à... Bref.
Voici un texte de lui qui ne court pas les rues, offert aux lecteurs de ce blog, il l'a écrit en octobre 1985 :

"Ce qui est seul est ce qui est ici et maintenant. "Ici et maintenant" : en aucun cas cette forme vide, abstraite, pauvre à laquelle Hegel assignait la plus basse place dans le cheminement de l'Esprit.
Ici et maintenant qui exige pour être simplement vu une qualité bien particulière de présence au monde, à soi, à l'être.
Cette qualité porte un nom : détachement.
Détachement : non pas rejet et oubli de ce qui m'entoure comme quelque chose de méprisable, comme de l'étant chargé d'être négativement. Mais bien plutôt un refus de tirer de ce qui arrive quelque bénéfice que ce soit à des fins personnelles, pour l"accroissement ou l'enrichissement de la conscience. Si l'on tient à donner des noms, une telle épreuve de l'être, apprendre à voir ce qui arrive ici et maintenant, cet apprentissage peut être nommé poésie."

Dominique Labarrière

 

22:27 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)