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04/09/2019

"rien de rimb" de Alain-Christophe Restrat (1946-2017), éd. à passage, août 1983

Imprimé à 177 exemplaires signés par l'auteur sur vergé ivoire, paru au cours de l'été 1983, ce recueil non folioté de 48 pages fait partie des premiers livres d'un poète d'une absolue discrétion, qui tenait par ailleurs une petite structure éditoriale, Le Voleur de Talan. Son dernier opus paraît en 2010, et c'était un hommage à : Serge Plagnol la musique des branches, éditions Villa Tamaris-Centre d'art - un peintre qu'il connaissait bien. Une vie tout entière consacrée à la poésie, forte d'une vingtaine de titres, des publications en revues, pas toujours reprises en livre... Alain-Christophe a eu la chance de croiser Claude Esteban qui dirigeait alors Flammarion et l'avait pris sous son aile. Deux livres majeurs verront le jour chez cet éditeur : Impasses absolues, Flammarion, 1986 et Départ dans l’affliction et le son vieux, Flammarion, 1992. Disparu il y a près de deux ans (14 septembre 2017), familier des livres d'artiste, son œuvre, dispersée aux quatre vents et placée sous la figure tutélaire de Rimbaud, mériterait d'être mieux connue et diffusée. Voici un extrait de "rien de rimb" [titre à entendre comme une antiphrase], saisi depuis mon exemplaire, qui porte le numéro 62. Daniel Martinez

.

                    seul

                    à la hauteur du cœur

 

                    dès la note du sang

 

                    commence

 

                    commence le chant blanc

 

                    (comme la forme de la femme

                    dans la fable du ciel)

 

                    commence

 

                    quand tu

                    et le tympan des anges qui tremble

 

                    que c'est sans fin

 

                    quand le ciel passe

 

                    rien de rimb, Alain-Christophe Restrat

 

* * *

… la seule vraie raison qui me pousse à vouloir encore écrire, malgré la faiblesse et la prétention de mes écrits passés, ne se justifie que par le désir d'en finir avec la poésie que je rends responsable de l'état de délabrement (hélas consenti) dans lequel je vis.
depuis les premiers mots portés sur le papier, depuis la lecture de Rimbaud, ma raison de vivre (ce que j'appelais alors l'essentiel, lequel a volé en éclats depuis), s'abreuvait tout entière à la source de ce seul mot de poésie. les années n'ont fait que renforcer et amplifier "la chose" – le reste (c'était ainsi que je nommais le monde et les autres) n'avait pas d'intérêt pour moi. l’amour même était gangrené par cette maladie.
le météore Rimbaud était devenu mon cadran solaire, réglant et orchestrant harmonieusement (comme je le croyais alors) mes petites éternités, tous mes choix et mes refus, et mes lâchetés aussi, innocent, trop innocent, voilà ce que j’étais flottant "idéalement" dans le patron trop grand que je m’étais taillé pour vêtir ma maigreur métaphysique, mes coups de cœur et cette passion filée dans le diamant brut de "l’instant". l’avenir ne pouvait être que la chaîne ininterrompue de ces instants. la vertu de l’éclair, la fulgurance, l’immédiateté tenaient lieu de beauté sans que jamais ne s’émousse, au contraire, l’ouate ou est-ce la nacre d’une sensation – avec le temps de plus en plus familière et persistante – que j’ignorais être la pudeur.
l’absolu était entré dans ma vie puis il l’avait prise et ravie cette âme, féminine, la mienne, qui se coulait amoureusement dans le torrent récalcitrant de tant de beauté.

Départ dans l’affliction et le temps vieux, éditions Flammarion, décembre 1991

 

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Serge Plagnol, Concert champêtre

06:19 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

31/08/2019

"La vie de Van Gogh" de Henri Perruchot, Librairie Hachette, coll. Poche, 1er janvier 1959

Période charnière pour Vincent Van Gogh, l'année 1885 marque le départ de son atelier (un deux-pièces loué à un sacristain, qui finit par interdire à ses paroissiens de poser pour le peintre) et la rupture avec sa famille. En 1884, il avait profité de l'automne pour peindre pendant la mauvaise saison cinquante têtes de paysans.
Le 23 novembre 1885, il décide de quitter Nuenen où se trouvaient ses parents (il y vivra deux ans) et de gagner Anvers, "abandonnant sur place la plupart de ses œuvres, rejetant derrière lui son passé... "Il y a quelque chose d'extraordinaire, écrit-il à Théo, dans la sensation qu'il faut entrer dans le feu."

On a recensé pour la période de Nuenen quelque 240 dessins et environ 180 toiles. "Après le départ de sa mère en mai 1886, écrit J.-B. de la Faille, les œuvres de Van Gogh sont mises dans des caisses par des déménageurs et laissées en dépôt chez un charcutier de Bréda. Tout le monde les y oublie, même lui, et elles sont vendues plus tard à un brocanteur qui en brûle une partie, à laquelle il n'attribue aucune valeur. Ce qu'il garde, il le charge sur une charrette et le vend, en parcourant les routes, à raison de dix cents la pièce. La majeure partie est acquise par M. Mouwen, tailleur à Bréda. Grâce à cet achat, tout (sic) ce qui date de la période de Nuenen a été sauvé." ("Ou, du moins, pour être plus précis, ce qui nous en reste.) A noter que ces opérations se passèrent dix-sept ans après le déménagement de la mère de Vincent, en 1903 !"


Henri Perruchot

 

18:08 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

30/08/2019

L'énigme du tableau de Van Gogh : "Paysage nocturne au lever de la lune"

C'est une énigme astronomico-artistique qu'ont résolue Donald Olson et Russel Doescher, deux astronomes de l'université du Texas. Au départ de leur enquête, une controverse sur la datation d'un tableau de Vincent Van Gogh, Paysage nocturne au lever de la lune. Cette œuvre, propriété du Kröller-Müller Museum (Pays-Bas), a été peinte durant l'été 1889 alors que Van Gogh était soigné pour troubles mentaux à l'asile Saint-Paul-de-Mausole, près de Saint-Rémy-de-Provence.

C'est l'époque de la célèbre Nuit étoilée, dont l'étude a montré que le peintre, lecteur assidu de L'Astronomie de Camille Flammarion, respectait la place des astres dans le firmament. Passion qui a permis de fixer au 25 mai 1889 la date de composition de ce tableau, grâce aux logiciels astronomiques qui reconstituent les cartes du ciel au-dessus d'un lieu donné quelle que soit l'époque.

Déjà réputés pour avoir déterminé que l'étoile figurant sur une autre œuvre de Van Gogh - La Maison blanche, la nuit - était en réalité Vénus, MM. Olson et Doescher ont voulu à leur tour se livrer au jeu de la datation. Si l'on se fie à la correspondance du peintre, le Paysage nocturne au lever de la lune a été réalisé juste avant une nouvelle crise de démence et une interruption de six semaines dans la production de Van Gogh. Certains historiens datent cet accès de folie au 7 ou au 8 juillet, d'autres aux alentours du 14. Mais il n'est pas impossible que ce paysage ait été composé à un autre moment.
Olson et Doescher ont voulu en avoir le cœur net. Van Gogh a-t-il respecté la position astronomique ? Se peut-il que la Lune se lève à l'endroit que son tableau indique et, si oui, quel jour précis était-ce ? Les deux Américains se sont donc rendus en Provence afin de retrouver le paysage figurant sur la toile.

Van Gogh installait souvent son chevalet dans un champ clos situé derrière l'asile avec vue sur les Alpilles. Ce fut aussi le cas pour ce tableau. Comme le prouve la comparaison avec une photographie actuelle, le peintre mettait un soin méticuleux à reproduire le relief de la montagne. Ayant ainsi pu déterminer les coordonnées de la pleine Lune sur la toile, Olson et Doescher les ont entrées dans un logiciel d'astronomie en indiquant la position géographique du champ. Ils les ont ensuite testées sur la période allant du 8 mai 1889 - qui marque l'arrivée de Van Gogh à Saint-Rémy-de-Provence - à la fin du mois de septembre, époque à laquelle le peintre expédie sa toile à son frère Théo.

Le programme a sorti deux dates : le 16 mai et le 13 juillet 1889. La moisson ayant été faite, puisque le tableau montre de petites meules de paille, seule la solution du 13 juillet est valable. Énigme résolue !


                                                                 Pierre Barthélémy

 _________

NB : à signaler le livre, des plus intéressants, de Viviane Forrester : Van Gogh ou l'Enterrement dans les blés, préfacé par Chantal Thomas, éditions du Seuil, mars 2014. La vie du peintre (sa naissance un an jour pour jour après le décès de son frère portant le même prénom, mort-né le 30 mars 1852), son entourage familial, son frère Théo en particulier. Voici quelques lignes choisies de ce livre (pages 266-267), où les réflexions de Viviane Forrester sont entrecoupées d'extraits de lettres adressées par Vincent à Théo :

C'est à Monticelli, à l'autre peintre, mort non loin d'ici, à Marseille, et "qu'on a dit si buveur et en démence", que pense Vincent, lorsqu'il revient du travail, avançant à travers les champs, à travers sa vie si austère, après un "travail et calcul sec où l'on a l'esprit tendu extrêmement, comme un acteur sur la scène dans un rôle difficile, où l'on pense à mille choses à la fois dans une seule demi-heure", car après le travail, la seule chose qui soulage, c'est de boire un bon coup, de fumer des cigares très forts avant d'engloutir du café "non parce que c'est bon pour une denture délabrée, mais parce que j'ai une confiance, une foi digne d'un idolâtre, d'un chrétien, d'un anthropophage, dans son efficacité". Efficacité nécessaire lorsqu'il est "en plein calcul compliqué d'où résultent l'une après l'autre des toiles faites vite, mais longtemps prévues d'avance. Et voilà qu'on dira que cela est trop vite fait, tu pourras y répondre qu'eux ils ont trop vite vu".

Viviane Forrester

09:39 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)