18/08/2019
"Material Memoria", de José Ángel Valente (1929-2000), traduit par Jacques Ancet. Editions Unes, février 1986
Luego del despertar
y mientras aún estabas
en las lindes del día
yo escribía palabras
sobre todo tu cuerpo.
Luego vino la noche y las borró.
Tú me reconociste sin embargo.
Entonces dije
con el aliento sólo de mi voz
idénticas palabras
sobre tu mismo cuerpo
y nunca nadie pudo más tocarlas
sin quemarse en el halo de fuego.
* * *
Au réveil, et tandis
que tu étais encore
aux lisières du jour
j'écrivais des mots
sur tout ton corps.
Puis vint la nuit et elle les effaça.
Tu me reconnus cependant.
Alors je prononçai
du seul souffle de ma voix
des mots identiques
au-dessus de ton corps même
et nul ne put jamais plus les toucher
sans se brûler dans le halo de feu.
José Ángel Valente
03:53 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
15/08/2019
Pierre Gabriel (1926-1994)
Ce que le monde te raconte,
Préserve-le comme un secret
Scellé sous l'écorce et la chair.
Au fond de tes yeux veille encore
L'innocence du premier regard.
Chaque syllabe en toi fait don
De sa lumière au jour qui la suscite
Et, d'un souffle, renaît pour mourir
D'une autre vie, d'elle-même jaillie.
L'été, la nuit, tout l'habite à jamais,
La neige, le galet, l'oiseau perdu
Et cette flaque où le ciel nu respire.
Pierre Gabriel
06:19 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
10/08/2019
Pierre Dhainaut, "Voix d'ensemble", Les Deux-Siciles, mars 2002 (Fontainebleau), 75 exemplaires c/o Daniel Martinez, 8 avenue Hoche, 77330 Ozoir-la-Ferrière
Un poète d'importance, Pierre Dhainaut : précisément celui qui m'a donné envie d'écrire en poésie comme on cueillerait à la volée des poignées d'écume, sans façon. A l'oreille encore, une façon de retrouver entre les lignes, dans l'écoulement des vers, le chant de cette huppe entendue en rêve, ou dans un demi-sommeil, celui de l'enfance, primordiale.
Mais trêve de digressions, lisez plutôt de que dit Lucien Wasselin de Voix d'ensemble. Amitiés partagées, Daniel Martinez
* * *
Pierre Dhainaut donne à lire une mince plaquette qui regroupe deux suites de poèmes de forme assez différente. Le poème n'est pas seul à respirer est composé de 8 poèmes assez amples qui courent chacun sur une page. Que ce soit sur la pierre, le sable, le ciel... est une suite de 24 tercets assez indépendants les uns des autres (tant ils ressemblent à des aphorismes, une suite à l'image de la liberté de composition qui est celle de Pierre Dhainaut) mais qui forment un tout traversé par une logique rigoureuse, par le regard que porte le poète tant sur le monde qui l'entoure que sur son activité d'écriture...
Pierre Dhainaut explore toujours le domaine qui est le sien : un paysage extérieur autant que mental, traversé par le souffle, celui de l'art, mais aussi celui du corps :
"Et que ce soit le corps,
la lande, l'air doit passer."
Mais ce paysage est aussi celui de l'écriture, de la poésie, car c'est aussi dans la poésie que le souffle s'incarne. Qu'est-ce qui fait aller à la ligne ? Qui fait que le souffle se coupe ? Quelle volonté ou quel obstacle ? Le ton est grave car la mort est nommée. Mais devant la plage, devant la page, la vie est la plus forte :
"Pourtant
tu continues"
affirme Pierre Dhainaut. Poésie empreinte d'un profond accord avec le monde, non celui de la marchandise et du spectacle, mais celui des éléments naturels dans lesquels s'inscrit le corps, celui "des veines du bois" ou "d'un vol d'hirondelle" dont il faut s'inspirer... Poésie où gravité et sérénité sont les deux faces d'une même réalité : la vie.
Lucien Wasselin
22:45 Publié dans Les Deux-Siciles | Lien permanent | Commentaires (0)