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20/07/2015

Marino Piazzolla (1910-1985) traduit par Jean Rousselot

Petit miracle



        Je suis tellement innocent
        Que lorsque je me lave
        L'eau devient plus claire


* * *


La Gazelle



        J'ai acheté une gazelle.
        Souvent dans ses yeux
        Je vois ma mère venir vers moi
        Pour me tenir compagnie.


* * *


La garçonnière



        Deux papillons blancs
        Se sont aimés
        Dans mon ombre.
        Je sers donc à quelque chose.

 

                            Marino Piazolla traduit par
                                                    Jean Rousselot

19/07/2015

Vittorio Sereni (1913-1983) traduit par Jean Rousselot

Diane


Ton ciel d'autrefois revient
Sur les belvédères de Lombardie.
Il s'amasse en touffeurs nuageuses
Et de tes yeux exilant tout azur
Il se recueille et se repose.


L'eau fraîche reviendra pourtant
Avec le vent qui se lève sur les canaux,
Avec le ciel
Qui s'étire vers le lointain le long des rives.


Reviens-tu toi aussi, Diane,
Entre les tables dressées en plein air
Parmi les gens qui boivent, attentifs,
Sous la lune lointaine ?


Un orchestre bourdonne en sourdine ;
Dans l'ariette qui s'en échappe
Je reconnais ton passage onduleux.


Dans le soir, ton nom fier s'adoucit
Si quelqu'un le murmure
Sur tes traces.


Le mois de juin s'en vient bientôt
Avec l'aride fleur du sommeil
Eclose aux plus tristes faubourgs.


Et le chant, mon amie, qui fut le tien sur terre
Se remet à faire mal
Comme une haleine qui court sur la mémoire,
Et à te reprocher la mort.

                        Vittorio Sereni traduit par
                                            Jean Rousselot

"Venant à stance" de Pierre Toreilles, éditions Gallimard

Souvent composés lors de marches dans la montagne, comme Margelles du silence (1) ou Parages du séjour (2), les livres de Pierre Toreilles gardent, de ce cheminement, une sorte d'ample respiration, que suspend la reprise du souffle. Ces mots "entrecoupés de ciel" évoquent l'alpe et le sentier, l'herbe et les cailloux, les sommets neigeux sous le "bleu cadastre sidéral". Cette "pérégrination" rytme la progression du livre, lui donne une cohérence quasiment organique : "Werk est Weg", dit, en exergue, une citation de Paul Klee.

D'autres fragments, cités en épigraphe, renvoient à Plutarque et aux Psaumes, à Rilke et à Hölderlin, mais aussi à Pu Yen-t'u, peintre chinois du dix-huitième siècle, pour qui "tous les éléments de la nature qui paraissent finis sont en réalité reliés à l'infini".

De même, pour Toreilles, "l'épiphanie du visible met au jour l'énigme du voir". Ce qui donne sa tension à cette poésie abrupte et drue, c'est la contradiction inhérente à la parole "prédatrice" pour qui l'immédiat est inaccessible et l'évidence inintelligible. Cette contradiction se résout dans un "retournement" du poème, dont la perfection ne peut venir que de "l'extérieur, de la proximité bouleversante qui l'anime".

Car cette parole poétique, où surgissent parfois des mots rares, techniques, malgré une apparence un peu hermétique, ne s'éloigne jamais du monde réel. Comme le laisse entendre une citation de Marina Tsvetaïeva, elle donne plus d'importance à la résonance qu'au sens. Ainsi le marcheur est-il ramené au "silence de l'écoute" face à l'inaltérable lumière : plénitude devant laquelle s'exhale, en un lyrisme sobre, une "précaire jubilation".

 

                                                                                        Monique Petillon

(1) Gallimard
(2) Grasset

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