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03/02/2017

Nicolas de Staël (1914-1955)

D'août à octobre 2005 s'est tenue au Musée Picasso d'Antibes une exposition Nicolas de Staël consacrée à la dernière période de l'artiste, où quatre-vingt toiles et dessins - œuvres antiboises - étaient exposés. Aujourd'hui l'occasion de revenir sur cette période de doute qui caractérise les dernières années de la vie du peintre, promis à la fin que l'on sait...

"A un de ses marchands, Jacques Dubourg, Nicolas de Staël écrit d'Antibes, en décembre 1954 : "Ce que j'essaie, c'est un renouvellement continu, vraiment continu, et ce n'est pas facile. Ma peinture, je sais ce qu'elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force, c'est une chose fragile dans le sens du bon, du sublime. C'est fragile comme l'amour. (...) Je sens toujours atrocement une trop grande part de hasard, comme un vertige, une chance dans la force, son côté virtuosité à rebours, et cela me met toujours dans des états lamentables de découragement..."

Le critique et collectionneur Douglas Cooper, au jugement duquel Staël croyait assez pour lui demander de venir à l'atelier, n'en pensait pas moins, à en croire les souvenirs de leur ami commun John Richardson : "Il n'aimait pas que des artistes dont il admirait le travail puissent soudainement faire des bonds en avant. Il n'approuvait pas ce qu'il appelait le "relâchement". (...) Le pauvre Staël protestait contre ce manque de sympathie, mais [Cooper] persista à critiquer chez Staël cette éloquence facile, son échelle grandiose et son nouveau lyrisme..."

Il n'était pas le premier : les commentaires du critique Léon Degand, à la suite de l'exposition organisée à la galerie Dubourg en juin 1954, sont de la même eau, comme l'a montré Jean-Paul Ameline, le commissaire de l'exposition de Beaubourg (rétrospective organisée au printemps 2003, avec plus de 210 oeuvres au catalogue), dans son étude sur la fortune critique du peintre : "Degand conteste à l'artiste une aisance qui n'aboutit qu'aux "qualités extérieures" d'un "fauvisme simplifié", une facilité qui privilégie la vitesse d'exécution, au point d'inquiéter son marchand américain Paul Rosenberg, qui lui recommande de se méfier de cette hâte au nom de la sauvegarde des tableaux..."

Staël, qui s'est fait apprécier avec des toiles maçonnées comme des mosaïques, abandonne ses truelles de peintre pour leur substituer des brosses souples, voire du coton ou de la gaze, et donner à sa touche l'aspect fluide qui caractérise ses derniers travaux, les plaçant, dit Ameline, "au bord de la dissolution, au risque de l'échec, comme si elles appartenaient à un monde appelé à s'engloutir".

On a souvent relié la fin tragique de Nicolas de Staël à des éléments biographiques. Pourtant, hormis une maîtresse capricieuse, que le catalogue d'Antibes qualifiait pudiquement de "modèle", qui inspire les nus somptueux de cette période et désespère ce passionné, sa vie peut passer pour heureuse. Elles sont loin, les années de misère où il peignait la Vie dure (1946) ou Brise-lames (1947), significativement titré Brise-à-l'âme au dos du châssis. Ses expositions, à New York notamment, l'ont rendu riche. Ses amis sont fidèles, nombreux, et, de Georges Braque à René Char, de qualité. Romuald Dor de La Souchère, le conservateur du Musée d'Antibes, veut - déjà - lui consacrer une exposition.

Pourtant, dans sa solitude volontaire d'Antibes, il en est une autre qui le fuit : la peinture. Le 5 mars 1955, dix jours avant sa mort, il fait une escapade à Paris. Il en profite pour voir quelques proches, dont son beau-fils Antoine Tudal, auquel il confie son vague à l'âme et lie inextricablement son existence à son art : "Tu sais, je ne sais pas si je vais vivre longtemps. Je crois que j'ai assez peint. Je suis arrivé à ce que je voulais..."

Or, de retour à Antibes, il attaque deux tableaux, dont un de 21 mètres carrés, sur le thème du Concert. Nous sommes le 10 mars 1955 : Staël a moins d'une semaine à vivre."

                                                                              Harry Bellet

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Le Concert, toile inachevée de Nicolas de Staël

15:53 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

02/02/2017

Mary Beach (1920-2006)

Cousine de Sylvia Beach, Mary Beach-Pélieu s'est éteinte le 25 janvier 2006 à l'hôpital de Cooperstown, NY, aux Etats-Unis. Elle avait 86 ans.

Américaine, Mary Beach avait passé sa jeunesse en France. Elle rencontra le poète Claude Pélieu à Paris en 1962. Ensemble, ils partirent pour les Etats-Unis l'année suivante. A son arrivée à San Francisco, elle travailla à City Lights Books et y rencontra les écrivains de la Beat Generation qu'elle entreprit, avec Claude, de traduire en français. Pour le couple, un travail gigantesque de traducteurs-passeurs commençait : Ginsberg (Kaddish), Burroughs (la trilogie cut-up), Ferlinghetti, Ed. Sanders, Carl Solomon... On doit à Mary la découverte de Bob Kaufman (Sardine dorée).

Elle a aussi été éditrice. Au sommaire des éditions Beach, Texts and Documents, on retrouve tous les amis : Burroughs, Ginsberg, Ferlinghetti, Pélieu, une version de Minutes To Go (le texte fondateur du cut-up) et bien d'autres choses tout aussi excitantes...

Elle a aussi un peu écrit, seule (Electric Banana) ou en collaboration avec Carl Weissner, un ami allemand membre de la Conspiration internationale cut-up.

Mary Beach était avant tout un peintre, qui passait sans complexe des portraits-souvenirs de ses amis poètes (beaux portraits de Ginsberg, Ann Waldman, Patti Smith, qui fut son amie et sa voisine au Chelsea Hotel de New York...) à un art abstrait dynamique et coloré. En 1995, après avoir réalisé avec Claude de grandes toiles qui mixaient peinture et images découpée, elle s'était mise elle-même au collage. Avec un bonheur extraordinaire. Commentaire de Claude Pélieu à l'époque : "Les collages forment la jeunesse. Mary à 80 ans travaille comme une punkette".

Mary Beach avait le goût du risque et de l'aventure. Elle a expérimenté la création dans des domaines extrêmement variés. Avec une revendication perpétuelle de liberté.

                                                                            Bruno Sourdin

16:38 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

30/12/2016

Jean Hélion (1904-1987) I

Le peintre Jean Hélion a été interviewé par un autre peintre, Jean-Paul Chambas, en 1984. Abstrait dans les années 1930-1938, Jean Hélion est revenu au naturalisme selon divers modes originaux... Voici :

Jean-Paul Chambas : La liberté, chez vous, ce n’est pas l’abstraction.

Jean Hélion : Non, l’abstraction n’est pas la liberté. Regardez, tout ce qui nous entoure est interdit dans l’art abstrait ; mais il y a la liberté de l’homme de se dégager du monde auquel il est soumis. La négation de l’abstraction est un acte de liberté également, et je suis parti de l’abstraction pour les mêmes raisons qui m’ont fait y entrer. J’ai regardé le monde pour tourner le dos à l’abstraction. Le monde est dans son envers aussi bien que dans son endroit ; alors ?

Prendre l’abstraction comme but, c’est de l’académisme, le but est de la prendre comme un élan, un élan comme un autre. L’abstraction, c’est du pianotage ; pianoter des valeurs, des oppositions d’angles, renouveler, multiplier, il y en a eu tellement tout d’un coup que le monde se peignait tout seul, s’exprimait tout seul ; je m’apercevais qu’un rond tendait à s’infléchir légèrement et qu’il devenait une silhouette ; je m’apercevais qu’il était impérieux de diviser ce rond plat pour ne pas qu’il soit toujours plat. Vous y mettez une verticale, vous avez le nez ; deux horizontales, vous avez les yeux ; une autre horizontale, vous avez la bouche, mais en vérité elle s’incurve. Chaque progrès de formes me paraît un progrès de compréhension, et de création. Picasso a très bien senti qu’il pouvait faire un visage dans lequel les yeux étaient deux horizontales… et cela ne l’empêchait pas de faire le lendemain une imitation d’Ingres ; avec une liberté que j’ai toujours admirée chez lui : il inventait.  

J.-P. C. : Dans tous les sens Matisse, lui, ne se servira que de la courbe :

J. H. : Oui, Matisse a une autre forme de liberté. Il a joué sur la complexité du rapport avec le modèle tandis que Picasso n’a jamais fait du modèle qu’un principe, non une réalité.

 J.-P. C. : Vous avez cherché dans vos carnets à inventer avec acharnement.

J. H. : L’acharnement, c’est notre vie à tous, mais il n’est jamais épuisé, réussi. Tout est à refaire en peinture. C’est peut-être ça le principe de l’art, entre le faire et le refaire il y a toutes les diversions possibles, et le blanc est la somme de tous les possibles finalement ; tous les points que vous allez réunir par des lignes existent virtuellement sur la surface blanche.

 J.-P. C. : C’est vrai chez Cézanne où le blanc, le vide, font le tableau ; le blanc du papier est à la fois lumière et peinture de la lumière.

J. H. : Cézanne a fait des touches sur lesquelles appuyer. Il appuie avec la lumière comme un musicien appuie sur le piano. Il joue un air qu’il porte au fond de lui.

 J.-P. C. : Un tableau de Cézanne où il y a du blanc, de la lumière, vous ne le voyez pas du tout comme ce portrait de Filippo Lippi (aux Offices à Florence) ou le fameux Bonaparte par David ?

J. H. : Non, chacun a ses qualités. Il y a des moments où je préfère l’un à l’autre mais l’inachèvement de Cézanne me paraît plus achevé que celui de Bonaparte à Arcole. L’inachevé, c’est laisser ouvert au lieu de fermer. Vous savez, on a un foutu terme en art, on dit que « c’est exécuté », au sens de Deibler, vous ne l’avez pas connu, cet exécuteur des hautes œuvres. L’exécution académique est vraiment un assassinat, tout possible est enlevé. Ce qu’il y a de très beau dans Cézanne, c’est que les formes restent ouvertes comme pour chanter ; je trouve ça très généreux. 

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16:10 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)