16/01/2017
Eloge de la petite édition, opus 2
En dépit de leurs faibles moyens, les petits éditeurs sont aussi, fréquemment, des artistes, réalisant de beaux livres, que ce soit dans la tradition - belles typographies, beaux papiers, belles maquettes - ou dans l'invention, jusqu'à faire du livre un véritable petit objet d'art moderne. Lesdits éditeurs ont à la fois un problème de visibilité et un problème d'argent. Les libraires croulent sous l'accumulation de romans. Comment trouver un espace pour un recueil de poésie tiré à 300 exemplaires, mal distribué, et dont on ne vendra que quelques-uns en six mois ? Non seulement les journalistes accordent presque toute la place, à chaque rentrée littéraire, à deux ou trois livres publiés par Gallimard, Flammarion, Grasset ou Albin Michel, mais les prix les plus connus vont systématiquement aux grandes maisons.
Enfin, comme s'il fallait définitivement en finir avec la pluralité et avec l'édition indépendante, les grandes maisons d'édition envahissent les rayons avec des tirages massifs, entassent des piles dans les Fnac. Cette abondance ne signifie pas que le lecteur a vraiment le choix. Les Mémoires d'un chanteur ou le roman d'un présentateur de télévision ne sont pas nécessairement plus lisibles et plus palpitants que, chez Allia, un récit d'Oliver Rohe ou une réédition de Pierre Louÿs. Mais, en l'absence de véritable information, le lecteur moyen ne choisit pas : il prend ce qu'il voit et ce dont tout le monde parle. Certains ont les moyens de lui faire croire qu'il choisit.
Un petit éditeur, à moins de bénéficier d'une fortune personnelle ou de trouver un mécène, finit par être dévoré par un plus gros. S'il veut survivre et demeurer indépendant, il doit souvent avoir recours aux aides à la publication apportées par le Centre national du livre (CNL). Mais celui-ci ne peut pas soutenir tout le monde. Seule une minorité de petits éditeurs sont installés à Paris. L'implantation en province permet de solliciter l'aide des Centres régionaux du live (CRL). Mais l'appui des collectivités locales peut entraîner une nouvelle sorte de dépendance, et obliger l'éditeur à entrer dans le système des féodalités politiques. Certaines régions accorderont leur soutien de préférence à des livres illustrant le patrimoine régional : d'où une tendance à se tourner vers la littérature du terroir. Ainsi, la décentralisation se recroqueville en localisme culturel.
Pierre Jourde
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
09:39 Publié dans Editions | Lien permanent | Commentaires (0)
Eloge de la petite édition, opus 3
L'édition tend à se concentrer en vastes conglomérats rassemblant maisons d'édition et journaux. Ces conglomérats deviennent eux-mêmes la propriété de groupes industriels qui n'ont rien à voir avec la littérature. D'où une production orientée vers une rentabilité rapide, une puissance écrasante de distribution et de promotion, et de permanents conflits d'intérêts : les journalistes chargés d'orienter les choix littéraires des lecteurs sont salariés par des producteurs de livres.
L'indispensable survie des petites maisons indépendantes ne sera possible que si les pouvoirs publics considèrent sérieusement la culture comme une exception aux règles du libéralisme, non seulement en s'opposant à certains regroupements, mais en assurant la véritable autonomie, politique, économique et culturelle, des CRL et du CNL.
Il en va ainsi de la responsabilité de tous ceux qui interviennent dans la diffusion du livre, afin que le public des petits éditeurs ne se limite pas aux curieux, aux amateurs éclairés. Les libraires qui tentent de soutenir ces maisons ont eux-mêmes besoin d'appuis.
Un journaliste devrait mettre un point d'honneur à ne pas se faire l'auxiliaire d'opérations publicitaires, ni, sous prétexte d'"événement", à se précipiter au secours des vainqueurs. Les membres des jurys des prix littéraires, au lieu d'accorder les plus rémunérateurs aux plus riches (qui ont, il est vrai, quelques moyens de manipuler ces jurys), devraient avoir à cœur de couronner des ouvrages publiés par de petites maisons.
Pierre Jourde
09:36 Publié dans Editions | Lien permanent | Commentaires (0)
12/01/2017
Les éditions Quaderni di orfeo (Italie)
C’est en 2003 que furent créées les éditions Quaderni di Orfeo, de Roberto Dossi, avec un catalogue qui compte à ce jour plus de 120 titres : beaucoup de poésie, mais toujours accompagnée de gravures, d’œuvres originales, et aussi quelques authentiques livres d’artistes (réalisés à partir du projet d’un artiste, et avec sa collaboration personnelle).
Nos livres sont toujours imprimés sur une presse typographique mécanique : chaque feuille de chaque livre est imprimée une à une. Cette méthode nous permet de juger de la qualité du travail pendant toute la durée de l’impression. Notons que cette manière de travailler, si elle est plutôt lente, est tout à fait adaptée à des tirages limités.
Passionné depuis toujours par certains auteurs et poètes peu connus et peu diffusés en Italie, imaginez quelle a été ma surprise lorsque je suis tombé sur un poème inédit de Thierry Metz paru dans la revue Diérèse (n°52/53 – printemps 2011) dont le titre portait (à un pluriel près) le nom de nos éditions : son fameux « Carnet d’Orphée » (en italien : « Quaderno di Orfeo ») ! J’aime sans réserve ce poète, dont j’avais déjà lu le « Journal d’un manœuvre », les « Lettres à la bien-aimée » et quelques autres poèmes.
Après avoir contacté Daniel Martinez, de la revue Diérèse, et Françoise Metz, veuve du poète, pour leur demander l’autorisation de publier ce livre en italien, je me suis alors consacré à la traduction du « Carnet d'Orphée », dans sa version italienne. Elle a été finalement imprimée en octobre 2012, à 77 exemplaires numérotés et signés par l’artiste Piermario Dorigatti, qui a accompagné cette prose poétique de quatre linogravures originales.
C’est après avoir pris contact avec Isabelle Lévesque, poète publiée par Diérèse, qu’elle est entrée dans notre catalogue, avec « Neve ». Un livre d’artiste composé à partir de clichés originaux du photographe Raffaele Bonuomo, choisis pour accompagner l’un de ses poèmes, intitulé : "C’est tout, c'est blanc".
Parmi les auteurs français (ou ayant écrit en français) publiés par les « Quaderni di Orfeo » on compte aussi : Henri de Régnier, René Char, Yves Bonnefoy, Rainer Maria Rilke, Kenneth White et Philippe Jaccottet. De ce dernier nous avons déjà publié deux livres, et une troisième publication est actuellement sous presse : une prose poétique inédite (en France aussi), à partir d’une typographie composée à la main avec des caractères de plomb, comme la plupart des livres que nous avons édités.
Marco Rota
Site Internet de l’éditeur : www.quadernidiorfeo.it
Principaux titres du catalogue des éditions Quaderni di Orfeo :
· Rainer Maria Rilke, Le rose, avec un gravure de Luciano Ragozzino
· René Char, In trentatré frammenti, avec un bois gravé de Paolo Cabrini
· Kenneth White, Frammenti da un giornale di bordo, avec une œuvre originale de Oliana Spazzoli
· Roberto Dossi, Polsi. Per Thierry Metz, avec cinq pointe-sèches et une linogravure de l’auteur
· Philippe Jaccottet, La linaria, avec une gravure de Loredana Müller
· Yves Bonnefoy, La bellezza, avec une œuvre originale de Teresa Maresca
· Thierry Metz, Quaderno di Orfeo, avec quatre linogravures de Piermario Dorigatti
· Philippe Jaccottet, Colline a San Donnino, avec trois gravures de Bruno Biffi
· Luciano Erba, Già che vai di là, avec une œuvre originale de Pierantonio Verga
· Fabio Pusterla, Uomo dell’alba, avec trois linogravures de Luciano Ragozzino
· Philippe Jaccottet, Nuvole, avec des œuvres originales de Paola Fonticoli
· Henri de Régnier, Maschere, avec deux eaux-fortes de Giancarlo Vitali
· Kenneth White, Scene da un mondo fluttuante, avec quinze linogravures de Roberto Dossi
Quelques livres d’artistes :
· Raffaele Bonuomo, Neve, dix photographies originales accompagnées d’un poème d’Isabelle Lévesque
· Mauro Staccioli, Intervento, textes, œuvres graphiques et une sculpture de l’auteur
· Gianfranco Pardi, Breviario, poèmes et œuvres graphiques de l’auteur
· Simona Uberto, Dove?, textes, œuvres graphiques et une sculpture de l’auteur
· Emilio Isgrò, Ho cancellato l’incancellabile, textes et œuvres graphiques de l’auteur
· Azuma Kenjiro, La forma del vuoto, œuvres originales de l’auteur
· Walter Valentini, Altare / Cieloterra, avec deux œuvres graphiques de l’auteur
http://www.quadernidiorfeo.it/le-collane/quaderni-pagina-7/67-neve/
10:34 Publié dans Editions | Lien permanent | Commentaires (0)