241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/05/2020

"Même la nuit, la nuit surtout", de Pierre Dhainaut, gravures de Marie Alloy, éd. Le Silence qui roule, février 2012, 18 pages non foliotées, 80 exemplaires

Troisième livre d'artiste publié par Pierre Dhainaut chez Marie Alloy, des éditions Le Silence qui roule, "Même la nuit, la nuit surtout" compte 15 exemplaires et 5 HC sur Vélin BKF de Rives accompagnés de 9 gravures originales de l'éditrice.
Dans l'édition courante, de 50 exemplaires, 2 gravures ont été reproduites. S'y ajoutent 10 exemplaires, entés d'une gravure originale.
Livre du deuil, décliné en sept poèmes aux tonalités graves, c'est à un accompagnement dans les derniers instants de vie d'un être cher au poète que l'on assiste, à un dialogue muet dans l'extrême attention au corps du vaincu que le scripteur rejoint en partage, par la pensée, quand au bord de l'ombre tremble encore la corde de l'arc... Avant le silence qui ne saurait être le dernier car "bientôt la nuit va revivre, engendrer son aube."

*

4.

Illusion, certitude, je ne peux décider,
parfois dans le sursaut qui redresse l'épaule
je renonce à compter les instants, les rafales,
ou bien dans la blancheur qui agrandit la perspective
la joie se perpétue, de l'âge où se joignaient les souffles :
quelqu'un respire, tout proche, quelqu'un attend
que les vents épars et la voix, ce qu'il en subsiste,
se prolongent, s'éclairent, ce serait marée haute,
ce serait de nouveau la preuve, rien n'est clos ni opaque.

Pierre Dhainaut

05:31 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

26/05/2020

Un texte inédit de René Char

Préambule au "Soleil des eaux"

Le Soleil des eaux, "spectacle pour une toile des pêcheurs", date de 1946 et fut créé en 1948 par la Radiodiffusion française, avec une musique de Pierre Boulez. Ce préambule, jusqu'ici inédit, fut rédigé par René Char en 1967 en perspective d'une représentation télévisée de l’œuvre. Il en adressa le texte à l'helléniste Pierre Vidal-Naquet (1930-2006) le 18 juin 1975 au terme de discussions et d'échanges de correspondance sur l'Illiade. René Char achevait d'ailleurs sa lettre par cette belle formule : "Homère, dieu pluriel, avait œuvré sans ratures, en amont et en aval à la fois, nous donnant à voir l'entier Pays de l'homme et des dieux."
Ce préambule synthétise de façon frappante les rapports de René Char avec la Grèce et la Provence. Les trois divinités de son "drame initial" y conservent l'accent nietzschéen présent dès le Marteau sans maître, et récurrent dans toute son œuvre. Voici :

L'insistance des grands mythes survivants à se montrer à nous n'a d'égale que notre gêne à les distinguer. En Provence, les figures de la Grèce ancienne sont présentes à fleur de terre. Il advient au poète de les rencontrer et d'en nommer passagèrement les traits. Ainsi retrouve-t-on dans le Soleil des eaux certains des personnages de notre drame initial : le serpent Python (le Dragon, symbole de l'effroi, du poison) (1) que vainquit Apollon adolescent, c'est le Drac pêcheur d'anguilles ; Héphaïstos, le dieu forgeron, le dieu boiteux qui donne à Apollon les flèches avec lesquelles celui-ci tuera Python, c'est l'Armurier, il fournit à Francis (2) les armes de son combat ; Apollon lui-même, le dieu de la jeunesse aux multiples visages est réparti sous les traits de Francis, d'Apollon le lézard et d'autres pêcheurs. Tous gravitent et avancent, chargés de contradictions, de courroux, d'amour et de soif de justice. Les dieux ne dispensent pas les hommes de la révolte, pas plus qu'ils ne limitent, aux diverses époques de la terre, les couleurs de leur destin.

René Char

(1) Le poète avait d'abord écrit : "symbole du Mal originel" ; puis il a corrigé par "symbole de l'effroi".
(2) Personnage principal de la pièce.

A signaler, parmi les réussites bibliophiliques touchant à l’œuvre illustrée du poète, le fac-similé superbe de Quatre fascinants, manuscrit autographe de René Char, enluminé par Victor Brauner (1950), publié par la Fondation de l'Hermitage (16 pages + couverture, 28 francs suisses).

09:13 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)

24/05/2020

"Le Convalescent", de René Char, mai 1982, Marchant Ducel éditeur, 25 exemplaires sur Népal (imprimés à Kathmandu), 20 pages, avec une peinture tantrique

Vous ne trouverez pas mention de cet éditeur dans les Œuvres complètes du poète dans La Pléiade, ni celle de la date d'édition de ce recueil, vous en avez donc la primeur ! La directrice de publication s'appelait Lucie Ducel (un pseudonyme bien sûr, comme la référence à Marcel Duchamp, vous l'aviez deviné). Elle était serbe ; seule désormais, Lucie habitait au 79 rue du Chemin vert à Paris, œuvrait sans subventions de la puissance publique dont on connaît les partis pris. Son compagnon et elle avaient séjourné avec René Char au Népal et ravie, elle ajoutait : "Voyez-vous la chance que nous avons eue !". Son catalogue était ma foi impressionnant, je me suis déjà confié à vous sur le sujet. Ce prosème de René Char a paru en même temps (et chez le même éditeur) que le Dernier Chant de Milarepa, traduit du tibétain par Lopsang Lama, à 40 exemplaires sur Népal, avec un portrait du poète.

Extrait du "Convalescent" :

Puis je me couvris la tête de mon manteau.
Milarepa


Alentour du poème qui nomme tout silencieusement, on parlerait haut pour ne rien dire dans un langage qui ferait sourire le Temps.


Mes indociles : les cieux cristallins, l'amour ardoisé, se déploieraient entre un soleil réductible et l'agreste nuit non ébruitée.


Comme dans un paysage qui attire le baiser, dans les bras du ravisseur il y a l'imprenable.


Vert meurt, s'appliquait à tracer dans son blason René d'Anjou. Sur le parchemin suivant il écrivait : Tant, le plus lentement qu'il pouvait.


Entre ma flèche haut lancée et l'arc retendu aux trois peu rassurantes étoiles, nul ne serait aveuglé à dessein, ni privé de son cœur, même mourant.

 

René Char